C’est officiel : un passeport vaccinal permettra aux Québécois vaccinés d’avoir accès à des pans de la vie en société qui seront fermés aux non-vaccinés.

C’est une mesure d’exception. Avant la pandémie, l’hésitation vaccinale n’était pas sans conséquence, même au Québec. On déplorait des éclosions de rougeole – une maladie qu’on peut facilement enrayer par la vaccination –, par exemple. Mais ces éclosions ne paralysaient pas la société. Avant la pandémie, un passeport vaccinal n’était donc même pas source de débats, ici.

Les privations, les sacrifices et les souffrances imposés par la pandémie de coronavirus SARS-CoV-2 ont recadré les perceptions des gens. Ici et ailleurs.

Les vaccins fonctionnent. Ils sont efficaces. Ils sont sûrs.

Ils n’empêchent pas la transmission du coronavirus, mais ils empêchent providentiellement le développement de la maladie qu’est la COVID-19 dans ses formes les plus graves… Celles qui font atterrir les gens dans les hôpitaux.

Et le but du jeu dans l’imposition de mesures sanitaires depuis mars 2020, ç’a toujours été un peu, beaucoup ça : éviter que les hôpitaux soient surchargés de patients malades aux soins intensifs. Qu’on doive suspendre à l’infini les activités hospitalières et décider qui sera soigné… ou pas.

Là, 18 mois plus tard, nous avons des vaccins. Je corrige : nous, en Occident, avons la chance et le luxe d’avoir accès à des vaccins en quantité. La majorité des habitants des pays assez chanceux pour avoir des vaccins – dont le Canada – se font vacciner. C’est une minorité qui choisit de ne pas le faire.

Mais cette minorité retarde le groupe. Il n’y a pas d’autre façon de nommer les choses. Elle mine l’immunité collective.

Le pourcentage minoritaire d’habitants qui choisissent de ne pas être vaccinés constitue un bassin de transmission du virus dangereux pour deux raisons.

Un, ces gens, une fois infectés, risquent d’être hospitalisés. Ils risquent d’être hospitalisés aux soins intensifs. On le voit aux États-Unis : leur quatrième vague est une vague de non-vaccinés. Des hôpitaux américains sont au point de rupture. L’immense majorité des malades ne sont pas vaccinés. L’immense majorité des malades ne seraient pas là s’ils avaient choisi de se faire vacciner.

Deux, plus il y a de transmission, plus le virus sait comment trouver les failles pour se reproduire. Ce n’est ni un complot ni de la science-fiction, c’est de l’évolution : les virus s’adaptent depuis toujours, et la science le savait bien avant cette pandémie.

Le variant Delta, comme craint au printemps, a fait exactement cela et il réussit à déjouer les défenses immunitaires induites par la vaccination pour infecter ses hôtes. Heureusement, pour l’heure, les vaccinés infectés n’en meurent à peu près pas et n’ont à peu près pas besoin d’être hospitalisés.

C’est tout le contraire chez les non-vaccinés : ce sont eux qui deviennent malades, eux qui sont hospitalisés, eux qu’on doit intuber. Ce sont eux, ces jours-ci, qui disent – au bout de leur souffle – regretter de ne pas s’être fait vacciner.

Lisez un article de CNN sur la volte-face d'un animateur de radio américain (en anglais)

Des gens décident donc de ne pas être vaccinés, neuf mois après le début de la campagne de vaccination au Québec. C’est leur droit. Mais la société n’a pas à accommoder cet égoïsme jusqu’à l’absurde, qui serait de devoir reconfiner des pans entiers de la société.

Il y a deux options pour éviter cette absurdité.

Un, vacciner de force. Je m’y oppose.

Deux, pousser les gens à se faire vacciner en faisant de la preuve de vaccination une clé qui donne accès à ces pans de la société qu’il faudra fermer si nos hôpitaux sont au bord du gouffre à cause des non-vaccinés. Je l’applaudis. Je l’espérais depuis longtemps.

Lisez la chronique de Patrick Lagacé du 24 avril

L’État québécois a lancé une campagne de vaccination qui est aujourd’hui hyper bien rodée. C’est gratuit. C’est accessible. Atteindre les 75 % de vaccinés n’est plus un rêve fou… Mais 75 % est un objectif qui ne garantit rien avec le variant Delta plus contagieux.

Pour convaincre les récalcitrants, l’État a utilisé la carotte : on a envoyé des cliniques mobiles de vaccination dans les parcs et dans certains quartiers ; l’État a fait des campagnes de vaccination sur tous les tons, du sérieux au ludique. On a même créé une loterie pour récompenser ceux qui ont choisi de se faire vacciner !

Eh bien, en ces premiers jours d’août où les statistiques d’infections quotidiennes ne sont plus aussi ensoleillées que plus tôt cet été, le temps des mamours est terminé.

Le passeport vaccinal est à nos portes.

Bars, restaurants, centres d’entraînement, salles de spectacle, salles de cinéma : pour avoir accès à ces pans d’activité, il faudra montrer une preuve de vaccination. La liste n’est pas exhaustive. Ça ne visera pas les épiceries.

Si le passeport vaccinal est facile à contrôler pour les commerçants, s’il est limité dans le temps, si les informations personnelles qui y sont consignées sont limitées au minimum et si les avantages pour la société dépassent largement les désagréments logistiques et éthiques… je n’y vois rien de mal.

Les conspirationnistes vont bien sûr y voir une autre « preuve » de la dictature à venir. Laissons-les délirer, ils se commanderont du poulet et ils feront des push-ups là où ils ne risquent pas de retarder le groupe : dans le confort de leur foyer.

Ils pourront en sortir comme les autres, s’ils se font vacciner… comme les autres.