Le Québec a enregistré une surmortalité plus forte en 2022 qu’en 2020, première année de la pandémie, montrent de nouvelles données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ). On observe en effet une hausse des décès, en particulier hors de Montréal.

Près de 7000 décès en plus

La province a enregistré tout près de 6800 décès de plus qu’anticipé l’an dernier (+9,5 %), contre 5400 en 2020 (+7,7 %), indiquent les plus récentes données de l’Institut. Ce bilan est nettement plus lourd que celui enregistré en 2021, alors qu’une sous-mortalité avait été observée. En effet, le Québec avait recensé 239 décès de moins qu’anticipé, une proportion de -0,3 %. L’ISQ calcule la surmortalité en comparant l’ensemble des décès enregistrés aux prévisions faites selon les morts survenues les années précédant la pandémie.

Causes multiples

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File d’attente devant un centre dépistage de la COVID-19 en janvier 2022. Le Québec était alors en pleine vague Omicron.

Selon Frédéric Fleury-Payeur, démographe à l’ISQ, « plusieurs facteurs » peuvent expliquer la situation. « Le principal reste la COVID-19, avec la vague Omicron qui a frappé fort en janvier 2022 », dit-il. L’été n’a pas été particulièrement chaud, mais la canicule « étonnante au mois de mai » a aussi entraîné une hausse de la surmortalité. Enfin, la « triple épidémie » de grippe, de virus respiratoire syncytial (VRS) et de COVID-19 observée à la fin de l’année a entraîné une hausse des décès, bien que moins forte qu’en Europe. D’autres « facteurs indirects » liés à la pandémie, comme les impacts de la « COVID longue » ou encore le délestage, ont potentiellement aussi contribué à la hausse, ajoute le démographe.

Vers une baisse en 2023 ?

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Le démographe Frédéric Fleury-Payeur

Malgré une hausse en 2022, marquée par plusieurs sommets, la surmortalité « devrait redescendre à un niveau plus faible en 2023 », entrevoit le démographe de l’ISQ. « Dans la dernière semaine de l’année, vers la fin décembre, on était déjà redescendus à 13 ou 14 %. Et les premières données qu’on a pour janvier nous laissent croire que ça va continuer de descendre. »

Aînés touchés de plein fouet

Comme depuis le début de la pandémie, la majeure partie de la surmortalité enregistrée en 2022 est survenue chez les 70 ans et plus. Ce groupe a déploré 5155 décès de plus que prévu. C’est davantage que les 4500 décès qui avaient été enregistrés en 2020.

Décès en hausse chez les jeunes

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La crise des surdoses aux opioïdes est suspectée d’être l’une des causes de la hausse des décès chez les moins de 50 ans.

Le Québec note également une hausse marquée des décès chez les moins de 50 ans. En effet, ce groupe d’âge affiche une surmortalité de 18 % en 2022. L’ISQ a comptabilité 3235 décès dans ce groupe, alors qu’elle en prévoyait 2734. « Ça peut sembler beaucoup, […] mais il faut comprendre que la tendance à la baisse chez les moins de 50 ans était très forte depuis quelques années », explique M. Fleury-Payeur. Prudemment, il avance quelques facteurs pouvant expliquer le bond chez les plus jeunes, comme la crise des surdoses aux opioïdes notamment, ou encore le suicide. « Cela dit, on ne peut pas statuer pour l’instant, comme plusieurs de ces cas sont toujours soumis à des enquêtes du coroner », nuance-t-il.

Plus d’hommes que de femmes

Autre phénomène : la surmortalité a davantage touché les hommes que les femmes en 2022. L’an dernier, près de 3900 hommes de plus que prévu ont perdu la vie, contre 2900 femmes, un écart significatif. Lors de la vague Omicron du début de l’année, l’ISQ confirme d’ailleurs avoir enregistré « beaucoup plus de décès d’hommes ». Mais « dans la vague de virus respiratoires et de grippes, là, ç’a été un peu plus de femmes qui sont décédées », note le démographe.

Une idée du portrait par régions

La hausse des décès enregistrée en 2022 a eu lieu hors de Montréal et Laval, selon l’ISQ. Épicentre de la pandémie en 2020, les deux villes avaient enregistré une forte surmortalité de 18 % à l’époque. Or l’an dernier, elles affichent une surmortalité de 3 %. À l’inverse, les régions limitrophes, soit Lanaudière, les Laurentides et la Montérégie, affichent une surmortalité de 10 %. Et dans le reste du Québec, c’est encore plus élevé : la surmortalité atteint 12 %. « C’est un phénomène qu’on voit aussi ailleurs dans le monde : les régions épargnées en 2020 ou 2021 ont fini par être touchées davantage », illustre M. Fleury-Payeur à ce sujet. Au total, depuis 2020, le Québec a enregistré une surmortalité globale de 6,1 %, ce qui est encore en deçà de celle de l’Ontario, qui atteint 7,5 % sans que toutes les données pour 2022 aient été compilées.