Un autre été, un autre aperçu de ce qui s’en vient. Un autre été de chaleurs extrêmes, d’évènements extrêmes liés au climat.

Je ne suis pas climato-anxieux, je vous l’ai déjà dit. Je suis climato-résigné.

Mais devrais-je parler au passé ?

Car il y a quelque chose de particulièrement anxiogène dans l’été 2021 qui commence à tirer sa révérence, encore plus que lors des derniers étés.

Fin juin, le village de Lytton, en Colombie-Britannique, a connu la température la plus élevée jamais enregistrée au Canada : 49,6 °C 1.

Quelques jours plus tard, Lytton a été rasé de la carte par un incendie de forêt attribuable à ce « dôme de chaleur ».

Tu parles d’un symbole.

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La vague de chaleur qui a frappé la Colombie-Britannique a fait exploser le nombre de morts subites dans la semaine du 25 juin au 1er juillet, une hausse de 300 % par rapport aux statistiques de 20162. Le corps humain, surtout s’il est celui d’une personne âgée plus fragile, endure moins bien la chaleur extrême.

L’ouest du continent a été particulièrement touché par la chaleur. La Californie, déjà régulièrement frappée par des incendies de forêt violents, a enregistré cet été le deuxième brasier en superficie de son histoire : 180 000 hectares ont été dévastés3. Il fait encore rage, d’ailleurs. Sept des dix plus grands incendies de forêt de la Californie sont survenus dans les trois dernières années.

La Turquie, l’Algérie, le Liban, Chypre : partout dans l’hémisphère Nord, cet été, il a fait chaud, très chaud… Trop chaud.

Un peu partout, ça flambe. Et ça flambe plus que d’ordinaire. Déjà que « l’ordinaire » des dernières années était extraordinaire, au vu des statistiques historiques.

La froide Sibérie est chaude l’été et les incendies de forêt n’y sont pas une rareté. Ce qui l’est, cet été, c’est l’intensité des 190 brasiers et leur superficie : on rapporte que les incendies de Sibérie couvrent ces jours-ci une plus grande superficie que ceux faisant rage en Grèce, en Turquie, en Italie, aux États-Unis et au Canada… combinés4.

PHOTO PETROS KARADJIAS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des centaines de personnes ont été évacuées de l'île grecque d'Eubée, où des incendies de forêt font rage depuis le début du mois d'août.

En Italie, une pharmacienne a expliqué au New York Times 5 avoir besoin de cinq climatiseurs pour garder ses médicaments à une température raisonnable. Or, parfois, a-t-elle déclaré, des clients reviennent la voir peu après avoir quitté sa pharmacie : leurs médicaments ont fondu en route vers la maison…

Pourquoi le NYT parlait-il de la Sicile ?

Parce que mercredi, on y a enregistré ce qui serait un record européen de température : 48,8 °C, à Syracuse. Citation brûlante (pardon !) de vérité de la pharmacienne : « Les humains ne sont pas nés pour vivre à une telle température. »

À point nommé, le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a publié lundi un (autre) rapport (encore plus) alarmant sur la santé du climat. Nous approchons d’un seuil irréversible, semble-t-il. Le secrétaire général de l’ONU a parlé d’un « code rouge » pour l’humanité en évoquant les constats du GIEC.

C’est un peu passé dans le beurre, cependant : comme on s’habitue aux records de chaleur, on s’habitue aux rapports alarmants du GIEC.

Ce rapport n’a pas fait l’objet de débats passionnés sur Twitter, n’a pas poussé le président des États-Unis à convoquer les Américains à une conférence de presse à une heure de grande écoute…

Et le PM australien l’a carrément rejeté, lui, affirmant que les scientifiques du climat n’allaient pas lui dicter ce que l’Australie peut, ou pas, faire avec son charbon6.

Les États, cet été comme toutes les saisons depuis des décennies, ne semblent donc pas vouloir agir sur le climat, au-delà des mots.

Restent donc vous et moi, les individus.

J’ai décidé que mon prochain véhicule serait électrique. Ce sera l’équivalent de donner une chaudière d’eau à quelqu’un qui tente d’éteindre l’incendie de sa maison, en effet. Les problèmes collectifs ne peuvent pas reposer sur des solutions individuelles. Les États ont les plus grosses lances d’incendie.

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Cet été, comme tout le monde, j’ai levé des yeux ébahis vers la Lune écarlate. Des incendies de forêt de l’Ontario ont créé une sorte de smog permanent qui brouille l’horizon le jour et qui agit comme un filtre Instagram sur la Lune, la nuit.

Résultat, la Lune était parfois rouge. Il faut le dire, elle était… magnifique.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pleine Lune rouge se levant sur Vancouver, le 23 juillet dernier

Rouge : c’était aussi la couleur dominante sur ces images saisissantes de Grecs fuyant par bateau une île en proie aux flammes, la nuit. Un rouge vif, obstiné, incandescent. L’image, terrible, n’en était pas moins magnifique.

Comme ces images de pompiers qui combattent des incendies en Sibérie et en Californie. L’air est rouge, d’une beauté sinistre, on se croirait dans un film de science-fiction.

On peut au moins se consoler en se disant que demain, ou après-demain, l’apocalypse climatique sera joliment, horriblement photogénique.

1. Lisez l'article de la BBC 2. Lisez l'article de CBC 3. Lisez l'article de l'Agence France-Presse 4. Lisez l'article du Washington Post 5. Lisez l'article du New York Times 6. Lisez l'article d'Europe 1