(Ottawa) L’ancien ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, se défend de mener une campagne pour torpiller la réforme de la Loi sur les langues officielles de son gouvernement.

Dans une lettre ouverte aux Québécois qui sera publiée sur son site internet mercredi matin, M. Garneau affirme qu’il a toujours soutenu la protection de la langue française. Et que cela n’est pas « incompatible » avec son obligation de défendre les droits des minorités.

Au cours des derniers jours, M. Garneau et deux autres de ses collègues de la région de Montréal, les députés Anthony Housefather et Emmanuella Lambropoulos, ont essuyé une pluie de critiques après avoir exprimé des craintes au sujet des effets du projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles sur les droits de la minorité anglophone au Québec.

« Il est parfaitement possible d’appuyer la protection du français au Québec, ce que j’ai toujours fait, et de protéger en même temps les droits linguistiques de la minorité anglophone », a écrit le député de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount dans sa lettre ouverte.

En tant que député fédéral du Québec, c’est mon devoir de défendre toutes les minorités linguistiques au Canada. Cela n’est aucunement incompatible avec la protection du français au Québec ou ailleurs.

Marc Garneau, député de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount

En plus de réaffirmer sa conviction que le français est la langue officielle du Québec, M. Garneau a souligné qu’il s’est fait le promoteur de la reconnaissance de la nation québécoise au sein de la section québécoise du Parti libéral du Canada en 2006 – une résolution qui a été adoptée par une majorité de plus de 80 % des militants, a-t-il rappelé. Le gouvernement conservateur de Stephen Harper a par la suite repris à son compte l’esprit de cette résolution pour la faire adopter par le Parlement la même année, a-t-il précisé.

Tensions chez les libéraux

Récemment, MM. Garneau et Housefather ont tenté de faire retirer toute référence à la Charte de la langue française du projet de loi C-13, laquelle a été ajoutée par le comité des langues officielles à la suite d’une démarche du Bloc québécois.

Les deux élus libéraux s’opposent bec et ongles à ce que C-13 reconnaisse la loi 96 du gouvernement québécois, au motif que cela ferait en sorte que le fédéral cautionne l’invocation de la disposition de dérogation.

Quant à la députée Lambropoulos, elle s’est attiré les foudres de plusieurs en tenant des propos trompeurs sur les dispositions de la loi 96 au Québec. Elle a notamment affirmé devant le comité qu’une citoyenne de sa circonscription ne pouvait plus se faire soigner en anglais à cause de cette loi adoptée par le gouvernement Legault.

Ces critiques ont provoqué des tensions au sein des troupes libérales. Dans une sortie qui a fait beaucoup de bruit, le député libéral de l’Est ontarien Francis Drouin a accusé ses collègues du « Montreal island » de faire un « show de boucane honteux » de l’étude du projet de loi sur la modernisation des langues officielles.

Inquiétude au sujet de la préséance de la loi 96

Dans sa lettre ouverte, M. Garneau, qui a aussi été ministre des Transports dans le gouvernement Trudeau, affirme qu’il est « légitime » de se demander pourquoi il a critiqué la dernière mouture du projet de loi C-13. À ce sujet, il a dit s’inquiéter de l’impact juridique et constitutionnel que la référence à la Charte de la langue française aurait non seulement sur les droits linguistiques de la minorité anglophone au Québec, mais aussi sur ceux des minorités francophones dans le reste du pays.

Ce n’est pas quelque chose que j’ai fait à la légère. Mais l’inclusion dans C-13 de la charte me préoccupe parce qu’elle pourrait mener à des chicanes constitutionnelles sur l’interprétation de C-13.

Marc Garneau, député de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount

« Certains amendements proposés par le Bloc donneraient préséance à la Charte québécoise sur la Loi sur les langues officielles fédérale en cas de conflit entre les deux. En d’autres mots, s’il y a conflit d’interprétation entre C-13 et la charte québécoise de la langue française, la Loi 96 l’emporte, une loi qui, en passant, ne peut être contestée en vertu de l’invocation préventive de la disposition de dérogation », a-t-il souligné.

« Imaginons maintenant si d’autres provinces décident de créer leur propre charte de la langue et insistent sur le même traitement. Qui sera là pour défendre les droits linguistiques des minorités à travers le pays, s’il y a atteinte à leurs droits ? En tant que député fédéral, c’est une obligation que le gouvernement fédéral doit continuer d’assumer », a-t-il poursuivi.

Citant l’ancien juge de la Cour suprême du Canada Michel Bastarache, M. Garneau s’est dit opposé à ce qu’une loi provinciale ait préséance de la sorte sur une loi fédérale.

Les PDG d’Air Canada et du CN n’auront pas à comprendre le français

Les grands patrons d’Air Canada, du Canadien National (CN), des sociétés de la Couronne et des autres organisations assujetties à la Loi sur les langues officielles comme les administrations portuaires et aéroportuaires n’auront pas l’obligation de parler et de comprendre clairement le français, comme le réclame le gouvernement du Québec. Les élus libéraux et conservateurs qui siègent au comité permanent des langues officielles ont rejeté mardi l’amendement déposé par le Bloc québécois au projet de loi C-13. Le Nouveau Parti démocratique est la seule autre formation politique qui s’est dite en faveur. Le fait que les hauts dirigeants d’Air Canada et du CN – deux sociétés établies à Montréal – soient incapables de parler français est « scandaleux » et démontre qu’« elles n’ont aucun intérêt à respecter leur contrat social avec nous », a déclaré la députée néo-démocrate Niki Ashton.

La Presse Canadienne