Valérie Plante publie sur Twitter un tableau qui montre que la relance économique se déploie à Montréal. Réaction d’un citoyen : « Es-tu malade mentale ? »

De son côté, Denis Coderre confirme qu’il sera candidat dans la prochaine course à la mairie de Montréal. Cette annonce est gratifiée d’un splendide : « Décâlisse ! ».

Les annonces des deux candidats engagés dans la campagne municipale ont beau être intéressantes et leurs photos émouvantes, les commentaires qu’ils reçoivent parfois sont aussi vides que violents.

Le fameux mariage politique-réseaux sociaux que l’on dit essentiel et incontournable lors d’une campagne l’est-il vraiment encore ? Serait-il en train de devenir une arme à double tranchant qui tue dans l’œuf les idées des candidats et égratigne plus leur image qu’il ne la lisse ?

Je commence sérieusement à le croire.

Si on suit moindrement les activités de ces deux politiciens sur les réseaux sociaux, on se rend compte que le niveau de brutalité a nettement augmenté. Nous sommes loin des balbutiements de l’utilisation de ce médium comme l’a connu Barack Obama, en 2008.

À six mois des élections municipales, j’ai voulu voir de quelle manière Valérie Plante et Denis Coderre tiraient profit de ce monstre à plusieurs têtes qu’ils continuent de nourrir, malgré tout.

Valérie Plante a une page Facebook identifiée « personnalité politique » qui rassemble 59 000 abonnés. Elle a également un compte Twitter contenant 86 000 abonnés. Sa fréquence de publication est plutôt riche, variant de quatre à huit messages par jour.

Ceux-ci sont très majoritairement des annonces politiques. Mais la mairesse joue aussi sur le tableau de la séduction et du « people ». Comme d’autres politiciens, elle affiche haut et fort son appui au Canadien de Montréal. Sa photo d’accueil nous la montre d’ailleurs avec un chandail du CH.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VALÉRIE PLANTE

La photo d’accueil de Valérie Plante sur Facebook nous la montre avec un chandail du CH.

Denis Coderre possède une page Facebook qui réunit 48 000 abonnés où il mélange publications politiques et personnelles, comme celle publiée il y a quelques jours en compagnie de sa nouvelle compagne, Mélanie Savard.

Son compte Twitter possède 292 000 abonnés. Sa photo d’accueil nous le présente avec des gants de boxe. Réputé pour être un twitteur compulsif, il a une fréquence de publication plutôt modérée, allant de deux à quatre fois par jour.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE DENIS CODERRE

Denis Coderre a publié une photo sur sa page Facebook pour présenter sa nouvelle compagne, Mélanie Savard.

Denis Coderre utilise les réseaux sociaux pour présenter ses candidats, promouvoir les sondages qui l’avantagent, mais aussi encourager le CH (décidément) ou partager des moments intimes comme cette soirée « mère-fils » au théâtre.

Les réseaux sociaux sont un maillon important du concept de la « politique émotion », mais ils peuvent aussi devenir le râteau qui rebondit dans le front des politiciens. Si certaines annonces suscitent une majorité de commentaires positifs (il est difficile d’être contre les projets de logements sociaux), d’autres écorchent solidement les deux candidats.

Est-ce parce que ces deux candidats sont devenus des figures familières des citoyens ? Est-ce parce que le niveau de violence envers les politiciens a atteint un niveau inégalé au cours des derniers mois ? Toujours est-il que plusieurs publications des candidats sont littéralement détruites par des commentaires acerbes.

Comme Valérie Plante est celle qui est au pouvoir, elle est critiquée pour certaines actions… ou inactions. L’état des rues de Montréal, la surabondance des chantiers de construction, la multiplication des pistes cyclables, les fermetures de rues et la malpropreté sont des choses qui lui sont régulièrement reprochées.

Le passage d’hélicoptères au-dessus des parcs et sa présence sur une terrasse avec quatre personnes sans masque lui sont ramenés sous le nez à la moindre occasion. Sa publication sur le renouveau de la rue Saint-Denis n’a pas été auréolée que de bons commentaires. « J’ai hâte au vote ! A vas-tu sauter ! », « Très hâte aux élections. J’espère qu’ils vont te débarquer », ont écrit des citoyens.

C’est raide, c’est dur, c’est parfois cruel. Ajoutez à cela en prime un ton très familier. Lors du dévoilement des nouveaux couvercles d’égout dessinés par un artiste, quelqu’un a écrit : « Non, mais on s’en calisse tu de tes couvercles ! »

Même s’il n’est pas au pouvoir, on est également très coriace avec Denis Coderre, qui tente un retour à la mairie de Montréal. L’épisode du cliché avec son cellulaire alors qu’il était en voiture et sa volte-face sur la question de l’alcool dans les parcs sont des armes redoutables pour ses détracteurs.

Ses attaques sur « l’administration dogmatique actuelle » lui valent des mots très durs de certaines personnes. « Toute cette masse de graisse perdue s’est malheureusement déplacée vers votre cerveau », lui a dit une femme. Quand il annonce fièrement la parution de son ouvrage Retrouver Montréal, quelqu’un lui écrit : « Ça a l’air tellement plate ! »

Les spécialistes des médias ont beaucoup dit que ces outils allaient contribuer à déployer davantage les principes de la démocratie. En effet, on y est parvenu. L’interaction est plus grande. Mais le prix à payer pour cet échange qui n’en est pas un est-il trop élevé ?

Quand on se faisait fermer la porte au nez par un électeur ou qu’on se faisait envoyer promener lors d’un barbecue, ça demeurait confidentiel. Aujourd’hui, les politiciens sont assis sur une planche et regardent les électeurs lancer des balles dans le but de les faire tomber dans la piscine.

C’est l’humiliation au quotidien.

Les candidats engagés dans une campagne électorale au cours des prochains mois seront privés d’opérations « classiques » comme les grands bains de foule. Pour faire des annonces et séduire le public, ils devront s’en remettre aux médias traditionnels ou exploiter les possibilités des réseaux sociaux tant prisés par leurs conseillers responsables des nouvelles technologies.

Cette campagne, on le sent bien, sera éprouvante pour les candidats. Jouir de lieux et d’espaces plus grands que 280 caractères pour présenter leurs idées qui passeront par le hachoir des exaltés, c’est la grâce que je leur souhaite.