(Québec) Les dernières semaines ont pris la forme de montagnes russes pour le gouvernement Legault dans la gestion de grands projets de transport dans les régions de Québec et de Montréal. À l’approche des élections générales, les rebondissements ont été nombreux… et ce n’est pas fini.

Le troisième lien « ajusté »

La première mouture du « troisième lien », l’un des plus grands tunnels au monde, représentait un projet pharaonique aussi coûteux que risqué. Le gouvernement cherche à rendre son projet plus acceptable avec sa nouvelle version, mais le défi reste important dans ce dossier qui est devenu national, comme le REM à Montréal. On voit difficilement comment les caquistes pourraient se passer d’un appui clair du maire de Québec, Bruno Marchand, à leur projet… qui ne présente toutefois pas de gains pour ce dernier ; il menace d’augmenter les coûts d’entretien du réseau routier de la Ville et de la priver de revenus de taxes à cause de l’étalement urbain. Le gouvernement se servira de l’annonce récente de travaux de 4 millions de dollars sur des routes de Lévis pour dire, lors de la campagne électorale, qu’il a respecté sa promesse de commencer le chantier avant la fin du mandat. Il donne une interprétation bien limitée à son engagement. Comme le dossier d’affaires doit être achevé en 2025, le débat ne sera probablement pas encore fini lors de la prochaine campagne électorale, dans quatre ans. La mise en service est prévue en 2032 seulement. C’est encore loin d’être réglé. D’autant plus que les caquistes auront fort à faire pour convaincre le fédéral d’assumer 40 % de la facture que l’on dit réduire à 6,5 milliards – ce qui est incertain. Et rappelons qu’Ottawa entend mener sa propre évaluation environnementale du projet parce que celui-ci « traverse l’un des plus grands cours d’eau au pays ».

Cafouillage sur le tramway

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Bruno Marchand, maire de Québec

Avec son cafouillage dans le dossier du tramway de Québec, le gouvernement Legault a fait de Bruno Marchand une vedette nationale. Il a renoncé à lui imposer dans un décret des conditions – dont celle, floue, sur l’« acceptabilité sociale » – pour que le projet aille de l’avant. Ces conditions-surprises, c’était une stratégie de la « gang de Québec », inquiète de l’essor du Parti conservateur du Québec ; l’expression vient de représentants gouvernementaux. François Legault a tranché, comme il l’a dit lui-même, mais bien des ténors montréalais ont fait savoir qu’ils ne comprenaient pas ces tergiversations, d’autant que le tramway fait partie des promesses électorales de la CAQ. Après avoir rallié à sa cause la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et l’Union des municipalités du Québec, Bruno Marchand a gagné la bataille. Il lui reste maintenant à rehausser l’appui au tramway, en baisse depuis quelques mois. Il a lancé les consultations promises en campagne électorale, mais on attend toujours les modifications au projet pour répondre aux critiques.

Annonce précipitée sur la Rive-Sud

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Le premier ministre François Legault et la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, en conférence de presse à Longueuil, le 14 février dernier

Le 14 février, juste avant le déclenchement de l’élection partielle dans Marie-Victorin, François Legault a confirmé subitement le prolongement prochain du REM sur la Rive-Sud. C’est l’une de ses promesses électorales. Il a révélé que la Caisse de dépôt et placement a conclu qu’un tel projet est-ouest serait rentable. Encore une fois, M. Legault a devancé la Caisse, qui est muette depuis et qui, en février, se limitait à dire que des « études préliminaires » étaient en cours. En mars, François Legault a précisé en entrevue à Télévision Rive-Sud que le tracé envisagé se situe entre La Prairie et Boucherville – où le maire est toutefois très réfractaire au projet et n’a pas encore eu de rencontre avec le gouvernement à ce sujet. Le train électrique passerait dans l’axe du boulevard Taschereau. L’ex-députée de Marie-Victorin et nouvelle mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, a toujours eu des inquiétudes quant à une structure aérienne qui défigurerait le Vieux-Longueuil. Québec a évoqué une structure au sol, mais François Legault a aussi indiqué ceci le mois dernier : « Dans Longueuil, évidemment, on ne peut pas mettre ça juste aérien, il y a une partie qui doit être faite de façon souterraine. » À suivre…

Report du REM de l’Est

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Améliorer le transport collectif dans l’est de Montréal est un engagement électoral de la CAQ, qui misait en 2018 sur un tramway. François Legault a plutôt confié le mandat à la Caisse d’y prolonger le REM. Mais depuis l’annonce du projet de 10 milliards, CDPQ Infra essuie bien des critiques. Si Valérie Plante ne donne pas un appui clair au projet, la filiale de la Caisse l’abandonnera. Les pourparlers sont difficiles. Dans ce contexte, CDPQ Infra a décidé d’attendre à l’automne avant de déposer le projet au BAPE, ce qui reporte les audiences qui étaient prévues ce printemps à l’origine. Pour le gouvernement, ce scénario a l’avantage de maintenir le projet en vie – ce qui est important pour lui compte tenu de ses deux sièges dans l’Est – tout en repoussant après les élections les débats entourant la structure aérienne sur le boulevard René-Lévesque et l’intégration urbaine. Mais il ne pourra y avoir de mise en chantier à la mi-2023 ni de mise en service en 2029 comme prévu. Québec négocie toujours pour répondre à la demande de Valérie Plante de donner à la Ville une place à la table décisionnelle. Après des années de tergiversations et bien des discussions sur la facture, le feu vert a été donné le mois dernier pour prolonger de 6 km la ligne bleue du métro au coût de 6,4 milliards de dollars. La mise en service est repoussée en 2029.