Le sergent Lionel Bourdon attrape la radio de sa voiture de patrouille, comme il l’a fait des milliers de fois. Il hésite quelques secondes. Regarde la foule rassemblée autour de lui, puis échange quelques mots avec l’agente au bout de la ligne. « 10-19 », finit-il par dire. Le code pour annoncer qu’il a terminé son quart de travail. Son tout dernier, après 58 ans de service.

Juste comme ça, le plus ancien policier en service au Canada a terminé sa carrière jeudi après-midi, sous un tonnerre d’applaudissements. « Ça fait drôle », a-t-il confié après-coup.

Police montée, haie d’honneur, gyrophares, défilé et cornemuse : le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) a souligné en grand le départ à la retraite de M. Bourdon.

À presque 79 ans – Lionel Bourdon fêtera son anniversaire à la fin de juin –, le policier a traversé les époques. Jeudi, il a porté pour la dernière fois son uniforme au quartier général du SPAL, sur le boulevard Curé-Poirier Ouest.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le plus ancien policier en service au Canada a terminé sa carrière jeudi après-midi, sous un tonnerre d’applaudissements.

Un uniforme bien différent de celui qu’il a enfilé en 1965, à 20 ans. « C’était une fierté de mettre l’uniforme la première journée, quand on a toujours voulu être policier », se souvient-il.

Du plus loin qu’il se remémore, la police a fait partie de sa vie. Et de ses rêves. « Quand j’étais jeune, on demeurait en face du poste de police, donc on les connaissait tous », raconte-t-il.

Le monde policier l’a ensuite accompagné pendant presque 60 ans. Lui, mais aussi sa famille, présente pour l’occasion jeudi. « La police, c’était sa vie », résume sa conjointe, Francine Bonin-Bourdon. « Nous, on a accepté ça. On l’a appuyé. »

« La police fait aussi partie de notre vie, souligne sa fille Annie Bourdon. C’est important autant pour nous que pour lui. Ça va faire un vide. »

Une mémoire vivante

Lionel Bourdon ne s’attendait pas à de tels honneurs pour célébrer son départ. Il y avait notamment sur place des agents du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), de la Sûreté du Québec et même de la Gendarmerie royale du Canada.

« Je n’en reviens tout simplement pas », s’étonne-t-il.

En 2020, Lionel Bourdon avait reçu une médaille de l’Assemblée nationale pour ses 55 ans de service. Déjà considéré comme le plus ancien policier en service du pays, il a été témoin de l’évolution du métier.

Difficile d’imaginer qu’à ses débuts, il faisait le tour des commerces de son secteur pour s’assurer que leurs portes étaient bien verrouillées la nuit.

PHOTO FOURNIE PAR LE SERVICE DE POLICE DE L’AGGLOMÉRATION DE LONGUEUIL

Lionel Bourdon en 1965, lors de son entrée dans la police de Ville Jacques-Cartier (devenue Longueuil)

Il gagnait alors 72 $ par semaine.

Depuis, « tout a changé », estime-t-il. Les techniques d’enquête, notamment l’utilisation de l’ADN, sont apparues. Les armes à feu ont évolué. Les femmes ont intégré la police. Un changement « surprenant, mais ça s’est très bien passé », se souvient M. Bourdon.

C’est parce qu’il a pu s’ajuster aux changements qu’il a pu rester aussi longtemps au sein du corps policier, estime sa conjointe.

Une vie mouvementée

Lionel Bourdon a travaillé comme patrouilleur, puis comme détective aux enquêtes criminelles. Il a ensuite été nommé sergent à la gendarmerie.

L’enquête qui l’a le plus marqué concerne l’enlèvement du gérant de Wells Fargo et de sa famille, dans les années 1970. Il s’agissait de la plus importante affaire d’extorsion au Canada, à l’époque, selon un article publié dans Le Reflet.

M. Bourdon avait alors travaillé de concert avec des agents de la Sûreté du Québec pour résoudre la crise.

Depuis 2008, le sergent était responsable de l’équipe de la sécurité routière. Il devait encore faire les tests d’aptitude sur une base régulière (comme le tir ou la conduite). Des tests qu’il passait haut la main, note Ghyslain Vallières, relationniste pour le SPAL.

« Sa passion, son dévouement et son professionnalisme ont été une source d’inspiration pour ses collègues tout au long de sa carrière », a souligné par communiqué la Ville de Longueuil.

Maintenant que M. Bourdon a accroché son uniforme, son fils Dominic espère qu’il pourra « profiter de la vie et de sa famille ». Sa femme, elle, se réjouit du fait que le couple va pouvoir « prendre du temps pour [lui], et voyager ».

Mais pour l’ex-sergent, la police ne sera jamais loin. Son plan de retraite : participer à la création d’un musée de la police de Longueuil. Parce que, selon lui, « c’est le plus beau métier du monde ».