(Québec) Il n’y aura pas que le Super Bowl à suivre le 12 février. Un autre grand rendez-vous, attendu depuis longtemps au Canada, aura lieu ce jour-là, à moins d’un revirement de dernière minute.

Les provinces ont en effet encerclé sur leur calendrier les 12 et 13 février pour la tenue d’une rencontre des premiers ministres à Ottawa en vue de conclure avec Justin Trudeau une entente à long terme sur le financement des soins de santé, a appris La Presse. Un Super Bowl de la politique canadienne !

Il y a une condition pour que les provinces invitent formellement Justin Trudeau à cette rencontre. Il devra s’avancer un peu sur les sommes qu’il est prêt à mettre sur la table.

Les provinces s’attendent à ce que la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, donne des indications sur la hausse du Transfert canadien en matière de santé (TCS) lorsqu’elle rencontrera ses homologues, probablement le 2 février. Tous les gouvernements préparent leur budget et espèrent avoir une idée de la croissance du TCS, au moins à court terme.

Le vent d’optimisme devant l’éventualité d’une entente, alimenté en bonne partie par Ottawa, donne espoir aux provinces.

Et si le ballon devait se dégonfler ? Les premiers ministres provinciaux maintiendraient la rencontre malgré tout. Ils chercheraient à faire monter la pression sur Justin Trudeau à cette occasion.

Mais pour le moment, tous les signaux sont au vert. On voit mal comment le fédéral aurait pu gonfler les attentes au cours des derniers jours sans avoir un gros chèque à présenter. Soyons toutefois prudents avant de penser que tout ce beau monde va danser sur du Rihanna à la mi-temps.

Car les attentes sont grandes, très grandes. Les provinces réclament depuis plus de deux ans maintenant une augmentation de 28 milliards de dollars du TCS, afin de faire passer de 22 % à 35 % la part d’Ottawa dans le financement des dépenses en santé. Il faudrait en plus que la contribution du fédéral soit indexée de 6 % par année afin de suivre le rythme de la croissance des dépenses en santé.

Structure de l’entente

Les négociations en coulisses, entre les bureaux des premiers ministres, se sont accélérées au cours des dernières semaines. La structure de l’entente est établie.

Ainsi, l’entente comprendrait une augmentation du TCS à long terme, probablement 10 ans. Elle stipulerait qu’Ottawa doit conclure par la suite des accords bilatéraux. Le gouvernement fédéral verserait des sommes supplémentaires dans des secteurs prioritaires pour chacune des provinces et qui, prévoit-on, correspondraient aussi à des thèmes évoqués par Justin Trudeau lors de la dernière campagne électorale – santé mentale, services de première ligne et soins de longue durée.

Tout le monde y trouverait son compte. Les provinces pourraient se féliciter qu’Ottawa ne leur impose aucune condition. Pas de normes nationales ni de mesures d’« imputabilité », seulement un partage de leurs données sur la performance du réseau de la santé. De son côté, Justin Trudeau se targuerait de réaliser ses engagements.

Pavé dans la mare

Avec cette embellie dans les relations fédérales-provinciales, on se demande à Québec quelle mouche a piqué Justin Trudeau pour qu’il lance un pavé dans la mare en entrevue avec La Presse.

M. Trudeau envisage sérieusement de s’adresser à la Cour suprême pour encadrer davantage l’emploi de la disposition de dérogation par les provinces.

Depuis l’élection de la CAQ, Québec l’a utilisée à deux reprises : pour la Loi sur la laïcité de l’État et pour la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.

François Legault a aussitôt accusé son homologue de vouloir « s’attaquer à la démocratie et au peuple québécois tout entier ». Ce n’est toutefois pas un accrochage susceptible de compromettre une rencontre fédérale-provinciale sur la santé. « On ne mélange pas les dossiers », dit-on à Québec.

Session… et élection

Des fonds supplémentaires d’Ottawa seraient une bonne nouvelle pour le ministre des Finances, Eric Girard, qui prépare son budget du mois de mars… et l’annonce des baisses d’impôt promises en campagne électorale.

C’est aussi en mars que le gouvernement prévoit, pour le moment, la tenue de l’élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne, circonscription vacante depuis la démission de Dominique Anglade.

Les attentes sont modestes à la Coalition avenir Québec (CAQ), mais elles sont grandes chez Québec solidaire (QS) dans le contexte de la crise qui a secoué le Parti libéral du Québec (PLQ). La cheffe libérale l’avait emporté avec 36 % des voix – contre 28 % pour QS et 18 % pour la CAQ. C’est une occasion importante pour QS, qui a fait du surplace lors des dernières élections générales.

En faisant son autocritique dans une entrevue avec La Presse la semaine dernière, le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a voulu préparer le terrain pour le Conseil national de son parti des 11 et 12 février, lors duquel les membres feront le bilan de la campagne électorale de l’automne. L’exercice s’annonce périlleux pour lui. L’approche d’une élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne amènera-t-elle les membres à modérer leurs critiques sur la place publique ?

Ce dimanche, QS tient un premier rassemblement dans la circonscription avec son candidat, l’avocat spécialisé en immigration Guillaume Cliche-Rivard, qui tente à nouveau sa chance. Il tiendra le lendemain son caucus pour préparer la session parlementaire qui débutera le 31 janvier.

Tous les autres partis réunissent leurs députés cette semaine en vue de la rentrée. Le gouvernement a déjà défini en bonne partie son menu législatif.

Le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, déposera un projet de loi « costaud » touchant Hydro-Québec et la Régie de l’énergie. Son collègue de l’Environnement, Benoit Charette, présentera une nouvelle mouture de son projet de loi visant à augmenter les redevances sur l’eau, notamment afin d’y ajouter la création d’un « Fonds bleu » pour protéger les lacs et les rivières – une promesse électorale.

D’autres projets de loi déposés dans le précédent mandat sont en train d’être revus et seront déposés d’ici l’été, dont l’un sur la police et un autre sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir.

Le ministre du Travail, Jean Boulet, sera prêt à soumettre à l’Assemblée nationale son texte législatif pour limiter et encadrer le travail des enfants. Il veut le faire adopter avant les vacances estivales.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, déposera deux projets de loi : l’un créant Santé Québec – une agence qui coordonnerait les opérations du réseau de la santé alors que le Ministère se concentrerait sur la définition des grandes orientations –, l’autre visant à encadrer les agences de personnel privées.

Il a tenté en début d’année de mettre l’accent sur les « progrès » dans le réseau de la santé, mais son plan de communication a été compromis par la crise aux urgences de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

La pression est déjà grande sur Christian Dubé pour que son Plan santé donne des résultats. Elle le sera probablement davantage si Ottawa augmente son financement. Au-delà du gain important que représentait la conclusion d’une entente, il faudra que les patients y voient des bénéfices concrets dans l’accès aux soins.