Plus de 50 000 conducteurs ont reçu un constat d’infraction ces dernières années pour avoir roulé trop vite autour d’écoles surveillées par des radars photo mobiles. Saluant leur multiplication, Piétons Québec s’inquiète toutefois d’une certaine « normalisation des excès de vitesse » en zone scolaire.

Depuis 2016, au moins 44 écoles ont fait l’objet d’une surveillance par un radar photo mobile au Québec, selon les données du ministère de la Justice. Ces appareils ont émis pas moins de 51 650 constats d’infraction, pour un total de 9,4 millions en amendes.

La répression autour des écoles s’est intensifiée récemment. À preuve, deux fois plus de constats d’infraction ont été remis en 2022 que les années précédentes, soit à un rythme d’environ 46 par jour.

Une école particulièrement problématique

Un établissement primaire de Montréal sort particulièrement du lot : l’école Christ-Roi, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville. Le quart des constats émis par des radars mobiles en zone scolaire a été distribué à ce seul endroit.

Le débit de circulation autour de l’école Christ-Roi est très élevé. L’établissement primaire se trouve enclavé entre deux axes majeurs, soit les rues Berri et Lajeunesse. Dans les environs, la présence du radar mobile tenu par un policier du SPVM, à raison de deux ou trois jours par semaine, est la bienvenue.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le quart des constats émis par des radars mobiles en zone scolaire a été distribué à l’école Christ-Roi, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville.

« Ce radar est monté sur un gros camion blanc, et quand il est là, les automobilistes le savent et ralentissent, dit Garfield, le brigadier qui travaille à l’angle de Berri et de Louvain. Les automobilistes qui font des excès de vitesse sont ceux qui ne passent pas souvent. »

Le brigadier remarque toutefois que des automobilistes s’empressent d’adopter des comportements dangereux les jours où le radar mobile est absent.

Ils voient que le radar n’est pas là, alors ils accélèrent à 50 ou 60 km/h dans une zone scolaire de 30 km/h. C’est fou. C’est une école primaire ici, il y a des petits enfants. Mais certaines personnes s’en fichent complètement.

Garfield, brigadier qui travaille à l’angle des rues Berri et de Louvain

Environ deux fois par jour, le brigadier dit voir des automobilistes griller le feu rouge à son intersection. « Le problème, c’est qu’un enfant peut commencer à traverser parce qu’il est dans son droit. C’est pour cette raison que je dois être très vigilant et surtout dire aux enfants de ne jamais courir. »

Au coin de rue voisin, à l’angle de Louvain et de Lajeunesse, le brigadier César, qui y travaille depuis sept ans, porte au cou une caméra de style Go Pro afin de filmer son intersection. « C’est pour la sécurité de tout le monde. Si jamais il devait y avoir un accident, on pourrait avoir des preuves. »

L’ajout de la piste cyclable du REV le long de Lajeunesse il y a quelques années a réduit l’espace alloué aux conducteurs de véhicules motorisés sur la voie publique, ce qui a eu pour effet de sécuriser l’endroit, remarque-t-il. « Depuis qu’ils ont mis la piste cyclable, c’est mieux. Ça aide. »

« Normalisation » dangereuse

Pour Sandrine Cabana-Degani, directrice de Piétons Québec, la situation démontre qu’il faut rapidement « multiplier » les radars photo au Québec. « Ces chiffres illustrent que la vitesse n’est pas respectée aux abords des écoles. Il y a encore une normalisation des excès de vitesse dans les zones scolaires », dit-elle.

La majorité des 44 écoles ayant reçu la visite de radars mobiles se trouvent à Gatineau (23) et à Montréal (8). Quatre écoles de Québec ont fait l’objet d’une telle surveillance à un moment, mais ces opérations datent de 2016. En effet, les documents du ministère de la Justice ne relèvent aucun constat émis par un radar mobile autour d’une école de la capitale depuis plus de cinq ans.

Pourtant, le problème de vitesse semble aussi répandu à Québec. Lorsqu’un radar mobile a été installé en juin 2016 devant l’école Cœur-Vaillant-Campanile (maintenant l’école du Campanile), dans le secteur de Sainte-Foy, pas moins de 1505 constats avaient été remis en six mois.

« S’il y avait plus de radars autour des écoles, ça lancerait le message qu’on met fin à l’impunité, qu’on doit respecter les vitesses. Tout ça contribuerait à intégrer un changement de culture », poursuit la gestionnaire.

C’est tellement majeur, autant de contraventions. Ça prendrait un policier à temps plein à chaque école pour arriver aux mêmes chiffres.

Sandrine Cabana-Degani, de Piétons Québec

Mais les radars photo seuls ne peuvent endiguer le problème de vitesse. « Le radar, ça reste une mesure parmi d’autres. Aux abords de l’école Christ-Roi, par exemple, ce sont beaucoup des artères passantes qui bordent l’école. Ça doit être combiné avec des aménagements durables qui vont favoriser une diminution de la vitesse », insiste-t-elle.

Le débat sur les radars photo mobiles a refait surface depuis la mort de la petite Mariia Legenkovska, tuée en décembre dernier dans un délit de fuite alors qu’elle se rendait à l’école. Les données du ministère de la Justice permettent d’ailleurs de constater que son école, Jean-Baptiste-Meilleur, située tout près du pont Jacques-Cartier, n’a jamais reçu la visite d’un radar photo mobile.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La majorité des 44 écoles ayant reçu la visite de radars mobiles se trouvent à Gatineau (23) et à Montréal (8).

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on avance que ces statistiques sont « préoccupantes ». « Les quartiers résidentiels, ce sont des milieux de vie, pas des raccourcis. […] Ça témoigne du besoin d’accélérer la cadence en termes de sécurisation et de multiplier les mesures si l’on souhaite voir un changement de comportement », affirme l’attaché de presse Ibsen Pepperall Gutiérrez.

« C’est pour ça qu’on va continuer à élargir nos trottoirs, à sécuriser nos pistes cyclables, à ajouter des feux piétonniers, des dos d’âne, etc. », ajoute-t-il.

Appelée à réagir, la ministre des Transports Geneviève Guilbault réitère que le gouvernement travaille « à la réalisation d’un plan de sécurité routière » qui « s’attaquera au problème sur plusieurs fronts ». Son attaché de presse, Louis-Julien Dufresne, assure que « les radars photo seront une des solutions mises de l’avant par ce plan ».

Avec Pierre-André Normandin, La Presse

En savoir plus
  • 36
    En 2022, pas moins de 36 piétons sont morts sur le territoire de la Sûreté du Québec des suites d’une collision, une hausse de 20 % en seulement un an. Depuis 2017, la moyenne était de moins de 26 par année.
    Source : sûreté du Québec
    9
    Dans les rues de Montréal seulement, pas moins de neuf piétons sont morts dans une collision avec un véhicule entre octobre et décembre derniers, presque autant que pendant toute l’année précédente.
    Source : SPVM