Le nombre de plaintes retenues par la CNESST formulées par des travailleurs étrangers qui œuvrent dans nos champs s’est multiplié ces dernières années. La cause : un bassin de plus en plus important de ce type d’employés au Québec, qui connaissent aussi mieux leurs droits.

En 2019, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) n’avait reçu que trois plaintes de travailleurs étrangers temporaires du secteur agricole qui pouvait mener à des sanctions contre leur employeur ou des collègues. Ce nombre est passé à 45 en 2021. Il a bondi à 133 en 2022, selon des données obtenues par le média spécialisé La terre de chez nous.

Pendant la même période, le nombre de titulaires de permis au Programme de travailleurs étrangers temporaires (PTET) au Québec est passé de 23 225 à 38 505, indique le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration. Ces données incluent tous les travailleurs temporaires, dont ceux du secteur agricole.

La hausse des plaintes par des travailleurs agricoles au Québec ne surprend pas Christophe Berthet, président-directeur général d’Immigrant Québec.

Cet organisme finance notamment depuis 2020 une série de mesures pour mieux informer les travailleurs agricoles qui viennent chaque saison œuvrer au Québec, explique M. Berthet.

En 2023, par exemple, 28 organismes se partageront plus de 7 millions de dollars. Lors du projet-pilote, dans les années précédentes, 17 organismes s’étaient partagé 2,5 millions de dollars et avaient réussi à joindre des dizaines de milliers de travailleurs étrangers temporaires.

La majorité du temps, les droits des travailleurs sont respectés, selon M. Berthet. Mais parfois, ce n’est pas le cas. Heures supplémentaires non payées, tâches qui ne sont pas au contrat de travail, insalubrité dans les logements, harcèlement psychologique ou sexuel : les plaintes déposées couvrent un large éventail, selon lui.

Des avocats bénévoles du regroupement Justice pro bono peuvent désormais soutenir en plusieurs langues un travailleur lésé ou victime d’un acte criminel, ajoute le PDG. Ce qui peut expliquer la hausse des plaintes qui se rendent à la CNESST.

À son sens, les travailleurs agricoles les plus à risque se trouvent souvent dans des fermes plus éloignées. Parfois, certains employeurs sont dans le secteur agricole de père en fils (ou fille). « On doit aussi éduquer les employeurs pour leur dire : non, ce travailleur n’est pas ton fils, ton cousin. La personne doit travailler 40 heures, pas sept jours sur sept », illustre M. Berthet.

Une bonne nouvelle

Que les travailleurs agricoles connaissent mieux leurs droits est une bonne nouvelle, se réjouit Fernando Borja, directeur de FERME Québec. Cette organisation aide les industries agricoles à recruter des travailleurs étrangers temporaires.

« Nous, on a toujours été en faveur que le gouvernement envoie des inspecteurs sur le terrain, affirme M. Borja. On fait aussi beaucoup de travail de formation des entreprises, pour qu’elles soient au courant des changements. On essaie d’être proactif pour informer les employeurs et s’assurer qu’ils respectent leurs obligations. »

À son sens, l’augmentation des plaintes de la part des travailleurs signifie qu’ils sont mieux informés de leurs droits. Et qu’ils sont plus en confiance pour dénoncer, grâce à des rencontres sur le terrain par les organismes.

« Maintenant, les organismes sont à l’aéroport, ils sont dans les villages, dans les magasins, près [des travailleurs], ils font des activités sociales. Ça crée de la confiance, et les travailleurs voient qu’ils ont le droit de dire ce qui ne va pas, de poser des questions, ajoute M. Borja. Je pense que c’est une bonne chose. »