(Ottawa) Le chef libéral Justin Trudeau, son rival conservateur Erin O’Toole et le leader néo-démocrate Jagmeet Singh promettent tous la création de 1 million d’emplois pour relancer l’économie si leur parti forme le prochain gouvernement le 20 septembre.

Le hic, soulignent à grands traits les gens d’affaires, c’est qu’il n’y a pas de travailleurs pour occuper ces beaux emplois que l’on fait miroiter durant la présente campagne électorale. La solution, selon eux, passe par une augmentation importante de l’immigration économique.

Manufacturiers et Exportateurs du Canada propose une cible audacieuse : augmenter graduellement les cibles d’immigration pour accueillir 500 000 immigrants économiques par année d’ici à 2030, alors que le Canada en accueille actuellement environ 200 000 par année.

« On a beau promettre de créer des emplois, mais si on n’a personne pour les occuper, on n’est pas plus avancé », affirme au bout du fil Véronique Proulx, présidente et directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).

Depuis quelques années, la pénurie de main-d’œuvre ne cesse de s’aggraver dans les centres urbains comme dans les régions rurales. La situation est telle que des propriétaires d’entreprises doivent refuser des contrats, annuler des quarts de travail ou encore réduire les heures d’ouverture.

Ce cri d’alarme, il n’est pas nouveau. Mais les regroupements de gens d’affaires constatent avec étonnement que cet aspect de la relance économique n’a pas encore été abordé après deux semaines d’une campagne électorale plutôt atypique.

Statistique Canada rapportait d’ailleurs cette semaine que le nombre de postes à pourvoir avait atteint un nouveau sommet cet été, principalement en raison des postes vacants dans les services d’hébergement et de restauration. Ainsi, on dénombrait en juin 815 000 postes qui n’avaient pas trouvé preneur au pays.

Selon l’agence fédérale, la grande majorité des postes vacants (8 sur 10) étaient dans le secteur des services. On calculait que le secteur des services d’hébergement et de restauration affichait 129 100 postes vacants, tandis que le secteur des soins de santé et de l’assistance sociale en comptait 109 300. À lui seul, le secteur manufacturier n’arrivait pas à pourvoir 50 000 postes.

« Il y a un peu un manque de cohérence dans ce que l’on entend durant la campagne. Justin Trudeau et Erin O’Toole promettent 1 million de jobs. Mais cela ne donne rien si on n’est pas capable de pourvoir les postes qui sont vacants en ce moment. C’est le plus grand frein à la relance économique », ajoute Véronique Proulx.

Son organisation souhaite corriger cette omission en dévoilant ce samedi une « plateforme électorale », qui contient une série de recommandations visant à s’attaquer de front à l’un des principaux obstacles à la croissance de l’économie.

L’une des principales touche les cibles d’immigration. Cette proposition va s’inviter dans la campagne électorale. Car MEQ organise deux débats virtuels, l’un en anglais lundi, l’autre en français mercredi, afin d’entendre les solutions que préconisent les différents partis.

« On investit des centaines de milliards de dollars pour relancer notre économie, mais on n’a même pas de gens pour travailler dans nos usines et dans nos bureaux partout à travers le Canada. Et c’est particulièrement vrai au Québec aussi. En ce qui nous concerne, c’est vraiment un élément manquant dans la stratégie des partis politiques dans tout ce qui s’est dit dans le discours économique jusqu’à présent », souligne Mme Proulx.

Une autre proposition de la « plateforme » de MEQ ferait en sorte que le gouvernement fédéral soumette aux autres provinces les critères d’une entente conclue entre Ottawa et Québec en août, laquelle permet d’augmenter de 10 % à 20 % le nombre de travailleurs étrangers temporaires que peuvent compter les entreprises au sein de leurs effectifs.

Une troisième viserait à simplifier et à réduire les voies d’accès à la résidence permanente pour les étudiants étrangers et les travailleurs étrangers temporaires.

« Si on veut assurer une relance durable, ça prend un plan de match clair. On doit identifier les secteurs névralgiques dont on a besoin, déterminer quels sont les investissements qui doivent être faits et le genre de talents qu’il nous faut. Mais il nous faut de la main-d’œuvre. »

À la base, si nous n’avons pas les travailleurs, le reste ne pourra pas suivre. Pour y arriver, cela passe manifestement par l’immigration. On ne s’en sort pas. Il faut accueillir davantage d’immigrants.

Véronique Proulx, présidente et directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

La pandémie, qui a entraîné la fermeture des frontières pendant plusieurs mois, a chamboulé les objectifs du gouvernement canadien en matière d’immigration. En 2019, le Canada avait accueilli 341 000 immigrants. En 2020, seulement 185 000 nouveaux arrivants ont été accueillis sur le sol canadien.

Cette année, le gouvernement fédéral croit être en mesure d’atteindre son objectif de 401 000 immigrants. En 2022, on vise 411 000 nouveaux résidents permanents. La dernière fois que le pays avait franchi le cap des 400 000 nouveaux arrivants remontait au début des années 1900.

Selon les gens d’affaires, le Canada ne pourra faire autrement que d’ouvrir davantage ses portes si l’on veut pourvoir les nombreux postes vacants, soutenir la croissance économique et financer nos programmes sociaux. Et la campagne électorale est le moment idéal pour en débattre.