Les employeurs doivent éviter de reproduire les inégalités entre parents adoptifs et parents biologiques que le gouvernement du Québec a lui-même éliminées dans les congés parentaux, plaident 17 signataires d’une lettre envoyée à La Presse.

La lettre est notamment signée par un médecin, des professeurs de droit ou de service social et d’ex-membres de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse.

En 2019, le ministre du Travail, Jean Boulet, a annoncé que le congé parental devrait dorénavant compter le même nombre de semaines pour tous les parents du Québec, qu’ils soient biologiques ou adoptifs.

« Bien que la loi trace maintenant la voie à suivre dans l’attribution des congés parentaux, plusieurs conventions collectives maintiennent, voire réitèrent, un traitement inégal des familles et des enfants », dénoncent les 17 signataires.

Les enfants adoptés « présentent, pour la plupart d’entre eux, des retards de développement, des syndromes post-traumatiques, des défis d’attachement ou divers problèmes de santé physique […] rendant leur prise en charge particulièrement exigeante et complexe », plaident les auteurs de la lettre.

Carmen Lavallée, professeure de droit à l’Université de Sherbrooke, donne l’exemple de l’entente de principe intervenue entre l’Université de Sherbrooke et ses professeurs. Selon sa compréhension, « les parents biologiques auront droit ensemble à 36 semaines pendant lesquelles ils recevront 100 % de leur salaire, alors que les parents adoptifs auront droit, eux, à 20 semaines de congé. On impose donc aux parents un fardeau financier représentant presque le double de celui des parents biologiques ».

« Effets biologiques de l’accouchement »

En entrevue, Finn Makela, vice-président du Syndicat des professeures et professeurs de l’Université de Sherbrooke, indique que l’intention du syndicat n’est certainement pas de faire de la discrimination, mais d’éliminer celle qui faisait en sorte jusqu’ici que les pères biologiques étaient défavorisés par rapport aux pères adoptifs.

Selon l’entente de principe, dit-il, la femme qui accouche recevra 100 % de son salaire pendant 26 semaines ; celle qui adopte aura son plein salaire pendant 10 semaines et pour les sept qui suivront, elle recevra entre 80 % et 85 % de son revenu (les prestations de base du régime québécois d’assurance parentale assorties d’une bonification versée par l’employeur).

Cela s’explique par « les effets biologiques de l’accouchement », dit Finn Makela.

Il ajoute que si des membres s’estiment lésés, la question sera analysée, comme elle l’a été pour un dossier de gestation pour autrui qui n’avait pas été prévu comme cas de figure possible dans la convention collective.

Avec la multiplication des modèles familiaux, souligne-t-il, « il est plus difficile de tout prévoir ».

Au nom de l’Université de Sherbrooke, Patrik Doucet, vice-recteur aux ressources humaines et vice-recteur à la transformation numérique, assure lui aussi que « si certains “effets de clauses dûment négociées” posaient problème », il sera possible de « traiter ces effets, par exemple en convenant d’une lettre d’entente ou en modifiant de telles clauses lors du renouvellement d’une convention collective ».

Dominique Goubau, signataire de la lettre et professeur de droit à l’Université Laval, souligne que la filiation et donc les liens de parenté « participent de l’état civil des personnes et, à ce titre, sont un motif prohibé de discrimination au sens des chartes ».

Sans se prononcer sur un cas en particulier, Stéphanie Fournier, avocate à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, souligne que de façon générale, il faut bien distinguer le congé de maternité du congé parental. Pour le congé de maternité, ce sont de « 15 à 20 semaines qui sont reconnues spécifiquement pour la mère » par les tribunaux, pour qu’elle se remette de la grossesse et de l’accouchement. Pour le congé parental, « il ne devrait pas y avoir de distinction entre les parents biologiques et adoptifs », explique MFournier.