Devant des coûts trop élevés et des défis techniques imposants, la Ville de Laval met fin à son projet d’usine de biométhanisation qui faisait l’objet de discussions depuis des années. Dans un contexte inflationniste, l’infrastructure aurait coûté plus de 400 millions, estime le maire Stéphane Boyer, qui promet d’ici quelques mois une « nouvelle stratégie » pour traiter les matières.

La nouvelle a été annoncée aux élus lavallois mardi, en fin d’après-midi. C’est le comité exécutif de la Ville qui a toutefois officiellement entériné la décision. « On fait le constat aujourd’hui qu’il y a trop de risques financiers et techniques. Soyons clairs : on garde la même ambition de réduire nos GES, mais ça ne se fera pas par la biométhanisation, mais bien par une autre stratégie qu’on présentera dans les prochains mois », explique M. Boyer en entrevue à La Presse.

En 2019, à l’époque où un premier appel d’offres lancé pour construire l’usine n’avait attiré aucun soumissionnaire, le projet avait été évalué à 244 millions. Aujourd’hui, en raison de la forte inflation, des enjeux d’approvisionnement et de la surchauffe sur le marché de la construction partout dans le monde, « on est rendu au-delà de 400 millions », affirme le maire.

« Je veux qu’on soit pragmatiques et efficients avec l’argent des citoyens, explique-t-il. Je ne souhaite pas, au contraire, qu’on investisse 400 millions de taxes des citoyens dans un projet à haut risque. Il faut comprendre que depuis 2010, à l’époque où Québec donnait plusieurs subventions pour ça, plusieurs villes se sont essayées avec la biométhanisation. Mais dans presque tous les cas, il y avait des dépassements de coûts. Très peu de projets sont aujourd’hui des réussites », poursuit M. Boyer, en estimant que l’usine ne présentait tout simplement « pas un rapport coût-bénéfice favorable ».

Ce que les citoyens veulent, ce n’est pas nécessairement une usine de biométhanisation. C’est surtout une ville qui travaille fort pour réduire les GES.

Stéphane Boyer, maire de Laval

D’autres options à explorer

Malgré ce recul, la Ville de Laval maintient qu’il existe encore plusieurs autres « options moins dispendieuses ». « D’abord, il faut dire qu’on va maintenir le compostage des matières organiques, qui a un taux de valorisation enviable. Et on a assez de capacité de traitement à Laval, ce qui n’a pas toujours été le cas », affirme Isabelle Deguire, du Service de l’environnement de la Ville.

À ce jour, le taux de valorisation des matières est de 65 % pour les bacs bruns à Laval, en date de 2022. La cible à cet effet était d’atteindre 60 % en 2025, selon la Stratégie lavalloise de gestion des matières résiduelles (SLGMR).

Mais ce ne sera pas tout, insiste Mme Deguire. « D’autre part, on va par exemple regarder au niveau de l’épandage en zone agricole, en restauration de sites dégradés ou encore voir si on peut envoyer dans des centres de traitement plutôt que d’enfouir », poursuit l’experte.

Le principal défi derrière une usine de biométhanisation, selon elle, demeure la « codigestion des matières » que sont les résidus de table, les résidus de terre et les boues des usines d’épuration. « Mélanger ces différents types de matières ensemble, au niveau des procédés et des systèmes, c’est vraiment très important en termes de coûts. Ça voulait dire beaucoup de ressources pour s’assurer d’avoir une performance comme celle à laquelle on s’attendait », avoue Mme Deguire.

Depuis le début des discussions entourant l’usine de biométhanisation, la Ville de Laval affirme avoir dépensé 5 millions, surtout en études, devis et autres documents techniques. « C’est dommage aujourd’hui de constater que cet argent-là a été perdu d’une certaine manière. Mais en même temps, c’est préférable de perdre 5 millions aujourd’hui que d’en perdre 10 fois plus demain », résume le maire Boyer en entrevue.

Il affirme que la situation démontre que plus globalement, sa municipalité doit « développer plus intelligemment ». « On doit faire plus de projets multiusages. Autrement dit, si on investit sur un projet X de bâtiment, il faut que ce bâtiment puisse avoir plus d’une fonction. Dans nos parcs, par exemple, plutôt que de faire un centre communautaire sur mesure, est-ce qu’on ne peut pas réviser nos plans ? C’est d’en faire plus avec moins », conclut l’élu.