Les services de raccompagnement de conducteurs en état d’ébriété peinent à se relever de la pandémie. Le nombre de personnes faisant appel à eux a chuté de 45 % en moyenne au Québec, alors que les infractions pour conduite avec facultés affaiblies ont pourtant recommencé à augmenter rapidement.

« On voit très clairement que les habitudes ont changé. Il y a moins de sorties dans les bars en général, ça se passe un peu plus dans les résidences. Et c’est comme si les gens se sentaient un peu moins à risque de partir d’une résidence que du stationnement d’un bar, où le risque de se faire intercepter par les autorités est plus grand », affirme le responsable du Regroupement conduite responsable Canada (RCRC), Daniel Bédard.

Depuis 2019, année prépandémique, le nombre de raccompagnements a « diminué d’environ 40 à 45 % », s’inquiète M. Bédard. Certaines régions sont encore plus touchées. « Dans la Capitale-Nationale, par exemple, on faisait tout près de 130 000 personnes accompagnées annuellement avant la COVID. Là, on est aux environs d’à peine 40 000 », déplore-t-il.

Résultat : « plusieurs services se demandent s’ils vont réussir à passer l’année 2023, financièrement », poursuit le gestionnaire. « Ces organisations-là roulent sur le principe d’utilisateur-payeur. Moins de payeurs, ça veut dire moins de revenus et, donc, moins de services. C’est une roue qui tourne. Personne n’est revenu au niveau d’avant la pandémie, mais les dépenses sont les mêmes », soutient-il.

On aimerait être davantage soutenus par le ministère des Transports ou la Société de l’assurance automobile (SAAQ). Qu’ils subventionnent ces services, mais surtout, qu’ils en fassent un peu plus la promotion.

Daniel Bédard, du RCRC

Un contexte préoccupant

Il n’est « pas surprenant » dans ce contexte, dit M. Bédard, de voir des chiffres comme ceux du long week-end de la fête des Patriotes, il y a une semaine, lors duquel au moins dix personnes ont perdu la vie sur les routes du Québec. Ce bilan « catastrophique » fait craindre le pire pour la suite de la saison estivale. L’an dernier, à la même période, seules deux personnes étaient mortes.

À Montréal, une piétonne de 31 ans, Fabienne Houde Bastien, est morte après avoir été happée lors d’une collision « à haute vitesse » impliquant deux véhicules, alors qu’elle revenait d’une soirée dans un bar. L’un des conducteurs, Vi Trung Ngo, 47 ans, a ensuite été accusé de conduite avec les facultés affaiblies.

Après une baisse pendant la pandémie, les infractions pour conduite avec facultés affaiblies sont reparties à la hausse récemment, ayant augmenté de 26 % en 2022 sur le territoire du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le premier trimestre de 2023 marque aussi une augmentation de 18 % par rapport à la même période de l’année précédente.

La Sûreté du Québec (SQ), de son côté, a signalé l’an dernier 206 arrestations pour des conducteurs avec facultés affaiblies. L’année d’avant, en 2021, c’était 240 et en 2020, 236.

Un sommet avait été atteint depuis cinq ans en 2019, avec 271 arrestations pour conduite en état d’ébriété.

Tout cela survient alors que la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) doit dévoiler son bilan routier pour 2022 dans les prochains jours. « Déjà, on entend entre les branches qu’on risque d’avoir le pire bilan des 10 dernières années », avait soutenu la semaine dernière le directeur aux affaires publiques de CAA-Québec, Nicolas Ryan.

Des solutions existent

Bon nombre de solutions existent pour renverser la tendance, affirme Daniel Bédard. En premier lieu, une meilleure documentation des éthylomètres. Ces appareils servent à calculer avec précision son taux d’alcoolémie, dont la limite légale pour conduire au Québec est de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang.

« On demande au Ministère de contribuer à une étude qui ferait en sorte d’évaluer les éthylomètres et de les normer. Ça se fait déjà dans plusieurs pays. Les gens peuvent ainsi se tourner vers des appareils fiables et reconnus par la science », avance le porte-parole.

À peu près tous nos clients qui ont des restaurants nous disent que la facture moyenne d’alcool a augmenté par personne et par client. Il faut agir.

Daniel Bédard, porte-parole du RCRC

M. Bédard évoque aussi des « distributeurs » de ces appareils dans les établissements servant de l’alcool. « En France, les bars doivent avoir des éthylomètres à la disposition des clients s’ils veulent se tester. Ça pourrait être quelque chose qu’on fait ici aussi, à un coût somme toute modique. Il y a beaucoup de choses qui sont possibles. »

Plus globalement, le RCRC plaide pour une multiplication des campagnes de sensibilisation à une échelle régionale, en fonction des réalités de chaque secteur. « On ne dit pas que tous les accidents sont causés par l’alcool, mais entre 18 h et 4 h du matin, il y en a beaucoup », conclut le responsable.

En février, dans la foulée des nouvelles recommandations fédérales sur la consommation d’alcool, La Presse avait rapporté que des experts estimaient qu’il était temps de se questionner sur les dons et commandites de l’industrie des boissons alcoolisées dans le réseau de la santé du Québec.