Avec la hausse de la violence armée, l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal fait face à un nouvel enjeu de sécurité : des patients blessés par balle sont parfois admis avec des armes à feu en leur possession. Tous les usagers doivent désormais se soumettre à une inspection de leur sac et de leur manteau à l’entrée des urgences.

Spécialisé en traumatologie, l’hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal joue un rôle crucial dans la prise en charge des patients blessés par balle, qui a monté en flèche ces dernières années. Le nombre d’hospitalisations pour blessures par arme à feu est passé de 10 en 2017-2018 à 27 en 2021-2022.

L’équipe de traumatologie de l’hôpital est au cœur de l’action. Le temps est compté pour sauver la vie de ces jeunes victimes qui ne collaborent pas toujours, tel que l’a rapporté La Presse dans un reportage immersif au printemps dernier1. Le personnel va parfois jusqu’à mettre en jeu sa propre sécurité pour offrir des soins.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Mélanie Charbonneau, adjointe à la présidente-directrice générale adjointe par intérim au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal

« Lorsqu’on soigne une personne blessée [par arme à feu], les chances sont plus grandes que le patient et les visiteurs disposent d’armes sur eux également », explique Mélanie Charbonneau, adjointe à la présidente-directrice générale adjointe par intérim au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal.

Le service de sécurité de l’hôpital a procédé à la saisie de deux armes à feu en octobre 2021. Ces armes ont été trouvées par hasard dans les effets personnels d’un patient lors de son admission à l’hôpital. L’équipe est également intervenue dans plusieurs évènements liés à des usagers ou à des visiteurs armés.

Une centaine d’objets dangereux

Depuis décembre, des agents de sécurité procèdent systématiquement à une vérification des effets personnels des patients et des visiteurs. Ce projet-pilote, d’abord instauré à l’hôpital Jean-Talon pendant deux semaines à l’automne, a pour but d’améliorer la sécurité du personnel, des usagers et des visiteurs du centre hospitalier.

Les objets non sécuritaires ou interdits à l’hôpital, tels que des canifs de type couteau suisse, des couteaux rétractables ou des bouteilles d’alcool, sont déposés dans des casiers. Les usagers les récupèrent ensuite à leur sortie.

Entre le 12 décembre 2022 et le 22 janvier 2023, 183 objets dangereux ont été découverts, ce qui représente une moyenne de 5 objets dangereux par jour. Aucun objet illégal, comme une arme à feu, n’a toutefois été saisi.

Lundi dernier, au passage de La Presse, les patients étaient nombreux à affluer devant les intervenants en sécurité. À peine entrée dans l’urgence, Josefina Hernandez dépose ses sacs sur la table devant l’intervenant en sécurité, Carl Brabant. « Ça ne me dérange pas qu’il regarde. Quand tu n’as rien à cacher, il n’y a pas de problème », dit en souriant la dame qui vient depuis une semaine visiter son conjoint hospitalisé aux urgences.

Quelques minutes plus tard, M. Brabant interroge un patient, Jean-Yves Simard, sur le contenu de ses poches. L’homme en sort un petit canif. « Par mesure préventive, on va devoir le mettre dans un casier », lui explique l’intervenant. « Pas de problème. Je traîne toujours mon couteau suisse, parce qu’il y a plein d’outils dessus », lance M. Simard.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’intervenant en sécurité Carl Brabant entrepose dans un casier le petit canif du patient Jean-Yves Simard.

Le projet-pilote est bien accueilli, note M. Brabant. « En général, les gens collaborent », dit-il. Dans le cas où un usager ne souhaite pas se soumettre à l’inspection visuelle, le sac et le manteau sont laissés dans le casier, puis récupérés à la sortie.

Mélanie Charbonneau, du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, est consciente qu’il faudra tout de même un temps d’adaptation.

On est habitués à l’aéroport de se faire fouiller. Il y a des contextes particuliers où ça fait partie de la culture. C’est la première fois qu’on mettait ça en place dans un de nos centres hospitaliers.

Mélanie Charbonneau, adjointe à la présidente-directrice générale adjointe par intérim au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal

Le sentiment de sécurité affecté

La hausse de la violence armée dans le Grand Montréal « a affecté le sentiment de sécurité des employés », a indiqué Mme Charbonneau. Ce sentiment d’insécurité au sein du personnel augmente la difficulté de rétention et les congés de maladie, selon elle.

La mise en place de la vérification a toutefois réussi à rassurer quelques-uns d’entre eux. Le sentiment de sécurité du personnel de l’urgence est ainsi passé d’une moyenne de 5,25 sur une échelle de 10 avant l’implantation du projet pilote à 7,34 après son implantation, a révélé un questionnaire rempli par une trentaine de membres du personnel de l’urgence. Par ailleurs, plus de 80 % des employés se sont dits en faveur du maintien des vérifications.

Le CIUSSS a déposé en février des demandes de financement au gouvernement du Québec pour pouvoir maintenir le projet de façon permanente aux hôpitaux du Sacré-Cœur, Fleury et Jean-Talon. Il est toujours en attente d’une réponse.

1. Lisez le dossier « Des médecins parmi les balles »