Le plus grand drapeau québécois de l’histoire, mesurant 60 pieds sur 90, a été déployé samedi sur l’esplanade de la Place des Arts, en plein cœur de Montréal, pour célébrer le 75anniversaire du fleurdelisé.

« C’était très important pour nous de souligner cet anniversaire-là. Soixante-quinze ans, ce n’est pas rien. Le fleurdelisé représente notre passé, notre présent, notre futur. C’est notre mémoire et il appartient à tous les Québécois. On voulait montrer en grand ce symbole de fierté, d’appartenance », a expliqué à La Presse la présidente générale de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Marie-Anne Alepin.

Plus de 200 personnes ont contribué à déployer l’énorme drapeau, conçu par l’imprimeur Version Image Plus, à Laval, puis à le hisser à quelques mètres du sol. Le chanteur Daniel Boucher a alors entonné Gens du pays de Gilles Vigneault.

Au moment où la langue française est « malmenée dans la métropole, démontrer l’amour qu’on a pour notre drapeau québécois est crucial », a poursuivi Mme Alepin.

« Ça illustre qu’on doit et qu’on peut collectivement s’intéresser davantage à la protection de notre langue française. Si aujourd’hui nous dévoilons cet immense fleurdelisé, le plus grand de l’histoire, au cœur de la métropole, là où notre langue et notre culture sont les plus malmenées, c’est pour envoyer le message clair que nous sommes déterminés à faire basculer la tendance », a-t-elle insisté.

Plusieurs autres activités célébrant le 75anniversaire du fleurdelisé se sont déroulées samedi à travers la province. Une cérémonie commémorative a eu lieu devant l’hôtel du Parlement, à Québec, en milieu d’après-midi, en présence de députés de différents partis ainsi que de la présidente de l’Assemblée, Nathalie Roy.

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Le fleurdelisé volait fièrement lors de la cérémonie commémorative organisée samedi devant l’hôtel du Parlement, à Québec.

Sur le coup de 15 h, le drapeau qui flottait sur la tour centrale de l’hôtel du Parlement a été retiré et remplacé, afin d’être conservé aux archives de l’Assemblée nationale.

« C’est une fierté de célébrer notre fleurdelisé, cet emblème qui nous distingue et qui incarne le fait français en Amérique. Au cours des 75 dernières années, la signification de notre drapeau s’est enrichie des évènements, des valeurs et des rêves que nous avons partagés comme collectivité », a déclaré Mme Roy.

Une langue en déclin

L’anniversaire du drapeau est souligné alors que le poids du français continue en effet de reculer au Québec et dans l’ensemble du pays, tandis qu’un nombre croissant de Canadiens parlent une autre langue que le français ou l’anglais à la maison, ont révélé en août dernier les données du recensement de Statistique Canada. La proportion de personnes qui ont déclaré avoir le français comme langue maternelle est passée de 77,1 % à 74,8 % de 2016 à 2021 au Québec. Ce déclin s’observe aussi dans l’ensemble du pays, où la proportion de francophones est passée de 20,6 % à 19,6 % durant ces cinq années.

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La députée caquiste Karine Boivin Roy

« Vu notre situation minoritaire, on doit toujours rester vigilants », a d’ailleurs affirmé la députée caquiste d’Anjou–Louis-Riel, Karine Boivin Roy. « Ce drapeau incarne vraiment ce qu’on est, une nation différente, le seul État à majorité francophone en Amérique du Nord », a-t-elle souligné.

Deux députés bloquistes, Denis Trudel et Mario Beaulieu, ont d’ailleurs réitéré lors de la cérémonie que la « bataille » pour protéger le français serait « cruciale » dans les prochains mois. « Le gouvernement fédéral nous empêche de faire du français notre langue commune », a notamment soutenu M. Beaulieu, tandis que son collègue soulignait « que l’on fait ce qu’on peut, à Ottawa, pour nous protéger contre les assauts de l’anglais », appelant les Québécois à se rallier à la protection du français.

« On a tellement un beau drapeau que je voudrais que le monde entier le connaisse. Je vais être probablement satisfait quand il va flotter […] au siège des Nations unies », a de son côté lancé le président du conseil exécutif national du Parti québécois, Jocelyn Caron, en référence à l’indépendance du Québec.

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La co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé

Au micro, la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, a quant à elle ironisé en soulignant que « Maurice Duplessis, c’est pas vraiment notre ami, mais il nous a donné le fleurdelisé ». « On lui en doit une », a-t-elle lancé.

Grâce à ce drapeau, le Québec « s’est débarrassé d’un système colonial important, comme on s’est débarrassé du serment au roi il n’y a même pas un mois », a soulevé Mme Massé, sous les applaudissements nourris de la foule.

Le député libéral de Viau, Frantz Benjamin, a soutenu que la présence d’élus de tous les partis était « un témoignage vivant de ce que le drapeau représente au Québec ». « Ça nous unit, ça nous rassemble. Et on a le devoir de le protéger, de le préserver », a-t-il lancé aux gens réunis sur place.

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Le député libéral Frantz Benjamin

C’est le 21 janvier 1948 que l’Assemblée législative du Québec – devenue par la suite l’Assemblée nationale – a adopté son propre drapeau. Le premier ministre Maurice Duplessis avait alors déclaré qu’il fallait un drapeau « qui exclut tout signe de servage, de colonialisme », allusion à peine voilée à l’Union Jack britannique qui était, depuis la Conquête, le seul drapeau officiel du pays.

Avec la collaboration de Mylène Crête et de Léa Carrier, La Presse

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