(Québec) « Je vous avoue que ce matin, je me suis maquillée avec un soin particulier. J’ai choisi mon mascara pour qu’il ne coule pas… »

C’est l’heure des adieux à l’Assemblée nationale pour Lise Thériault comme pour les 27 autres députés qui ont annoncé leur départ de la vie politique à la fin du mandat. Un dernier discours empreint d’émotion.

La session parlementaire prend fin ce vendredi. La campagne électorale sera déclenchée dans moins de trois mois. De petits nouveaux seront de la rentrée à l’automne ; des « anciens » risquent de la rater… Ce sera selon l’humeur des électeurs.

Pour l’heure, l’ambiance est à la fin des classes à Québec. Et on fait les boîtes en se remémorant le chemin parcouru.

Photo André Pichette, archives La Presse

La députée libérale Lise Thériault en 2017

« Lorsque j’ai débuté en politique, et je vais essayer de ne pas pleurer, j’avais 36 ans, mon fils avait 11 ans. Aujourd’hui, j’en ai 56 et mon petit-fils a 10 ans », a souligné au Salon bleu Lise Thériault, la doyenne du caucus libéral, élue sans interruption depuis 2002.

J’ai choisi sept fois les citoyens du comté d’Anjou–Louis-Riel, mais cette fois-ci, je me choisis parce que je sais qu’après la politique, il y a la vie aussi…

Lise Thériault, députée libérale

Les larmes ont coulé. Le mascara aussi.

Bien d’autres ont pleuré en prononçant leurs derniers mots au Salon bleu. C’est en parlant des sacrifices pour la famille que le barrage cède.

Au sein du personnel politique, qu’on oublie trop souvent, quelques-uns s’en retournent dans le privé, beaucoup partiront pour de petites vacances avant de livrer la bataille électorale où se jouera aussi leur sort.

Des hommages

Évidemment, la fébrilité préélectorale a fait monter le niveau de décibels dans les dernières semaines. Lors de l’adoption du projet de loi 96, on a fait écho au Débat sur les langues, le tableau centenaire de Charles Huot qui orne le Salon bleu. Mais le dernier tour de piste de nombreux élus a permis de petites accalmies.

Des adversaires se sont lancé des fleurs. « Sans doute est-ce inhabituel pour un ministre de rendre hommage à son critique ici, en Chambre, mais je tenais à le faire parce qu’à mes yeux le député de Jonquière n’a jamais été qu’un simple critique », a affirmé le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, dans un bref discours pour souligner le départ du péquiste Sylvain Gaudreault.

Photo Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Mais la partisanerie existera toujours : la CAQ a rejeté quelques instants plus tard la proposition de M. Gaudreault de créer, pour la prochaine législature, un « cercle parlementaire sur le climat », un forum sur l’environnement réunissant des députés de tous les partis.

C’est la semaine des « dernières fois » au Parlement, comme la dernière conférence de presse. « Ç’a été un plaisir, généralement, de travailler avec vous tous et toutes », a dit Véronique Hivon à l’intention des journalistes. Le « généralement » a fait sourire.

La péquiste a reçu un coup bas en fin de parcours, de la part de Sonia LeBel, qu’elle blâmait pour avoir obtenu « zéro résultat » quant aux demandes caquistes envers le fédéral. « Honnêtement, je trouve déplorable que ma collègue choisisse de terminer sa carrière à l’Assemblée nationale de cette façon-là », a pesté la ministre responsable des Affaires canadiennes. Un texto aurait été préférable.

Photo Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

Le premier ministre François Legault

François Legault a été plus courtois envers le libéral Carlos Leitão, qu’il a appelé par erreur « le ministre des Finances ». « J’en profite pour lui rendre hommage. Je veux lui dire merci pour son service public », a déclaré le premier ministre. Les caquistes lui doivent bien un coup de chapeau : ils ont hérité de 8 milliards de surplus en arrivant au pouvoir.

La conservatrice Claire Samson a miné l’ambiance en déclarant que les députés d’arrière-ban comme elle, des « plantes vertes », n’ont « pas travaillé fort depuis deux ans ».

Des députés se sont gâtés en posant leur dernière question. Gaétan Barrette s’est adressé au ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, comme s’il était à Juste pour rire. Le ministre « a reproché à un journaliste d’avoir fouillé dans ses poubelles. Est-ce que c’est possible que le journaliste dans ses poubelles ait trouvé le code d’éthique qu’il a jeté ? », a-t-il lancé tout sourire, satisfait de son effet.

Photo Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

Catherine Dorion, députée de Québec solidaire

Inquiète du troisième lien, ce « nuage qui plane au-dessus des gens de Québec », Catherine Dorion a reproché au ministre des Transports, François Bonnardel, d’esquiver ses questions. Ce sera sa dernière critique au sujet des pratiques au Parlement. « Qui, ici, trouve que ça a de l’allure que les questions qu’on pose, il y ait 0 % du contenu qui se retrouve dans les réponses ? Levez la main ! » Personne ne l’a fait, ce qui a provoqué un fou rire. « On est 100 % de mon bord ! », s’est félicitée la députée de Québec solidaire.

Pour conclure cette législature, on a même eu droit au retour d’un mot qui n’avait pas résonné depuis longtemps dans le Salon bleu. « Des séparatissses ! », s’est époumoné le libéral Marc Tanguay, accusant les caquistes de préparer la souveraineté avec le candidat Bernard Drainville. En guise de réplique, la CAQ a ressorti une vidéo publicitaire du Bloc québécois datant du référendum de 1995 dans laquelle le jeune Marc Tanguay déclare qu’il ne fait « pas confiance du tout aux anciens partis » ! Une ambiance de fin des classes, disait-on…

Photo Jacques Boissinot, La Presse Canadienne

Marc Tanguay, député du Parti libéral

La parole au peuple

C’est l’heure des bilans de session pour les partis ce vendredi, un exercice qui sera teinté par l’approche des élections.

Le gouvernement Legault aura fait adopter une vingtaine de projets de loi cette session. Sur la langue française, la protection de la jeunesse, le développement des places en services de garde, la fin de l’aventure des hydrocarbures et de l’urgence sanitaire… D’autres projets de loi meurent au feuilleton comme la réforme du mode de scrutin, une promesse rompue de la CAQ, et l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir.

Fait rare, le gouvernement aura créé deux nouveaux ministères cette année – celui de la Cybersécurité et le Numérique et celui de la Langue française. C’est deux sièges de plus autour de la table du Conseil des ministres ! Les départs de Marguerite Blais et de Danielle McCann en libèrent deux. C’est le bienvenu pour François Legault, qui, s’il est réélu avec environ 100 députés comme l’indiquent les sondages, aura tout un casse-tête pour former son prochain cabinet.

Mais chaque chose en son temps. Au peuple de décider qui seront les prochains locataires du parlement.