Les chiffres sont clairs : les nouveaux malades de la COVID-19 sont ceux qui n’ont pas été vaccinés, essentiellement. Et ces malades, ils sont soignés par notre système de santé, qui est financé par nos impôts collectifs.

Dès lors, pourquoi ne pas contraindre les récalcitrants à se faire vacciner ? Pourquoi ne pas exiger le passeport vaccinal pour avoir accès aux services publics et privés, ce qui les obligerait à se faire piquer ?

L’analyse statistique publiée cette semaine par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, nous amène à nous poser ce genre de questions. Selon cette brève analyse, les deux tiers des nouveaux cas quotidiens de COVID-19 sont enregistrés chez ceux qui n’ont reçu aucune des deux doses de vaccin. Encore plus marquant : parmi les personnes hospitalisées, 4 sur 5 n’avaient reçu aucune dose.

Lisez « 95 % ayant contracté le virus n’étaient pas pleinement vaccinés »

Le ministre prend tous les moyens non contraignants pour inciter les réfractaires – notamment les 18-39 ans – à passer à l’acte. En publiant son tweet statistique, mercredi, le ministre a présenté la vaccination comme une arme contre un repoussant reconfinement lors d’une possible quatrième vague.

Et jeudi, il a avisé la population que ceux qui auront reçu deux doses auront des privilèges advenant une éclosion, grâce à leur passeport vaccinal, comme l’accès aux bars.

Le ministre évite toute mesure coercitive, par exemple l’obligation d’être pleinement vacciné pour obtenir des services essentiels (alimentation, santé, etc.). Ou encore la facturation des frais d’hospitalisation aux patients atteints de COVID-19 qui auraient refusé de se faire vacciner pour des raisons autres que médicales.

Une telle facture d’hospitalisation est fort salée. En moyenne, un patient hospitalisé pour la COVID-19 coûte 15 000 $, facture qui grimpe à 50 000 $ lorsque des soins intensifs sont requis, selon un rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS). La facture d’hospitalisation liée à la COVID-19 est quatre fois plus élevée que celle d’un séjour moyen à l’hôpital autre que pour la COVID-19.

Les antivaccins, qu’on trouve souvent parmi les groupes anticonfinement ou parmi ceux qui nient l’existence même de la COVID-19, crieraient au loup, probablement. Ces groupes souvent de droite populiste réclament pourtant la liberté et la fin du « gouvernemaman ».

Or, ce « gouvernemaman » leur offre justement des soins gratuits, contrairement aux États-Unis, où ces apôtres de la liberté totale doivent payer les frais d’hospitalisation lorsqu’ils sont malades ou encore acquitter une prime d’assurance privée parfois plus élevée selon leurs antécédents médicaux.

Cela dit, la facturation poserait des problèmes éthiques importants. Laissera-t-on mourir un patient sans moyens, qu’il soit complotiste ou non ?

Et à ce compte, si l’État décide de faire payer les frais d’hospitalisation pour la COVID-19, pourquoi ne le ferait-il pas pour les autres patients qui mettent sciemment leur santé à risque, comme les fumeurs, les chauffeurs automobiles imprudents, les personnes qui ont un comportement sexuel à risque, les personnes qui s’alimentent mal, etc. ?

Et encore, pourquoi n’y aurait-il pas une gradation selon le niveau de risque ? Un fumeur occasionnel paierait-il moins qu’un fumeur régulier ?

Surtout, une santé publique cohérente veut tenir compte des motifs qui en incitent certains à fumer, à boire ou à trop manger, par exemple. Leurs comportements peuvent venir de leur éducation, de leur milieu de vie, de leur environnement, de stress particuliers, etc.

Un fumeur qui aurait appris à vider deux paquets par jour en imitant ses parents pauvres serait pénalisé doublement s’il devait en plus payer ses soins.

Est-ce différent pour la COVID-19 ? Un peu, quand même. Car le patient qui est atteint risque d’en contaminer plusieurs autres, davantage qu’un fumeur avec la fumée secondaire ou un automobiliste qui roule à 140 km/h.

Ne l’oublions pas, même ceux qui sont vaccinés peuvent attraper la COVID-19, souvent avec moins de conséquences, mais parfois avec autant de virulence, puisque la double vaccination est efficace pour 90 à 95 % des cas, pas pour 100 %.

Et qu’arriverait-il s’il y avait une quatrième vague ? Et que les malades, essentiellement ceux non vaccinés, occupaient des places à l’hôpital, avec le personnel, dont ne pourraient bénéficier les patients atteints d’autres problèmes de santé ?

Souhaitons que les mesures incitatives de Christian Dubé portent leurs fruits. Et que la proportion des Québécois avec deux doses atteigne rapidement la cible pour avoir une immunité collective, soit 75 % à 80 % pour les 12 ans et plus.

En attendant, le Québec peut être fier de sa solidarité collective. La province est l’un des endroits où le taux de vaccination est le plus élevé au monde (71,8 % de toute la population avec au moins une dose et 82,1 % des 12 ans et plus).

Aux États-Unis, une large part de la population, celle moins instruite, plus à droite et plus rurale, refuse de se faire vacciner, ce qui fait stagner la progression vers l’immunité collective. Ainsi, 55 % de l’ensemble des Américains a reçu au moins une dose, soit près de 17 points de pourcentage de moins qu’au Québec (71,8 %). Bien content d’être québécois !