Devant les ratés qui perdurent, Québec continue d’ajouter de nouvelles mesures pour juguler la crise à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), permettant par exemple aux camionneurs de « régulariser leur situation » jusqu’au 12 juin. Le ministre Éric Caire, lui, ne ferme pas la porte à une commission parlementaire, avouant qu’il aurait été possible de faire mieux.

« J’ai signé un arrêté ministériel qui va faire en sorte qu’eux aussi vont avoir 90 jours de plus. […] Les camionneurs vont avoir jusqu’au 12 juin pour régulariser leur situation. Aucun d’entre eux ne va écoper de conséquence du fait qu’on peut avoir certains ralentissements dans divers centres de service », a assuré la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en conférence de presse lundi au Carrefour Langelier.

Pour des milliers de camionneurs québécois, le régime de l’International Registration Plan (IRP) arrivait à échéance le 31 mars, et l’industrie craignait des ralentissements de leurs activités en raison de la situation.

Québec avait déjà, vendredi dernier, annoncé une suspension pour une durée de 90 jours de la saisie d’un véhicule à laquelle s’expose normalement un conducteur n’ayant pas renouvelé son permis de conduire. L’exception faite à la règle concernera les usagers dont le permis n’a pas été renouvelé entre le 25 janvier et le 9 mars. Pour les camionneurs, le décret couvrira tout le monde, sans exception.

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Geneviève Guilbault, ministre des Transports

Depuis lundi, d’ailleurs, les citoyens peuvent créer leur compte au Service d’authentification gouvernemental (SAG) directement dans une succursale de la SAAQ, en obtenant de l’aide sur place. Environ 150 employés supplémentaires ont été envoyés en renfort dans sept centres de service où il sera possible de le faire, soit ceux du Carrefour Langelier à Montréal, mais aussi à Gatineau, Laval, Longueuil, Lebourgneuf, Drummondville et Saguenay. D’autres points de service pourraient ensuite s’ajouter.

Le gouvernement publiera aussi dès mardi les temps d’attente moyens des centres de service les plus achalandés sur le site de la SAAQ. « Je veux que les gens arrêtent d’être stressés, et aussi on veut mieux répartir l’achalandage. Nous, on va prendre un rythme ici, et à un moment donné, on va revenir à la normale », a soutenu Mme Guilbault.

Commission parlementaire

Le ministre de la Cybersécurité et du Numérique, Éric Caire, a quant à lui ouvert la porte lundi à témoigner en commission parlementaire pour discuter de la crise, tel que le réclame le Parti libéral de Marc Tanguay depuis plusieurs jours.

« Ce n’est pas moi qui réponds de ce que les commissions parlementaires vont faire. Elles sont souveraines, elles prennent leurs décisions. Mais si la Commission décide de se saisir du mandat d’initiative, je répondrai très certainement à cette convocation-là », a-t-il répondu à ce sujet.

Du même souffle, M. Caire a toutefois fait valoir que « l’opposition a les interpellations, la période de questions et le débat de fin de séance pour que les ministres rendent des comptes ». « L’opposition ne manque pas d’outils », a-t-il dit.

Le Parti québécois, de son côté, compte déposer une motion mardi à l’Assemblée nationale pour mandater la Commission de l’administration publique (CAP) d’entendre « dans les plus brefs délais » les ministres Caire et Guilbault, ainsi que la haute direction de la SAAQ et du ministère de la Cybersécurité et du Numérique, « pour qu’ils exposent les faits ayant mené à ce dysfonctionnement ».

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Achalandage dans la succursale de la SAAQ du boulevard Henri-Bourassa, à Montréal, vendredi dernier

« Il faut un certain nombre d’enseignements, de conclusions sur les meilleures pratiques à mettre en place. Si le SAG a bien fonctionné, comme le dit M. Caire, alors dites-nous comment on va procéder pour des transitions dans des ministères encore plus imposants, par exemple dans le domaine de la santé », a expliqué à La Presse le péquiste Joël Arseneau, qui déposera la motion à l’Assemblée nationale.

Éric Caire admet des torts

Après Geneviève Guilbault la semaine dernière, le ministre Caire admet toutefois des torts à son tour. « Est-ce qu’on a suffisamment communiqué, est-ce qu’on a suffisamment informé la population ? La réponse à cette question est non, clairement pas. Est-ce qu’on aurait pu faire mieux ? Absolument », a-t-il reconnu, soutenant toutefois que la situation s’améliore et que les systèmes se portent « de mieux en mieux ».

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Éric Caire, ministre de la Cybersécurité et du Numérique

Éric Caire s’en est aussi pris au Bureau parlementaire du Journal de Montréal, qui rapportait la semaine dernière en citant des sources au fait du dossier que dès l’été dernier, son ministère était « au courant qu’aucun plan tangible de communication avec la SAAQ n’avait été établi ». « Le Bureau parlementaire se trompe et j’ai des documents qui prouvent qu’effectivement, dès le mois de juin, la SAAQ nous disait que tout était au vert, que les dépenses étaient en deçà de ce qui était budgété et qu’ils étaient confiants de livrer le système le 3 janvier », a-t-il rétorqué.

Pendant ce temps, le ministère de la Justice a invité lundi les automobilistes qui auraient « injustement » reçu une contravention pour non-paiement de leurs droits de renouvellement de permis ou d’immatriculation à « transmettre un plaidoyer de non-culpabilité » dès que possible.

« À la réception d’un plaidoyer de non-culpabilité, des vérifications auprès de la SAAQ seront effectuées pour savoir si les droits avaient effectivement été acquittés au moment de la délivrance du constat d’infraction ou si la personne bénéficiait d’un délai additionnel pour le faire. Le cas échéant, le constat d’infraction sera retiré », a assuré le Ministère à ce sujet.