(Québec) Les départs se suivent et ne se ressemblent pas à l’Assemblée nationale. Le contraste est même saisissant.

Il y a trois semaines, Catherine Dorion a annoncé qu’elle quittait la vie politique comme on claque la porte.

L’Assemblée nationale est « passée date » avec ses « cadres rigides » qui « rendent difficiles les transformations sociales », a déclaré la députée solidaire après un mandat.

Avec une pointe d’ironie, elle a dit « laisser la chance à quelqu’un d’autre d’aller connaître ce monde merveilleux de la politique institutionnelle ».

Qui a le goût de répondre à une telle invitation ? Déjà que ce n’est pas la ruée pour s’impliquer en politique…

Dans une décision passée sous le radar, le bureau de l’Assemblée nationale – le conseil d’administration du Parlement formé d’élus de tous les partis – vient d’ailleurs d’augmenter de 27 %, soit 50 000 $, la masse salariale allouée à chaque député pour payer son personnel « afin de pallier [les] enjeux de compétitivité et d’attractivité et, le cas échéant, de permettre l’embauche de personnes additionnelles ». L’enveloppe passera ainsi de 187 000 $ à 237 000 $ après les élections, pour un ajout total d’un peu plus de 6 millions de dollars.

Bien que son départ soit un coup dur pour le Parti québécois, Véronique Hivon favorisera peut-être les efforts de recrutement avec son discours radicalement différent de celui de Catherine Dorion.

J’ai envie de dire à tous ceux et celles qui doutent de l’action politique, qui croient que la politique est figée, qu’au contraire, il est possible de la faire bouger et évoluer. J’encourage donc le plus grand nombre à reprendre ce flambeau du changement de la politique de l’intérieur.

Véronique Hivon

Ce ne sont pas des paroles en l’air : elle en a fait l’éclatante démonstration. On n’a qu’à penser à la commission transpartisane sur l’aide médicale à mourir, une initiative lancée avec d’autres députés alors qu’elle était dans l’opposition. Puis au dépôt de la Loi concernant les soins de fin de vie, à titre de ministre sous le gouvernement Marois.

Au cours de l’actuel mandat, elle a formé avec Marwah Rizqy (PLQ) et Christine Labrie (QS) le trio le plus efficace et le plus pugnace à l’Assemblée nationale, sur le front de l’éducation. Comme quoi il est possible de coopérer entre adversaires.

Elle a aussi su se faire incisive. On se souviendra longtemps de sa sortie cinglante contre Marguerite Blais au début du mois, alors qu’elle a brandi au Salon bleu un exemplaire de La procédure parlementaire au Québec et a cité la définition de « responsabilité ministérielle ». « Moi, je le sais que la ministre, elle a du cœur. Ce n’est pas ça qui est en cause. Elle a visité 100 CHSLD, elle a dit que c’était important, les aînés. Mais à quoi ça sert, tout ça, si on n’assume pas nos responsabilités comme ministre ? » Ouch.

Son départ est donc une perte pour l’Assemblée nationale. Elle est évidemment plus lourde encore pour le PQ.

On a déjà lu des chroniques nécrologiques au sujet du parti souverainiste au cours des dernières années, et le genre pourra maintenant être renouvelé avec une formule de circonstance : la marraine de l’aide médicale à mourir quitte un parti aux soins palliatifs.

Mais au PQ, on continuera de cultiver l’espoir en rappelant qu’Yves-François Blanchet est parvenu en 2019, selon sa propre expression, à « sortir le Bloc québécois des soins palliatifs ».

Il n’en demeure pas moins que les dernières semaines ont été éprouvantes : départ d’un autre pilier, Sylvain Gaudreault, défaite dans Marie-Victorin, sondage Léger qui lui accorde à peine 9 % dans les intentions de vote… Rien de bon à l’approche des élections.

Pendant que Véronique Hivon faisait son annonce dans Joliette, un bastion péquiste désormais clairement menacé, le premier ministre François Legault était à l’offensive et présentait sa candidate dans Rimouski, circonscription remportée par le PQ depuis trois décennies. Le PQ n’y a pas encore de candidat – il y a lutte à trois pour l’investiture –, mais il a déjà une ligne d’attaque pour défendre son territoire.

Pascal Bérubé confie que la candidate caquiste Maïté Blanchette-Vézina, ex-mairesse de Sainte-Luce (située dans sa circonscription de Matane-Matapédia), lui a demandé en février 2020, dans les locaux de l’édifice municipal du village de Price, s’il quittait la vie politique, exprimant le souhait ardent de lui succéder sous la bannière péquiste. Par ailleurs, Mme Blanchette-Vézina est rémunérée par la CAQ jusqu’aux élections, à titre d’agente de mobilisation pour l’Est du Québec – une pratique légale et pas exceptionnelle, réplique le parti de François Legault. D’autres candidats seront tentés de demander le même traitement…

La CAQ se fait rendre la monnaie de sa pièce. Le mois dernier, elle révélait que la candidate libérale dans la circonscription d’Orford, l’ex-mairesse de Magog Vicki-May Hamm, la courtisait dernièrement.

On peut « faire évoluer » la politique comme le dit Véronique Hivon, mais s’il y a une chose qui ne semble pas près de changer, c’est le magasinage de parti.