(Ottawa) Le marché By a été le théâtre dimanche soir d’une autre fusillade. Il s’agissait de la 55fusillade à Ottawa depuis le début de l’année. Depuis deux ans, ces tristes évènements y sont devenus aussi fréquents qu’à Montréal ou à Toronto.

Le marché By, faut-il le rappeler, est l’un des principaux attraits touristiques de la capitale fédérale. Le parlement attire aussi son lot de touristes. À peine un kilomètre sépare ces deux attractions.

À écouter les débats sur le contrôle des armes à feu, durant la campagne électorale, on pourrait croire que certains candidats n’ont pas mis les pieds au marché By ou au parlement – ou aux deux endroits – depuis trop longtemps. Les promesses des libéraux ou les volte-face des conservateurs dans ce dossier inquiètent au plus haut point les maires des cinq plus grandes villes du Québec.

À la veille du deuxième débat en français, les premiers magistrats de Montréal, Québec, Laval, Longueuil et Gatineau ont uni leurs voix. Ils réclament des mesures plus musclées de la part du gouvernement fédéral pour contrer la violence armée sur le territoire de leur cité. Les engagements des principaux partis politiques en la matière sont jugés insuffisants.

De toute évidence, ces maires souhaitent utiliser leur poids politique pour obtenir gain de cause. Les cinq villes qu’ils représentent abritent de nombreuses circonscriptions fédérales, dont certaines offrent des luttes serrées. La mairesse Valérie Plante veut convaincre le maire de Toronto, John Tory, d’organiser une sortie semblable avec ses pairs de la région de la Ville-Reine pour augmenter la pression.

« Le gouvernement fédéral doit prendre ses responsabilités », a laissé tomber Mme Plante, déplorant au passage que ceux qui aspirent à diriger le pays soient si « déconnectés » de la réalité qui prévaut dans les villes.

On demande aux chefs fédéraux de s’engager clairement à contrôler les armes à feu : les armes de poing et les armes d’assaut.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

La Presse a publié une série de reportages au cours des derniers jours qui ont permis de lever le voile sur les conflits entre gangs de rue qui secouent la ville de Montréal et qui ont fait plusieurs victimes innocentes. Les affrontements ont lieu dans des lieux comme des parcs, des secteurs résidentiels ou des stationnements. À 20 reprises cette année, on a retrouvé plus de 10 douilles sur une scène de crime à Montréal.

Le maire de Québec, Régis Labeaume, a dit craindre que les fusillades se multiplient au pays, au point où l’on pourrait devenir « le Wild West comme chez nos voisins du Sud ».

Les maires ont décidé de faire entendre leurs voix dans cette campagne pour injecter un peu de raison dans le débat qui fait rage sur le contrôle des armes à feu depuis que le chef libéral, Justin Trudeau, a relevé, durant la dernière demi-heure du Face-à-Face de TVA, jeudi dernier, que le chef conservateur, Erin O’Toole, promettait d’annuler un décret fédéral adopté en mai interdisant quelque 1500 armes d’assaut de type militaire.

Attaqué sans relâche par les troupes libérales, M. O’Toole a battu en retraite, dimanche, en affirmant qu’il comptait maintenir le décret interdisant les armes d’assaut, même si le programme électoral de son parti affirme le contraire. Depuis, une note au bas de la page 96 du programme électoral a été ajoutée. Elle précise que « toutes les armes à feu actuellement interdites le resteront ».

Mais les libéraux de Justin Trudeau ne sont pas sans reproche. Comme en 2019, ils continuent de promettre de confier aux municipalités le pouvoir d’interdire les armes de poing sur leur territoire. Cela fait deux ans que les élus municipaux martèlent qu’une telle mesure serait inapplicable et inefficace.

Les maires exigent qu’Ottawa « prenne ses responsabilités » en interdisant les armes de poing sur l’ensemble du territoire canadien.

Le groupe PolySeSouvient plaide aussi pour une telle interdiction à l’échelle nationale.

En point de presse, mardi, le chef libéral a indiqué qu’il était aussi prêt à confier ce pouvoir aux provinces, si elles le désirent. « Pour les provinces comme le Québec, qui veulent interdire carrément les armes de poing sur leur territoire, on sera là pour ça », a-t-il indiqué. Son parti met jusqu’à 1 milliard de dollars à la disposition des provinces qui veulent aller de l’avant avec une telle mesure.

Le hic, c’est que l’Ontario, la Saskatchewan et l’Alberta, entre autres, refusent de s’engager dans cette voie. Le gouvernement de la Saskatchewan a même adopté une loi empêchant les municipalités d’interdire des armes de poing sur leur territoire.

Signe de l’irrésistible envie de verser dans l’électoralisme, les libéraux promettent maintenant de rendre obligatoire le programme de rachat des quelque 1500 armes à feu de type militaire prohibées depuis mai dernier. La facture pourrait être salée pour les contribuables, environ 756 millions de dollars, selon une évaluation du directeur parlementaire du budget.

Pourtant, Justin Trudeau défendait bec et ongles au printemps le projet de loi C-21 de son gouvernement, qui prévoyait un programme de rachat volontaire de ces armes d’assaut.

PolySeSouvient se montre sceptique. « Cela demeure des promesses, tout comme celles de 2015 et de 2019 qui n’ont pas été respectées. Nous espérons que les libéraux expliqueront prochainement aux Canadiens pourquoi, cette fois, ils devraient les croire. Il y a deux ans, nous étions exactement dans la même situation. Nous avons applaudi avec enthousiasme les libéraux pour avoir promis d’interdire les armes d’assaut, y compris le rachat de toutes les armes existantes, pour en bout de compte être brutalement déçus par le résultat final », a affirmé Nathalie Provost, survivante du massacre à Polytechnique et porte-parole de PolySeSouvient.