(Ottawa) La pandémie de COVID-19 continuera de monopoliser toute l’attention du gouvernement Trudeau en 2022. Cette crise sanitaire, qui dure maintenant depuis près de deux ans, l’a forcé à revoir ses priorités de fond en comble. Si un retour à la normale demeure difficile à prévoir, le gouvernement Trudeau devra prendre des décisions cruciales qui pourraient avoir de lourdes conséquences au pays et à l’étranger. Certaines de ces décisions sont d’ailleurs attendues depuis des années par les alliés du Canada.

Quel sort sera réservé à Huawei ?

L’une de ces décisions tant attendues est le rôle que pourra jouer le géant des télécommunications chinois Huawei dans le déploiement de la technologie 5G au pays. L’ancien ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale avait promis de trancher cet épineux dossier en 2018. « D’ici quelques semaines », avait-il lancé aux journalistes, alors que les principaux alliés du Canada – les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande – décrétaient l’un après l’autre que Huawei représentait une menace à leur sécurité nationale en raison de son obligation de rendre des comptes au régime communiste chinois à Pékin.

Les experts canadiens en matière d’espionnage sont unanimes : Huawei représente une menace à la sécurité nationale. Le Canada doit emboîter le pas à ses alliés membres du Five Eyes.

Or, ces semaines se sont transformées en mois, puis en années. La décision de la Chine d’emprisonner deux Canadiens, Michael Spavor et Michael Kovrig, en guise de représailles à l’arrestation de la dirigeante de Huawei Meng Wanzhou, en décembre 2018 à l’aéroport de Vancouver, à la demande des États-Unis, a contraint le gouvernement Trudeau à reporter toute décision.

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Les experts canadiens en matière d’espionnage sont unanimes : le géant des télécommunications chinois Huawei représente une menace à la sécurité nationale.

Les deux Michael ont finalement été libérés en octobre dernier après plus de 1000 jours de détention dans des conditions difficiles. Leur libération et celle de Meng Wanzhou, après l’abandon de la demande d’extradition des autorités américaines, dégagent la voie pour qu’Ottawa tranche finalement la question. Le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, pourrait annoncer cette décision d’ici quelques semaines, indique-t-on en coulisses. De l’avis des experts, il serait inconcevable que le Canada donne le feu vert à Huawei.

Le remplacement des CF-18

Aux yeux de plusieurs observateurs de la scène politique, le remplacement de la flotte vieillissante des CF-18 est devenu un symbole de l’inertie du gouvernement Trudeau quand il s’agit de prendre des décisions qui auront des retombées pour les 40 prochaines années.

L’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper avait choisi de remplacer les CF-18 par les avions furtifs F-35 conçus par Lockheed Martin. D’autant plus que le Canada participait depuis quelques années – et participe encore aujourd’hui – au programme de développement de l’appareil à coups de 100 millions de dollars par année, afin de demeurer l’un des neuf pays partenaires dans le projet, dont font également partie les États-Unis.

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Les CF-18 de l’armée canadienne approchent de la fin de leur vie utile.

Durant la campagne électorale de 2015, les libéraux ont promis de faire table rase en lançant un nouvel appel d’offres, jugeant les F-35 trop coûteux. Cette promesse politique a ainsi entraîné des retards et provoqué de nombreux rebondissements.

En tout, le Canada compte acheter 88 nouveaux avions de chasse à un coût évalué à 19 milliards de dollars afin de remplacer les CF-18 qui sont âgés de 40 ans.

Pour éviter que la flotte de CF-18 ne devienne quasi inutilisable, le gouvernement doit investir 1,3 milliard de dollars pour prolonger la durée de vie des appareils jusqu’en 2032. Le gouvernement Trudeau a aussi acheté 18 CF-18 australiens, qui ont exigé des mises à niveau importantes.

Tandis qu’il y avait trois avions de chasse toujours en lice pour remplacer les CF-18, au printemps dernier, le cabinet a discrètement décidé en décembre d’écarter le Super Hornet de Boeing. Résultat : il ne reste plus que le Gripen de la société suédoise Saab… et le F-35 de Lockeed Martin.

