(Ottawa ) Les protagonistes ont eu droit à un tour d’échauffement dimanche soir durant l’émission Cinq chefs, une élection, sur les ondes de Radio-Canada.

Justin Trudeau, Erin O’Toole, Yves-François Blanchet, Jagmeet Singh et Annamie Paul ont dû répondre à tour de rôle à plusieurs questions pointues posées en rafale par trois journalistes chevronnés. En se prêtant à cet exercice hautement informatif, aucun des chefs n’a trébuché au point de donner de nouvelles munitions à l’adversaire.

L’exercice leur a surtout permis de se préparer en prévision du rendez-vous crucial de ce jeudi soir, quand ils monteront dans l’arène pour le premier débat de la campagne électorale.

Le Face-à-Face organisé par le réseau TVA à Montréal mettra aux prises les leaders des quatre principales formations politiques à la Chambre des communes. La cheffe du Parti vert, Annamie Paul, a toutefois obtenu son carton d’invitation aux deux autres joutes oratoires organisées par la Commission des débats des chefs, qui auront lieu mercredi (français) et jeudi (anglais) de la semaine prochaine.

PHOTOS LA PRESSE CANADIENNE

Dans l’ordre habituel, les quatre participants du Face-à-Face de TVA : Justin Trudeau, chef du Parti libéral, Erin O’Toole, chef du Parti conservateur, Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois, et Jagmet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

À mi-chemin de la campagne, le Parti libéral a perdu l’avance qu’il détenait dans les intentions de vote avant le déclenchement des élections. La lutte s’est considérablement resserrée. Si les électeurs étaient conviés aux urnes aujourd’hui, les conservateurs d’Erin O’Toole auraient les appuis suffisants pour former un gouvernement minoritaire, selon une moyenne des sondages nationaux réalisée par le site 338canada.com.

Ce revirement s’explique essentiellement par l’évolution des intentions de vote en Ontario, où les libéraux de Justin Trudeau détenaient 79 des 121 sièges que compte la province au moment de la dissolution du Parlement. Une quinzaine de sièges basculeraient dans le camp conservateur et six autres dans le camp néo-démocrate, si la tendance devait se maintenir. Dans le passé, cette province s’est affichée comme un bastion du Parti libéral, à l’exception des élections de 2011, quand le parti a encaissé la pire défaite de son histoire en remportant à peine 34 sièges.

Les provinces atlantiques représentent aussi un champ de bataille où le Parti conservateur pourrait faire des gains aux dépens des libéraux, toujours selon le site 338canada.com.

Au Québec, la situation est demeurée relativement stable jusqu’ici. Une poignée de circonscriptions où la lutte était serrée en 2019 pourraient changer de main. Mais l’aiguille des sondages n’a pas beaucoup bougé en comparaison de ce qui s’est produit dans d’autres provinces.

Le premier débat en français à TVA risque de changer la donne. Les stratèges des divers partis sont d’avis qu’il marquera le début de la vraie campagne. D’autant que les électeurs commenceront à s’y intéresser, maintenant que les vacances estivales sont terminées et que la rentrée scolaire est derrière eux.

De tous les chefs, Justin Trudeau est celui qui compte le plus d’expérience des débats. Il s’agit de sa troisième bataille électorale. Il a mené ses troupes à une surprenante victoire aux élections de 2015 après avoir confondu les sceptiques durant les débats, même au sein de son parti. En 2019, il avait largement profité du flou du chef conservateur Andrew Scheer sur l’avortement durant le premier débat.

De tous les chefs, c’est également lui qui a le plus à perdre. Une mauvaise performance pourrait plomber une campagne déjà laborieuse, même s’il a choisi la date du scrutin et qu’il jouissait ainsi d’un avantage certain sur ses adversaires. Le chef libéral pourrait être contraint de justifier de nouveau sa décision de provoquer des élections en pleine quatrième vague d’une pandémie qui met la patience d’une partie de la population à rude épreuve.

Élu à la tête de son parti il y a un an à peine, largement inconnu d’une majorité des électeurs avant le début de la campagne, Erin O’Toole a vu sa cote monter en flèche (+ 11 points) en deux semaines. Selon la firme Nanos, autant de Canadiens jettent leur dévolu sur lui (28 %) à la mi-campagne que sur Justin Trudeau (29 % ; - 6 points) quand ils sont invités à choisir le chef le plus apte à occuper les fonctions de premier ministre.

Les stratèges conservateurs soutiennent que ce premier débat d’Erin O’Toole représente une belle occasion de se présenter aux électeurs québécois. Il sera sans doute la cible de nombreuses attaques en raison de l’élan que son parti s’est donné dans les sondages. S’il cafouille sur des questions comme la crise des changements climatiques ou le contrôle des armes à feu, par exemple, cet avantage pourrait se dissiper d’ici le jour du vote.

Éloquent, maîtrisant impeccablement la langue française, Yves-François Blanchet a relancé sa formation politique aux élections de 2019 en multipliant les formules percutantes durant les débats. Mais à l’instar du chef libéral, M. Blanchet a connu un début de campagne pénible en multipliant cette fois les erreurs stratégiques. D’abord en affirmant avec outrecuidance au deuxième jour de la campagne que le Bloc québécois remporterait 40 sièges le 20 septembre. Ensuite en soutenant que le troisième lien à Québec avait un potentiel écologique. Et puis il y a eu le point de presse où il a empêché les journalistes d’interroger une candidate du Bloc, Ensaf Haidar, au sujet de son appui passé à Maxime Bernier. Pour le chef bloquiste, le Face-à-Face à TVA arrive au bon moment pour recadrer sa campagne.

Quant au chef du NPD, Jagmeet Singh, qui en est aussi à sa deuxième campagne, il est conscient qu’il n’est pas sur le point de surfer sur une deuxième vague orange au Québec. Mais il voudra profiter du débat pour transformer le capital de sympathie qu’il a accumulé depuis deux ans en appuis qui pourraient aider la cause de quelques candidats au Québec, dont Ruth Ellen Brosseau, qui tente un retour dans Berthier–Maskinongé.