L’indignation ne fait pas relâche à l’Université McGill. Les prix pratiqués dans les cafétérias du campus et l’obligation faite à des étudiants en résidence d’y dépenser plus de 4700 $ par an sont vivement dénoncés. Une pétition a déjà recueilli plus de 1700 noms, et une assemblée publique se tiendra mardi prochain.

« Il faut que l’Université accepte que la nourriture doit être accessible aux étudiants à un prix qui ne soit pas prohibitif », fait valoir l’un des organisateurs de Let’s Eat McGill, Liam Gaither, qui étudie le développement durable en géographie.

« Ce qui me semble le plus exagéré, ce sont les prix des aliments déjà emballés, par exemple les barres tendres, les collations, les boissons en canettes », témoigne Robert, un étudiant qui a demandé d’être identifié par son prénom seulement. Il a comparé avec les prix pratiqués en épicerie. « C’est plus d’un dollar de plus par barre, sur certaines barres tendres ! »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Une barre Good To Go coûte plus cher à la cafétéria de McGill qu’en supermarché.

Au Redpath Café, sur McTavish, le prix d’une barre Good To Go (4,39 $) ou Larabar (3,84 $), ou d’une boisson Mate Libre (4,27 $) est 42 % à 75 % plus cher qu’en supermarché (1,40 $, 1,65 $ et 1,28 $, respectivement), a constaté La Presse mercredi.

Je n’achète absolument rien aux cafétérias de McGill, je ne pourrais pas me le permettre.

Robert, étudiant à l’Université McGill

Résultat : quand il n’a pas le temps de se faire un lunch assez complet pour la journée, il doit retourner chez lui, en banlieue de Montréal. « Je préférerais étudier à la bibliothèque, mais ça m’oblige à rentrer chez moi pour manger. »

Forfait obligatoire

Let’s Eat McGill dénonce aussi le forfait repas obligatoire (mandatory meal plan) imposé à tous les étudiants de premier cycle habitant en résidence (à l’exception de la résidence Solin, des maisons MORE et du campus Macdonald). Ce forfait, qui fonctionne comme une carte de débit pour acheter de la nourriture sur le campus, coûte 4725 $ pour l’année 2022-2023.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Liam Gaither, organisateur de Let's Eat McGill

« On aimerait voir la fin du mandatory meal plan à cause du prix, qui est assez prohibitif, et parce qu’il est obligatoire, mais aussi une meilleure qualité : il faut pouvoir bien manger pour pouvoir étudier », dit M. Gaither.

McGill n’entend pas abolir ce forfait en vigueur « depuis des décennies », nous a répondu le directeur principal du logement étudiant et des services d’accueil. « Ce n’est pas dans l’intention, ce n’est pas dans notre modèle et ce n’est pas ce que les gens recherchent », a indiqué Mathieu Laperle, directeur des services alimentaires de l’Université McGill, en entrevue.

Nos résidences ne sont pas construites avec des cuisines où les étudiants peuvent cuisiner. Et il y a aussi le volet communautaire, très présent dans les universités et la culture anglophones.

Mathieu Laperle, directeur des services alimentaires de l’Université McGill

Le forfait obligatoire sera toutefois modifié l’automne prochain. Au lieu d’un solde qui diminue à chaque achat, il donnera un accès illimité aux cafétérias des résidences. « Il y aura un prix d’entrée, qui n’est pas encore déterminé, et les gens pourront payer pour manger comme ils le veulent. C’est vraiment la nouvelle tendance », note M. Laperle, en donnant l’exemple de l’Université d’Ottawa.

PHOTO FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ MCGILL

Mathieu Laperle, directeur des services alimentaires de l’Université McGill

Par ailleurs, « 50 % des produits qu’on sert sont récoltés ou transformés localement », et plusieurs aliments proviennent de la ferme du campus Macdonald, souligne le gestionnaire.

Quant aux prix, l’objectif est de couvrir les frais, dit-il en évoquant l’inflation, les marges « très basses » de la restauration et l’obligation d’offrir des heures de service « très étendues » sur le campus. « On est au centre-ville, les gens ont l’option d’aller sur la rue Sainte-Catherine », rappelle M. Laperle.

Au centre-ville, « les prix sont vraiment fous », objecte M. Gaither.

Est-ce que tu veux dépenser 15 $ dans une cafétéria de l’université ou 17 à 20 $ pour une salade sur Sainte-Catherine ? Le choix est illusoire.

Liam Gaither, organisateur de Let's Eat McGill

Les forfaits repas obligatoires ajoutés aux loyers des résidences ont été critiqués dans plusieurs universités nord-américaines, notamment à Concordia. En 2018, des étudiants de la University of Wisconsin–Madison avaient manifesté contre l’imposition d’une telle formule.

Insécurité alimentaire

L’assemblée du 7 mars, qui se tiendra dans une salle pouvant accueillir une centaine de personnes, portera sur l’insécurité alimentaire des étudiants. « On aimerait que plusieurs groupes de travail émergent », explique M. Gaither, qui a contribué à lancer un garde-manger communautaire lorsqu’il étudiait au collège Dawson.

La construction d’une cafétéria étudiante sur le campus, ainsi qu’une augmentation de la cotisation étudiante destinée à financer le collectif Midnight Kitchen, font partie des projets. Midnight Kitchen offre actuellement un repas du midi gratuit par semaine. Hausser la cotisation, de 3,35 $ actuellement, à 8,00 $ par session permettrait d’embaucher un autre chef et d’offrir des repas gratuits trois ou quatre jours par semaine, estime M. Gaither. « Là, on serait comparables à Concordia, avec son People’s Potato, ou à l’Université de la Colombie-Britannique, avec ses services de Sprouts. Nous sommes en arrière de toutes les autres universités en matière de services gratuits gérés par les étudiants », fait-il valoir.

Consultez le compte Instagram de Let’s Eat McGill (en anglais)