Dans son discours de victoire, le 3 octobre, François Legault l’a dit d’emblée : « La priorité des priorités, ça doit rester l’éducation. » Quels devraient être les principaux chantiers des années à venir pour le prochain ministre de l’Éducation, dont le nom sera connu jeudi lors de l’annonce de la composition du Conseil des ministres ? Après discussion avec des acteurs du milieu à qui on a demandé des pistes réalistes, La Presse a retenu huit idées.

Cesser d’enjoliver la réalité

Combien d’enseignants manquera-t-il à la rentrée scolaire ? Aucune classe ne sera laissée sans prof, martelait en août le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge. Pourtant, il reste encore une centaine de postes à temps plein à pourvoir dans les écoles du Québec. Quelle a été la performance des élèves aux derniers examens du Ministère ? Quatre mois après les épreuves, on ne le sait toujours pas. Le futur ministre pourra faire preuve de davantage de transparence, demander aux centres de services scolaires de rendre des comptes plus rapidement et brasser la cage du mégaministère de l’Éducation.

Quant aux parents et aux élèves, qui se butent parfois à l’opacité des centres de services scolaires quand ils veulent dénoncer une situation jugée injuste, ils pourront compter sur la mise en place d’un système uniforme de traitement des plaintes, en 2023. Le mandat du nouveau protecteur national de l’élève sera suivi de près.

Attirer et retenir les profs en ces temps de pénurie

Aujourd’hui, ceux qui ont déjà un diplôme universitaire (dans un autre domaine que l’enseignement) et qui décident de devenir profs doivent se taper deux ans de maîtrise. Pourquoi ne pas revenir au certificat en enseignement qui avait cours jusqu’en 1995 ? Ça pourrait être d’autant plus suffisant que le mentorat par des enseignants d’expérience est déjà mis en place à plusieurs endroits et qu’il pourrait être étendu. Il faut éviter à tout prix que de nouveaux enseignants mal encadrés repartent en courant, tout comme il faut éviter des départs prématurés à la retraite de professeurs à qui certains centres de services scolaires refusent catégoriquement toute réduction de tâche. Des éducatrices de service de garde pourraient-elles donner un coup de main à l’enseignante qui, une année donnée, se retrouve avec une cohorte particulièrement difficile ? Une école de Bécancour teste la chose. De telles idées doivent être étudiées pour voir si elles devraient être reproduites ailleurs.

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L’expertise des spécialistes est de toute urgence requise auprès des enfants, à les aider concrètement.

Être au service de l’élève, pas de la bureaucratie

Les psychologues, psychoéducateurs, orthophonistes et orthopédagogues dans les écoles se plaignent depuis des années de perdre un temps fou à « coder » les élèves et d’être noyés sous les formulaires à remplir. Jean-François Roberge, qui était ministre de l’Éducation, est d’accord pour qu’on en finisse avec toute cette bureaucratie, le signal est déjà donné en ce sens, les parents et les enseignants le réclament de tous leurs vœux. L’expertise des spécialistes est de toute urgence requise auprès des enfants, à les aider concrètement.

Accélérer la rénovation des écoles

Six écoles sur dix sont en mauvais état et trop d’enfants apprennent dans des lieux délabrés, parfois sans lumière naturelle, où bien des adultes refuseraient de passer leurs journées. La COVID-19 a mis en lumière les problèmes de ventilation des écoles, mais bien avant, des établissements devaient fermer d’urgence pour cause de délabrement ou de moisissures. En campagne électorale, la Coalition avenir Québec a promis d’ajouter 2 milliards aux investissements de 7 milliards déjà prévus au dernier budget pour les quatre prochaines années. Cet engagement devra être respecté.

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École en construction, à LaSalle, en avril dernier

​​Mettre fin à l’école à trois vitesses

Seuls 15 % des élèves issus des programmes réguliers au secondaire se rendent à l’université, a établi une étude menée en 2019 par le chercheur Pierre Canisius Kamanzy, de l’Université de Montréal. S’ils fréquentent un programme sélectif d’une école publique, le taux monte à 51 %. Quant aux jeunes issus des écoles secondaires privées, ils s’y rendent dans une proportion de 60 %.

Le financement des écoles privées est largement remis en question, entre autres par le mouvement École Ensemble. L’écrémage commence tôt : au primaire, des écoles publiques font passer des examens aux élèves qui veulent faire partie d’un programme international ou de musique, par exemple. Les programmes réguliers d’écoles publiques s’en trouvent dévalorisés et les avantages d’une école de quartier où tous se côtoient disparaissent.

S’attaquer tôt aux difficultés en français

À la sortie du secondaire, 90 % des élèves réussissent l’examen du Ministère en français. Pourquoi les cégeps doivent-ils pourtant multiplier les centres d’aide en français et les universités, les cours d’appoint ? Comment expliquer que les futurs enseignants eux-mêmes échouent si massivement à leur test obligatoire de certification en français ?

La ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, l’a reconnu en 2021 : les résultats de l’épreuve uniforme de français que doivent passer les élèves à la fin de leur parcours collégial « ne sont pas à la hauteur » de ce qui serait souhaité.

Ponctuellement, des enseignants dénoncent par ailleurs le fait que les critères d’évaluation des examens du Ministère en français n’ont de cesse de diminuer.

La maîtrise du français – la lecture, l’orthographe et l’enrichissement du vocabulaire – doit être davantage mise en priorité.

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Formation d’infirmières auxiliaires

Diriger les élèves vers le bon programme

Au cégep, le taux de diplomation ne dépasse pas 65 % ces dernières années. Pendant ce temps, les DEP – les diplômes d’études professionnelles menant à un métier de plombier, de soudeur ou d’infirmière auxiliaire, par exemple – sont très peu courus. Ne devrait-on pas favoriser un peu plus d’inscriptions dans ces programmes et les valoriser davantage ?

Autant un nivellement par le bas est décrié en français, autant la barre est souvent très haute en mathématiques, où le Québec fait figure de champion aussi bien au Canada que dans les pays industrialisés. Les mathématiques fortes sont-elles vraiment requises dans tous ces programmes de cégep qui les exigent ?

Améliorer les services de garde

Certains élèves passent près de quatre heures par jour dans les services de garde qui débordent et qui n’offrent souvent rien de plus que du gardiennage. Les centres de la petite enfance, eux, proposent au contraire un réel programme éducatif qui, logiquement, devrait trouver son prolongement dans les services de garde scolaire. Or, les postes d’éducatrice – précaires, à heures coupées et trop peu nombreuses pour avoir un salaire décent – sont très peu attrayants. Résultat : les groupes débordent et les pénuries sont si intenses que certaines écoles ont demandé aux parents de désinscrire leurs enfants des services de garde. Les éducatrices en garderie et les syndicats ne demandent pas mieux que de participer davantage aux projets de l’école, et elles pourraient être nettement mieux mises à contribution.