(Québec) Le front commun syndical lance un avertissement au gouvernement Legault : il est hors de question d’accepter une entente comme celle conclue entre Ottawa et ses fonctionnaires lundi. Les hausses salariales doivent être plus importantes pour les employés de l’État québécois, sinon, et le mot est prononcé pour la première fois, une grève sera envisagée à l’automne.

C’est ce qu’ont déclaré les leaders de la FTQ, de la CSN, de la CSQ et de l’APTS en entrevue avec La Presse lundi. Ils représentent plus de 400 000 employés de l’État qui renégocient leurs conventions collectives échues depuis le 31 mars. Parmi eux, la présidente de la FTQ, Magali Picard, et son homologue de la CSQ, Éric Gingras, s’entretiendront avec le premier ministre François Legault mardi, une rencontre avec les chefs syndicaux qui se fait chaque année dans le cadre de la fête des travailleurs du 1er mai.

Pour Magali Picard, le message au premier ministre sera clair : « Ça prend un investissement majeur », et même « massif » en vue d’augmenter les salaires dans le secteur public. Or, son offre est loin du compte. « Il faut un signal fort s’il veut garder ses employés actuels et redevenir un employeur de choix qui va attirer la relève », a-t-elle ajouté, rappelant qu’une pénurie frappe les réseaux de la santé et de l’éducation. Les salaires sont à ses yeux « l’enjeu numéro un » des présents pourparlers.

« Cette négociation est déterminante pour ramener des conditions de travail qui vont permettre de maintenir nos services publics », a dit de son côté François Enault, vice-président de la CSN (dont la présidente Caroline Senneville sera de la rencontre avec M. Legault).

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François Enault, vice-président de la CSN

Avant, la population disait qu’on est des gras durs et ci et ça, mais ce coup-ci, je pense que la population est derrière nous.

François Enault, vice-président de la CSN

On l’a vu lors de la grève dans des CPE il y a deux ans selon lui, alors que les travailleuses ont « obtenu l’appui des parents » et « gagné leur bataille ».

Un débrayage dans le secteur public sera d’ailleurs « définitivement à l’ordre du jour si les négociations n’avancent pas », a-t-il prévenu.

Tournée de consultations

Les syndicats entament une tournée de consultation de leurs membres pour obtenir un mandat afin d’« intensifier les moyens de pression » et d’avoir leur avis « sur une préparation à une grève éventuelle ». Pour le moment, « ce n’est pas un mandat de grève qu’on va chercher, mais c’est clair que si ça n’avance pas, on va être en réflexion là-dessus cet automne », a ajouté M. Enault.

Selon Magali Picard, « ce serait extrêmement choquant que ce gouvernement laisse partir ses employés en grève après tout ce qui s’est passé avec la pandémie. Il faut qu’il soit sérieux et arrive à la table avec des offres raisonnables ».

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Magali Picard, présidente de la FTQ

L’entrevue a eu lieu quelques heures après l’annonce d’une entente entre Ottawa et 120 000 fonctionnaires qui étaient en grève. Ils ont obtenu des hausses salariales de 12,6 % en quatre ans, donc un peu plus de 3 % par année.

C’est unanime chez les leaders du front commun : de telles augmentations salariales seraient insuffisantes au gouvernement du Québec. « Quand on regarde la rémunération globale, les employés du secteur public québécois se comparent de façon désavantageuse aux autres catégories, que ce soit du fédéral ou du privé », a plaidé Éric Gingras, rappelant les récentes conclusions d’une étude de l’Institut de la statistique du Québec(1).

Il a ajouté que l’offre actuelle du gouvernement Legault ne permet ni de couvrir la hausse du coût de la vie ni d’entamer un « rattrapage salarial ».

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Éric Gingras, président de la CSQ

Le fossé est gigantesque entre les parties. C’est du simple au double.

Le front commun relève que l’argument classique du gouvernement pour offrir moins en salaires, la sécurité d’emploi, perd de son importance en période de pénurie et de plein emploi.

Les leaders déplorent le rythme des négociations alors que l’« on a passé plus de temps sur la forme que sur le fond » depuis le début. Le gouvernement a finalement abandonné l’idée d’imposer des « forums de discussion », en dehors des tables traditionnelles de négociation, pour aborder des enjeux de son choix.

Néanmoins, il se borne toujours à ne vouloir discuter que de ses propres priorités aux tables de négociation, selon le front commun. « La pression monte chez nos membres parce qu’on n’est pas capables de placer nos demandes », a déploré le président de l’APTS, Robert Comeau. C’est le cas de demandes visant à s’attaquer à la surcharge de travail dans certains milieux comme les centres jeunesse.

Offre du gouvernement

  • Hausses salariales de 9 % en cinq ans (3 % pour 2023, puis 1,5 % par an)
  • 2,5 % sur la même période pour bonifier les conditions de travail de quelques catégories de travailleurs
  • Un montant forfaitaire de 1000 $ la première année

Demandes du front commun

  • Indice des prix à la consommation (IPC) + 2 % d’augmentation pour 2023
  • IPC + 3 % pour 2024
  • IPC + 4 % pour 2025

Note : les demandes syndicales représentent des hausses salariales totales d’environ 21 % si l’on tient compte de l’IPC enregistré lors de la dernière année et les prévisions inscrites dans le budget du gouvernement pour 2023 et 2024.

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