Henri Doucet rêve de patrouiller dans les rues de Montréal vêtu de l’uniforme du Service de police de la Ville de Montréal. Il souhaite étudier en techniques policières, mais n’a pas les notes suffisantes. Alors que des départs à la retraite s’annoncent, qu’on déplore un manque d’effectifs et que de plus en plus de corps policiers préconisent des aptitudes sociales plutôt que scolaires, ces critères d’admission sont-ils à revoir ?

L’adolescent étudie actuellement au collège Jean-Eudes et caresse le rêve de devenir policier depuis deux ans. Il n’a jamais été attiré par les « métiers de bureau » et aime l’idée de faire partie d’une profession qui a une mission claire, où tout le monde unit ses forces pour atteindre un but commun. « J’ai toujours joué dans des sports d’équipe, j’aime travailler avec les gens. Patrouiller toute la journée avec un collègue, ça me parle », confie Henri Doucet, qui entrera prochainement au cégep.

Sa visite des portes ouvertes en techniques policières au collège de Maisonneuve l’a convaincu.

« Je me force vraiment à l’école pour ça. » Ses notes ne sont pas mauvaises : des 75 %, des 80 %, des 83 %.

Henri Doucet doute d’obtenir une moyenne générale de 85 %, le préalable pour accéder au programme.

« Ça me décourage, mais juste un peu. Parce que dans ma tête, la police, c’est un mélange de mental et de physique. »

Et il faut savoir s’y prendre avec les gens, se doter d’aptitudes sociales pour gérer les sans-abri en crise, les cas de violence conjugale et minimiser le risque d’escalade lors d’une altercation tendue. Car chaque intervention policière cache un enjeu social.

L’actuel directeur du SPVM, Fady Dagher, s’adresse souvent aux médias en parlant d’un équilibre entre la répression et la prévention. Le chef de police veut « un service de police beaucoup plus inclusif, qui saisit les enjeux des populations en voie de marginalisation », a-t-il dit quelques jours après l’annonce de son embauche dans la métropole.

Un programme contingenté et difficile d’accès

Selon le site web du collège de Maisonneuve, il n’y a aucun préalable pour entrer au DEC en intervention en criminologie – discipline qui consiste à intervenir auprès de délinquants –, qui peut mener à des postes en centre jeunesse et dans des établissements carcéraux.

Pour le DEC en techniques policières, on indique qu’environ 180 candidats présélectionnés en fonction du dossier scolaire sont convoqués pour passer les tests de condition physique.

Seuls les candidats possédant un excellent dossier scolaire seront convoqués à ces tests. Nous accordons une importance particulière aux cours suivants : français et mathématiques de 4e et 5e [secondaire].

Site web du collège de Maisonneuve

Sur le site internet du collège Ahuntsic, qui offre également le programme, c’est tout aussi contingenté. Il y a 155 places offertes au premier tour d’admission, contre 514 demandes. Beaucoup d’intéressés, pas assez de places disponibles.

« Nous sommes le seul programme au cégep à avoir un quota imposé par le ministère de l’Éducation. Nous sommes tributaires du Ministère, nous ne pouvons accepter plus d’étudiants », souligne Dominique Rioux, du Collège Ahuntsic. Des discussions sont en cours entre le directeur du programme et le gouvernement de l’Éducation pour permettre à plus d’élèves d’être admis, indique la directrice adjointe au programme de techniques policières.

« Il y a une prise de conscience qu’il va manquer énormément de policiers dans les prochaines années. »

Les habiletés sociales sont au cœur de la profession, admet-elle. « Mais c’est assez délicat de les évaluer. Il n’y a aucun cours offert au secondaire qui informe sur le profil social de l’individu », explique Mme Rioux. L’entrevue individuelle est difficile à mettre en place étant donné le volume de demandes.

Idéalement, on aimerait assouplir et élargir les critères. Mais on est bloqué au niveau du quota imposé.

Dominique Rioux, directrice adjointe au programme de techniques policières, collège Ahuntsic

C’est pourquoi bon an, mal an, l’élève admis a minimalement obtenu 85 % de moyenne générale au secondaire.

Henri Doucet et sa mère se questionnent : les critères d’admission basés sur les notes sont-ils encore d’actualité ? Est-ce que les critères imposés pour cheminer représentent les besoins sur le terrain ?

Des jeunes motivés malgré le peu d’appelés

Aux portes ouvertes, une commandante expliquait le métier aux ados attentifs. On offrait d’essayer des appareils qui simulaient des cas de violence conjugale. « Ça a donné des étoiles dans les yeux de mon fils. La salle était pleine de jeunes motivés à s’inscrire. Mais ont-ils tous des moyennes générales de 85 % ? Beaucoup ne vont sûrement pas être acceptés à cause de ça », croit Annick Mauriello, mère d’Henri Doucet.

Il y a d’autres moyens de pratiquer le métier, mais réussir un DEC en techniques policières demeure la façon la plus rapide d’accéder à l’École nationale de police du Québec (ENPQ).

Mme Mauriello ne s’indigne pas. Elle comprend que le programme est contingenté. Si son fils est vraiment motivé, dit-elle, il fera une session dans un autre programme pour atteindre son but.

« Je ne dis absolument pas qu’on doit baisser les critères, mais si on veut vraiment plus d’effectifs, s’ils savent que les départs à la retraite vont créer un manque à gagner, il faut un travail en amont, » lance Annick Mauriello.

Le métier de policier nécessite une rapidité de réaction sur le terrain et une connaissance accrue des enjeux de société liés à la criminalité. « Je comprends qu’ils veulent des gens avec de bonnes notes. Mais dans la vie, des fois, ce ne sont pas les notes qui déterminent ce qu’on est sur le terrain », selon Mme Mauriello.