Les incendies de forêt historiques ont contraint des centaines de pourvoiries à cesser leurs activités, entraînant inquiétudes et pertes financières.

« On est au cœur de la haute saison pour la chasse à l’ours et la pêche à la truite et au doré. C’est normalement une période très achalandée », se désole le président-directeur de la Fédération des pourvoiries du Québec, Dominic Dugré, au téléphone.

On compte environ 350 pourvoiries dans la zone d’interdiction d’accès aux forêts publiques. Avec les dommages matériels engendrés par les incendies et la pause forcée des activités, les pertes de revenus estimées sont substantielles.

On parle de dizaines de milliers de dollars par pourvoyeur, pour chaque semaine annulée.

Dominic Dugré, président-directeur de la Fédération des pourvoiries du Québec

Le gouvernement Legault reconnaît par ailleurs le choc économique vécu par ces entreprises pendant que l’accès au territoire est interdit. « On est très sensibles à la situation des pourvoiries », a expliqué la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale mardi. « Pendant l’été, c’est le moment où ils font leurs revenus », a ajouté la ministre caquiste.

Propriétaire de la pourvoirie du Domaine D’Oskélanéo à Clova, en Haute-Mauricie, Patrice Desilets devait ouvrir officiellement ses portes vendredi dernier. Mais au lieu de lancer ses activités, il a dû les annuler.

« La préparation de la chasse à l’ours était terminée, nos huit chalets étaient réservés pour tout le mois de juin. »

Situation semblable du côté de Serge Dapra, propriétaire de la pourvoirie Lac Suzie à Senneterre, à l’est de Val-d’Or, qui attend l’autorisation pour rouvrir.

Clova toujours debout

Le village de Clova a été fortement touché par les incendies de forêt. Mais contrairement à ce qu’avait prévu le premier ministre François Legault lundi, il n’a pas été réduit en cendres. Alors que la majorité des habitants ont déserté les lieux, certains sont restés sur place. C’est grâce à ces derniers que Patrice Desilets obtient des mises à jour précises de l’évolution de la situation.

« Ils sont d’une débrouillardise incroyable », explique le pourvoyeur, qui a quitté le village.

Plusieurs pourvoyeurs ont d’ailleurs souligné l’importance de recevoir les informations les plus exactes possibles. Certains se tournent vers les cartes satellites, jugeant que les cartes fournies par les autorités ne sont pas suffisamment mises à jour. À La Tuque, la communication a été coupée pendant trois jours dans certaines zones reculées, amplifiant le stress des propriétaires des pourvoiries.

Bien qu’inquiets, les pourvoyeurs joints par La Presse s’estiment chanceux d’être en sécurité et restent « positifs ». Pour le moment, ils doivent s’armer de patience et misent sur la pluie prévue dans les deux prochains jours pour rétablir la situation.

On ne peut qu’attendre. L’important pour nous est de communiquer les meilleures informations aux propriétaires des pourvoiries et aux personnes qui ont effectué des réservations.

Dominic Dugré, président-directeur de la Fédération des pourvoiries du Québec

À ce sujet, la ministre des Ressources naturelles n’a pas de nouvelles informations à donner aux pourvoyeurs qui se demandent à quel moment l’accès aux forêts publiques sera de nouveau sécuritaire. « La situation est exceptionnelle, a exprimé Maïté Blanchette Vézina. On analyse de jour en jour la situation. Dès qu’on va pouvoir rouvrir, on va rouvrir. »

La fermeture des pourvoiries exacerbe également la problématique entourant la pénurie de main-d’œuvre. « Les employés doivent retourner à la maison, certains devront se trouver d’autres emplois », déplore Dominic Dugré.

Vers une aide gouvernementale ?

M. Dugré estime qu’une aide financière substantielle sera requise du gouvernement dans l’éventualité où la situation perdurerait au-delà d’une semaine. Jusqu’à présent, le gouvernement Legault ne s’est pas engagé à dédommager l’ensemble des pourvoyeurs pour leurs pertes.

Or, selon le journal régional Le Nord-Côtier, Québec aidera à reconstruire la pourvoirie Moisie-Nipissis, qui a été complètement ravagée par les flammes. Cette pourvoirie, située à Sept-Îles, est d’une grande importance pour la communauté innue de Uashat mak Mani-utenam.

Quant aux entrepreneurs dont des chalets ou des camps ont été détruits par les flammes, le ministère de la Sécurité publique pourrait modifier certains programmes d’indemnisation. « On ne souhaite pas laisser tomber les économies régionales. On est en contact avec [elles] si les assureurs ne couvrent pas certains éléments », a expliqué Mme Blanchette Vézina.

Avec Charles Lecavalier, La Presse