Je venais de terminer la lecture de Pourquoi pas le vélo ? de Stein Van Oosteren, Néerlandais d’origine et Parisien d’adoption, en me disant que le portrait idyllique qu’il brosse dans son ouvrage est formidable, mais que sa réalité est profondément européenne.

Et voilà que Vélo Québec arrive avec son rapport L’état du vélo au Québec en 2020, rempli de bonnes nouvelles. Malgré un climat difficile, de grandes étendues et un énorme retard qui était à rattraper, le Québec emprunte merveilleusement bien le virage du vélo.

Il y a actuellement 4,5 millions de cyclistes au Québec, soit 250 000 de plus qu’en 2015. De ce nombre, 2,7 millions en font toutes les semaines et 2,1 millions utilisent leur vélo comme moyen de transport.

Ce dernier élément est celui qui m’intéresse le plus, car il démontre que le vélo n’est plus considéré comme un simple loisir, mais bien comme une façon de s’approprier la ville. Sur les 1,1 million de Montréalais qui ont pédalé en 2020, 2 adultes sur 3 ont utilisé leur vélo pour se déplacer dans un but précis. Cela représente 600 000 personnes. Il s’agit d’une augmentation de 42 % depuis 2015.

On peut parler de révolution !

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le Réseau express vélo (REV) de la rue Bellechasse, à Montréal

L’autre aspect très intéressant de cette étude est que le nombre de cyclistes âgés de 55 à 74 ans est en forte progression. Il est passé de 23 % à 42 % depuis 1995. Chez les 65-74 ans, il a triplé, allant de 12 % à 34 %.

Le vélo pour les jeunes ? C’est fini, ça.

Mardi, en conférence de presse, on a rappelé les paroles d’un maire qui, il y a des années, avait dit : « Si les personnes âgées utilisaient plus souvent leur vélo, elles prendraient moins de pilules. » C’est un peu raide comme phrase, mais ce n’est pas bête non plus.

On remarque que plus les infrastructures sont nombreuses, plus le nombre de cyclistes augmente. Les données sont éloquentes à Montréal où on observe une augmentation de 17 % du nombre d’usagers malgré les effets du télétravail lié à la pandémie.

On ne sera donc pas surpris de constater que c’est dans les quartiers centraux de Montréal (Plateau Mont-Royal particulièrement) que l’on observe les plus fortes concentrations de cyclistes.

Le parc de vélos atteint maintenant 7,2 millions au Québec, car certains adeptes en possèdent plus qu’un (la folie des vélos électriques y est pour quelque chose).

Lisez l’article « Rapport de Vélo Québec : le Québec compte 250 000 cyclistes de plus depuis 2015 »

Bien sûr, ce rapport est préparé par un organisme dont le mandat est de militer pour de meilleures infrastructures et un environnement qui assure une plus grande sécurité pour les cyclistes. Les auteurs ont intérêt à présenter des statistiques encourageantes.

Mais comme dirait l’autre : rien qu’à voir, on voit bien ! Il n’y a jamais eu autant de cyclistes à Montréal.

Je me réjouis de ce constat. Mais en même temps, on doit reconnaître qu’il reste un énorme travail à faire pour améliorer certaines choses, la cohabitation par exemple. Je sais, c’est l’une de mes marottes.

Malgré tous les efforts qui sont faits pour améliorer les conditions des cyclistes, la question du partage des voies publiques est un grave problème à Montréal.

Le défi de la cohabitation touche l’ensemble des usagers. Je pense aux automobilistes qui ont tellement hâte de s’engager dans une rue qu’ils n’hésitent pas à passer sous le nez des plus vulnérables, aux piétons et aux cyclistes qui ne respectent pas les arrêts et les feux rouges, aux cyclistes qui roulent au milieu de la rue alors qu’une piste cyclable aménagée se trouve à quelques mètres.

Ce bordel finit par peser lourd.

Et que dire du curieux mélange d’engins de toutes sortes que l’on retrouve maintenant sur les pistes cyclables ? Il n’y manque que des échassiers.

L’espace public n’appartient plus seulement aux automobiles. C’est l’évidence même. Il est grand temps que l’on établisse des règles claires pour une meilleure harmonie. On a parfois l’impression que la Ville de Montréal observe la pagaille en espérant qu’un groupe abandonnera.

Faut-il rappeler que le parc automobile ne diminue pas à Montréal ?

Et si cela commençait par une refonte majeure du système de signalisation dans les rues basé sur le « chacun son tour ». Pour le moment, plus personne ne se comprend. À Montréal, si on offre la chance à une catégorie d’usagers d’avancer, on peut être certain que les autres vont croire que c’est aussi pour eux.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

« Malgré tous les efforts qui sont faits pour améliorer les conditions des cyclistes, la question du partage des voies publiques est un grave problème à Montréal », remarque notre chroniqueur.

La ville de Montréal n’a pas été imaginée pour recevoir tous les usagers qui grouillent aujourd’hui sur son territoire. L’espace qu’on offre aux nouveaux venus est inévitablement retiré à ceux qui en jouissaient depuis des décennies. Le tiraillement vient de là.

D’ailleurs, on voit bien que les choses se passent différemment dans les municipalités et les secteurs « plus jeunes » où les réseaux de pistes cyclables ont été créés parallèlement aux artères routières. Cela donne des automobilistes et des cyclistes beaucoup plus zen.

Et cela fait en sorte que dès qu’un piéton pose le pied sur un passage piétonnier, tous les véhicules s’arrêtent automatiquement. Alors qu’au centre-ville de Montréal, on accélère pour nous passer sur les pieds.

Outre la cohabitation, il y a un travail à faire sur une meilleure uniformisation du réseau cyclable à Montréal. On passe trop souvent d’une piste à une voie désignée, d’une bande à une chaussée désignée, d’un accotement revêtu à… plus rien du tout.

Chers maires d’arrondissement, pourriez-vous vous concerter un peu plus ?

Oui, il y a encore du travail à faire. Le chemin parcouru depuis les années 1970 est énorme. Les citoyens que nous sommes n’ont plus rien à voir avec ceux de cette époque. Et c’est très bien comme ça.