Québec défend l’importante subvention allouée à l’Alliance forêt boréale, affirmant qu’elle répond entièrement à ses critères de financement.

L’organisation privée constituée d’élus municipaux défend des positions favorables à l’industrie forestière avec des fonds publics qu’elle gère derrière des portes closes, montrait une enquête de La Presse, mardi ; elle a notamment embauché des lobbyistes pour faire pression sur Québec et Ottawa et nolisé un avion pour faire participer des maires de l’Ontario à une manifestation au Lac-Saint-Jean.

La subvention de 202 500 $, répartie sur les années 2020, 2021 et 2022, a été versée par le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH), qui est ainsi le principal bailleur de fonds de l’organisation.

La demande de financement de l’organisation correspondait en tous points aux critères du Fonds d’appui au rayonnement des régions, qui a pour objectif de répondre aux « priorités régionales », a expliqué à La Presse Dominique Dufour, directeur régional du Saguenay–Lac-Saint-Jean au MAMH.

Ces priorités sont définies par les élus des régions concernées, a précisé M. Dufour.

Les élus siégeant aussi au conseil d’administration de l’Alliance forêt boréale ont donc directement élaboré les critères en vertu desquels l’organisation a pu obtenir ce financement.

Le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, n’a pas souhaité faire de commentaire, mardi.

La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, n’a quant à elle pas indiqué quelle influence l’Alliance forêt boréale pouvait avoir sur son ministère.

« Comme toutes les autres organisations qui font du lobbyisme, l’Alliance forêt boréale doit respecter le cadre applicable en la matière », a simplement répondu son attachée de presse, Flore Bouchon.

L’Alliance forêt boréale persiste et signe

La proximité de l’industrie forestière et de l’Alliance forêt boréale est une « normalité », a défendu mardi le président de l’organisation et préfet de la municipalité régionale de comté (MRC) du Domaine-du-Roy, Yanick Baillargeon, dans une entrevue à la radio de Radio-Canada de Saguenay.

Il s’est aussi défendu de ne pas consulter « les environnementalistes et les écologistes », affirmant avoir invité l’entreprise forestière Boisaco, qu’il juge exemplaire en matière de développement durable, à faire une présentation au « Rendez-vous des communautés forestières », qui se tiendra jeudi à Forestville, sur la Côte-Nord.

Le professeur de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) Claude Villeneuve doit aussi y faire une présentation, souligne M. Baillargeon, qui affirme en outre avoir « discuté » avec le chercheur de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) Martin-Hugues St-Laurent, un expert du caribou.

Ce dernier a qualifié de « récupération » l’affirmation de Yanick Baillargeon.

« C’est moi qui ai sollicité une rencontre », a-t-il précisé à La Presse, expliquant communiquer systématiquement avec l’organisation, comme d’autres, quand des affirmations erronées sur le caribou sont faites, afin d’offrir des explications.

Dès qu’ils posaient une question, je leur sortais un article scientifique. Ça les a refroidis pas mal, j’ai déboulonné plusieurs de leurs arguments.

Martin-Hugues St-Laurent, Université du Québec à Rimouski

Le président de l’Alliance forêt boréale a par ailleurs à nouveau affirmé qu’il manque d’informations sur la situation du caribou forestier, soutenant notamment qu’« il n’y a aucune étude en ce moment qui est faite sur les impacts du changement climatique sur l’espèce directement ».

Cet énoncé est « faux », rétorque Martin-Hugues St-Laurent, qui dit justement avoir présenté des articles scientifiques sur cette question lors de sa rencontre avec l’Alliance forêt boréale.

Yanick Baillargeon a aussi critiqué la qualité des inventaires des hardes de caribous effectués par Québec.

Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, n’a pas voulu répondre à ces propos.

« Nous n’aurons pas de réaction sur le sujet pour le moment », a indiqué son attachée de presse, Mélina Jalbert.

En savoir plus
  • 17 772 $
    coût du nolisement d’un avion pour l’Alliance forêt boréale en 2016, payé par la MRC de Maria-Chapdelaine
    Source : municipalité régionale de comté (MRC) de Maria-Chapdelaine