Tout indique que le gouvernement Trudeau signera un contrat avec l’un de ces deux soumissionnaires au printemps, permettant ainsi au Canada d’obtenir une première livraison des nouveaux appareils à partir de 2025, et cela, jusqu’en 2032. Cette décision attendue par les Forces armées canadiennes, les principaux alliés du Canada et l’industrie aérospatiale devrait mettre fin à cette saga des nouveaux avions de chasse qui dure depuis plus d’une décennie.

Le Québec perdra-t-il un siège à la Chambre des communes ?

La Constitution canadienne exige une révision de la répartition des sièges à la Chambre des communes tous les 10 ans, après un recensement, afin de tenir compte des tendances démographiques au pays. Mais la décision de retirer ou pas un siège à une province incombe au gouvernement fédéral, voire au bureau du premier ministre.

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Des commissions indépendantes doivent se pencher sur le redécoupage des circonscriptions électorales fédérales à compter de février dans les 10 provinces.

Selon les calculs du directeur général d’Élections Canada, Stéphane Perreault, le nombre de sièges aux Communes devrait passer de 338 à 342 dès 2024 si l’on veut tenir compte des changements au sein de la population canadienne.

L’Ontario et la Colombie-Britannique, qui détiennent respectivement 121 et 42 sièges, devraient en obtenir un de plus chacune. L’Alberta, qui a 34 sièges, devrait en obtenir 3 de plus.

Le Québec, lui, devrait en principe perdre un de ses 78 sièges, parce que sa population croît à un rythme moins élevé que la moyenne nationale.

Il n’y aurait pas de changements dans les autres provinces.

L’annonce de cette nouvelle répartition des sièges défavorable au Québec a provoqué de vives réactions. Le gouvernement Legault est rapidement monté au créneau, tandis que le Parti conservateur, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois ont affirmé que le Québec ne pouvait pas perdre un siège. Au bureau de Justin Trudeau, on a déclaré qu’il s’agissait d’une recommandation d’Élections Canada.

Il reste que des commissions indépendantes doivent se pencher sur le redécoupage des circonscriptions électorales à compter de février dans les 10 provinces. Tout ce travail doit être terminé d’ici 18 mois. Mais le gouvernement de Justin Trudeau peut assurément donner le ton à cet exercice s’il écarte d’emblée l’idée de retirer un siège au Québec.

Va-t-on démolir le 24, promenade Sussex ?

Un autre dossier qui devrait apparaître sur l’écran radar du gouvernement fédéral touche la résidence officielle du premier ministre, sise au 24, promenade Sussex. Depuis qu’il est devenu premier ministre, en 2015, Justin Trudeau n’a pas séjourné dans cette résidence afin de permettre à la Commission de la capitale nationale (CCN) d’y mener d’importants travaux de rénovation.

Mais à ce jour, aucune réparation n’a encore été réalisée, de sorte que le bâtiment, qui a besoin d’importants travaux depuis des années, est devenu un danger public.

En juin dernier, la CCN lançait un cri d’alarme dans un rapport coup de poing. Des travaux de 37 millions de dollars sont urgents, à défaut de quoi il faudra raser la résidence. Depuis qu’il est premier ministre, Justin Trudeau et sa petite famille partagent leur temps entre Rideau Cottage, situé à un jet de pierre de Rideau Hall, et la résidence secondaire du premier ministre au lac Mousseau.

PHOTO MARC FOWLER, FOURNIE PAR LA COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE

Depuis qu’il occupe son poste, Justin Trudeau n’a pas séjourné dans la résidence officielle du premier ministre, sise au 24, promenade Sussex.

Le Toronto Star rapportait la semaine dernière qu’on a réalisé des travaux de 3,6 millions de dollars à Rideau Cottage pour la rendre adéquate aux besoins d’un premier ministre. Mais aucun sou n’a été dépensé pour retaper le 24, Sussex. Le temps joue contre cette résidence qui donne sur la rivière des Outaouais et qui a été occupée sans interruption par les premiers ministres depuis Louis Saint-Laurent jusqu’à Stephen Harper. Justin Trudeau y a passé son enfance. Et il pourrait bien être celui qui donne le feu vert à sa démolition.