Les trottinettes électriques en libre-service ont laissé un mauvais souvenir à Paris et à Montréal. Pour que leur retour soit garanti au Québec, des ajustements doivent être apportés.

Passeront-elles de la place de la Concorde au boulevard de la Concorde ? Du parvis de Notre-Dame à l’île Notre-Dame ?

Alors que les trottinettes électriques en libre-service préparent leur retour au Québec, elles quittent Paris. La capitale française a récemment voté, en référendum, pour les bannir des rues et des trottoirs de la ville dès la fin du mois d’août.

Les résultats à sens unique du scrutin – 89 % des voix exprimées contre les trottinettes – cachent une fracture générationnelle entre jeunes et vieux Parisiens, a pu constater La Presse sur place, fin avril.

« Il y a un problème de génération », a assuré Fabrice Naud, un trottineur dans la force de l’âge rencontré rue de Rivoli. Il est propriétaire de son propre engin, mais partage les pistes avec les utilisateurs des trottinettes en libre-service, réputés pour leurs comportements téméraires.

Feux grillés, dépassements risqués, vitesse excessive, passager excédentaire : ils sont dangereux « surtout pour eux, mais pour les autres aussi », explique M. Naud.

Les quelques vieux qui utilisent les trottinettes en libre-service, ils ont les mêmes comportements que les jeunes. Sauf qu’il y a plus de jeunes qui les utilisent.

Fabrice Naud, un habitué des trottinettes

Lui-même n’était pas à Paris le jour du référendum, mais il aurait été déchiré s’il avait pu participer : « Je n’avais envie de faire ni du jeunisme ni du vieillisme. »

Les jeunes touristes les aiment aussi beaucoup. Anderson Sirio, un Brésilien qui visitait la Ville Lumière avec sa copine, s’apprêtait à monter avec elle – une pratique interdite. « On s’en va à la tour Eiffel », a-t-il dit. « Ça permet de voir la ville. C’est mieux que de prendre le métro. »

PHOTO PHILIPPE TEISCEIRA-LESSARD, LA PRESSE

Trottinettes et vélos en libre-service abandonnés en vrac rue Valette, dans le quartier des écoles, fin avril

En plus du comportement sur le bitume, les détracteurs des trottinettes ont un autre reproche important envers ces engins : ils se retrouvent un peu partout en ville, souvent couchés sur les trottoirs. Le nombre d’opérateurs, le nombre de trottinettes et les zones de dépôt ont été resserrés l’an dernier.

« Oh, là, là ! Ça va de mal en pis ! », soupire pourtant Christine Larcher en prenant une photo d’un amas de trottinettes rue Valette, tout près du Panthéon. Le stationnement loué par Mme Larcher est fréquemment bloqué par ces dépôts improvisés instables. « Régulièrement, je suis obligée de sortir de ma voiture pour les enlever », a-t-elle déploré.

« Ce n’est pas surveillé, il n’y a pas de policiers. »

« La déception est immense »

Le référendum parisien était consultatif, mais la maire Anne Hidalgo s’est engagée « à respecter le résultat ». À peine 7 % des électeurs se sont exprimés dans les bureaux de vote – à peine 21 – ouverts pour l’occasion. Les entreprises qui exploitent les trottinettes en libre-service ont dénoncé la tenue d’un vote uniquement en « présentiel », alors que les jeunes qui constituent l’essentiel de leur clientèle participent peu à ces exercices.

David Belliard, l’élu responsable du dossier à l’hôtel de ville de Paris, n’a pas voulu accorder d’entrevue à La Presse sur le sujet.

Lime, Dott et Tier – les trois exploitants actuellement présents à Paris – ont déploré la mort annoncée d’un moyen de transport écologique utilisé par 40 000 personnes à Paris.

« La déception est immense, pour les équipes, les usagers et nos proches qui nous soutiennent depuis le début, a indiqué Nicolas Gorse, patron de Dott, sur les réseaux sociaux. C’est aussi un pas en arrière pour Paris dans la transition vers les mobilités décarbonées. »

Les entreprises n’ont pas répondu à la demande d’entrevue de La Presse.

Ina Richard aussi est déçue. Elle arrive rue Bleue pour garer sa trottinette avant de continuer son chemin. « Je suis une utilisatrice fréquente », explique-t-elle, disant alterner entre trottinettes et vélos en libre-service. Elle n’a pas pu voter au référendum : « Ce n’était que pour les gens qui habitent sur Paris. Moi j’habite en banlieue. »

« Après, je peux comprendre aussi : les gens à trottinette font un peu n’importe quoi. J’ai aussi une voiture, et quand je viens sur Paris, les trottinettes et les vélos, c’est chiant », a-t-elle laissé tomber. « Ils ne font pas attention, ils passent et ne regardent pas. »

Lisez « Les trottinettes électriques n’ont pas dit leur dernier mot au Québec »