Ma chronique « Le test de la remorque » sur les cas de racisme et de discrimination dans l’arrondissement de Montréal-Nord a délié certaines langues. On m’a entre autres confié que la présentation des deux rapports commandés par l’arrondissement et le Syndicat des cols bleus regroupés (SCFP) a encouragé d’autres employés à dénoncer des situations similaires.

« Depuis la parution des rapports, ça commence à sortir », m’ont dit des sources.

Ça serait le cas dans les arrondissements de Rosemont–La Petite-Patrie et de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles. Et ça ne serait que la « pointe de l’iceberg », a-t-on ajouté.

J’ai soumis la question à Luc Bisson, président du SCFP. « J’entends en effet des gens qui ne sont pas contents et qui souhaitent maintenant se faire entendre. » À l’arrondissement de Montréal-Nord, on me confirme qu’on a « entendu parler de plaintes récentes qui viennent d’ailleurs ».

À la Ville de Montréal, on me dit que depuis la parution des rapports, aucune plainte n’a été officiellement déposée aux ressources humaines de ces arrondissements.

Les conclusions des deux rapports commandés par l’arrondissement de Montréal-Nord et le Syndicat des cols bleus sont sans équivoque : de la discrimination et du racisme ont accompagné des processus d’attribution de postes.

Des employés faisant partie des minorités visibles ont été désavantagés lors de tests d’évaluation destinés à mettre certaines personnes hors circuit. Cette situation a été dénoncée à la fin de 2019 par le Collectif des discriminés de Montréal-Nord.

Lisez la chronique « Le test de la remorque »

Les conclusions des rapports ont fortement ébranlé la direction de l’arrondissement de Montréal-Nord. « On savait que ça allait faire mal et ça a fait mal, m’a dit une source proche du dossier. C’est une situation dramatique. »

À l’arrondissement, on m’a répété que les choses allaient changer. « Il y a eu de la discrimination systémique dans nos pratiques et du racisme : c’est inadmissible et préoccupant », a déclaré Rachel Laperrière, directrice d’arrondissement, dans un mémo envoyé aux employés le 12 mai dernier.

Même si le rapport commandé par les cols bleus affirme que le syndicat et ses délégués devraient agir comme « gardiens » dans ce genre de situation, Luc Bisson remet entre les mains de la Ville de Montréal la responsabilité du bien-être et du respect des employés.

« Je n’irais pas jusqu’à dire que la Ville a voulu étouffer l’affaire, mais elle souhaitait s’entendre avec le syndicat pour lui faire porter une responsabilité commune. Le communiqué faisait état d’allégations, alors que ce n’est pas ça. On a refusé. On n’a pas embarqué là-dedans. »

De son côté, la direction de l’arrondissement de Montréal-Nord affirme qu’elle a mis en place divers mécanismes pour améliorer le climat de travail. Plusieurs comités formés de gestionnaires et de représentants syndicaux ont été mis sur pied afin de revoir de nombreuses choses, dont l’encadrement de la formation.

À Montréal-Nord, on hésite à parler librement de ce dossier à visière levée alors que s’amorce une campagne électorale. Certaines personnes « sont sur le gros nerf », m’a-t-on dit.

Rappelons qu’un rapport de l’Office de consultation publique publié en juin 2020 demandait à l’administration Plante de « reconnaître publiquement, et dans les plus brefs délais, le caractère systémique du racisme et de la discrimination et de s’engager à les combattre ».

À la suite du retrait des messages du collectif sur Facebook, en décembre 2019, Patrick Roy, un délégué syndical qui avait dénoncé les gestes de racisme dont étaient victimes certains collègues, a été mis en congé sans solde pendant deux mois. Puis, on lui a demandé de rester chez lui avec salaire pendant la période où les enquêtes étaient menées.

Cet employé qui a osé sonner l’alarme a réintégré son poste il y a quelques jours. La direction de l’arrondissement l’a rencontré. On souhaite maintenant régler la question des deux mois où il a été mis à l’écart sans salaire.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

« Ma chronique “Le test de la remorque” sur les cas de racisme et de discrimination dans l’arrondissement de Montréal-Nord a délié certaines langues », écrit notre chroniqueur.

Patrick Roy a joué un rôle prépondérant dans cette affaire. Interviewé par Intexto, un média de la communauté haïtienne, en janvier 2020, il avait expliqué comment la dizaine de membres du collectif et lui avaient été muselés par la direction de l’arrondissement.

À un journaliste d’origine haïtienne qui lui demandait pourquoi il se portait à la défense d’employés noirs, Patrick Roy avait simplement répondu : « Parce que ce n’est pas normal que ces employés n’aient pas un traitement égal aux autres. On ne peut pas accepter ça. »

Le journaliste s’est alors dit étonné de voir un Blanc monter au créneau pour défendre les droits des minorités visibles.

Cet étonnement n’est pas normal non plus en 2021.