(Québec) L’ancienne figure de proue de l’opposition à l’hôtel de ville de Québec et ex-adversaire acharné de Régis Labeaume et de son projet de tramway, Jean-François Gosselin, n’écarte pas l’idée de se présenter dans l’équipe de Bruno Marchand aux prochaines élections municipales s’il y avait ouverture du maire.

« La porte n’est pas fermée en 2025 […]. Évidemment, on aurait à discuter. Je ne présume pas non plus de leur volonté à m’avoir dans leur équipe », a indiqué Jean-François Gosselin dans une entrevue sollicitée par La Presse.

Le conseiller municipal de 47 ans dit ne pas avoir décidé encore s’il se représentera aux prochaines élections. Il est toutefois hors de question pour lui de se présenter pour la troisième fois à la mairie, ou encore de le faire comme indépendant. S’il se lance, ce sera dans une équipe.

« C’est certain que la porte n’est pas fermée. On a appris à se connaître depuis un an et demi. J’ai une bonne relation avec le maire, son chef de cabinet et ses conseillers », ajoute M. Gosselin.

Le passage de M. Gosselin dans un parti pro-tramway qui défend les transports actifs serait tout un revirement. Il ne s’agirait pas de la première onde de choc à survenir à l’hôtel de ville de Québec depuis l’élection de Bruno Marchand en novembre 2021.

L’ancien parti de Régis Labeaume a été renommé Québec d’abord, est devenu l’opposition officielle et cherche encore à se démarquer sous l’égide de son chef, Claude Villeneuve.

Québec 21, l’ancienne opposition officielle sous Régis Labeaume, a implosé dans des tensions internes. M. Gosselin et une conseillère ont claqué la porte. Le parti a été renommé Équipe priorité Québec (EPQ) et maintient son opposition au projet de tramway.

Jean-François Gosselin siège depuis comme conseiller indépendant. Bruno Marchand l’a nommé dans son comité exécutif, responsable des loisirs et du sport. Dans une récente reconfiguration des sièges au conseil municipal, le conseiller a déménagé du côté du parti au pouvoir, Québec forte et fière (QFF). L’image est forte.

QFF serait-il disposé à accueillir M. Gosselin dans ses rangs ? La Presse a tendu une perche à l’attaché de presse du maire lundi après-midi, mais M. Marchand étant en mission en Europe, il était trop tard pour recueillir un commentaire.

Un homme en évolution

En entrevue, M. Gosselin ne tarit pas d’éloges envers le maire. Il parle de « grand leadership », indique qu’il se sent « respecté » même s’ils ne sont pas toujours d’accord.

J’ai essayé de le convaincre [Bruno Marchand] après l’élection de laisser tomber le tramway, je me suis essayé à plusieurs occasions.

Jean-François Gosselin, conseiller indépendant à l’Hôtel de Ville de Québec

« C’était une discussion ouverte. Et à un moment, il a dit : ‟c’est ma décision, tu as le droit de ne pas être d’accord, mais moi, je vais là”. Je respecte ça. C’est clair. Il ne m’a jamais fait sentir comme un imbécile ou comme un moins que rien parce que je ne pensais pas comme lui. »

Le ton de l’administration a changé du tout au tout depuis l’ère Labeaume, croit Jean-François Gosselin. Mais les changements à la mairie n’expliquent pas tout. L’élu aussi change. « J’ai évolué, je pense que c’est le bon mot », dit celui qui avait déjà accusé la Ville de Québec de faire une « guerre à l’auto ».

« Quand je me suis présenté en 2017, je n’avais pas de projet vraiment clair de transports en commun. En 2021, je suis arrivé avec un projet de métro léger, alors ça témoigne d’une évolution dans ma pensée », dit celui qui cite aussi son appui au vélopartage, aux rues partagées, etc.

Passer du côté du tramway ?

Jean-François Gosselin a aussi nuancé son appui au troisième lien. Il défend aujourd’hui une position prudente très similaire à celle de Bruno Marchand : attendons de voir le projet avant d’en juger.

Quant au tramway, cet indéfectible opposant croit que l’heure est venue de passer à une approche plus constructive.

« Présentement, j’ai une grande réflexion et elle va se poursuivre », dit-il. En somme, il constate que les électeurs de Québec ont élu un maire en faveur du tramway. Tous les partis provinciaux, et tous les partis fédéraux – « même les conservateurs » – appuient le projet.

Je ne suis pas en faveur du projet [de tramway]. Mais une fois que le projet est sur les rails, en tant que citoyen de Québec, j’espère que ça va marcher, j’espère que j’aurai eu tort d’avoir dit que ce n’était pas le bon projet.

Jean-François Gosselin, conseiller indépendant à l’Hôtel de Ville de Québec

« Les gens ne nous ont pas élus [à la mairie]. À partir de là, il faut passer à autre chose. C’est ce que je suis en train de faire. Là, je regarde le projet sous un autre angle. Je vais arriver à un point où je vais me dire : là, faut que ça marche. »

Il se voit donc changer d’approche et travailler pour que les « citoyens du nord de Beauport en aient pour leur argent là-dedans ».

Philippe Dubois, professeur adjoint de communication publique à l’École nationale d’administration publique (ENAP), estime que le passage hypothétique de M. Gosselin chez le parti du maire pourrait être un scénario gagnant-gagnant.

« Un des avantages pour M. Marchand, c’est qu’il se retrouverait probablement avec un élu dans Beauport, dans le fond de Beauport. Ça peut être positif pour le maire Marchand d’avoir un élu dans cette partie-là de la ville », estime Philippe Dubois.

« De l’autre côté, Beauport s’est souvent senti délaissé dans l’évolution de la Ville. Donc ça pourrait être intéressant aussi pour les gens de Beauport d’avoir quelqu’un dans le parti au pouvoir. »