Le départ de Sophie Brochu à la tête d’Hydro-Québec est une lourde perte, estiment des experts qui craignent que l’indépendance de la société d’État face au gouvernement en souffre.

« C’est une grosse perte, parce que ça va être difficile de trouver quelqu’un pour la remplacer qui a autant de compétences, de leadership et une indépendance vis-à-vis du gouvernement », estime Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal.

Selon lui, Sophie Brochu amenait « beaucoup de fraîcheur et d’accessibilité » à l’image d’Hydro-Québec. « C’est une excellente communicatrice qui a beaucoup de charisme, un franc-parler intelligent et une écoute que l’on ne retrouve pas toujours chez les dirigeants », détaille-t-il.

Avec le départ de Sophie Brochu, M. Pineau craint qu’Hydro-Québec « perde une indépendance ». « Le gouvernement va vouloir trouver quelqu’un qui exécute ses désirs et on va se retrouver à risque d’avoir un PDG qui va être un petit peu le bras exécutant du gouvernement », déplore-t-il.

Plus qu’un gestionnaire

Pour Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal et directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, « la personne qui remplacera Mme Brochu devra avoir une compréhension profonde des enjeux énergétiques ».

On ne pourra pas mettre quelqu’un qui est simplement un gestionnaire. Il faudra que le gouvernement accepte de prendre un pas de recul si on veut avoir une personne de qualité pour faire le travail.

Normand Mousseau, de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

Les deux experts estiment par ailleurs que Sophie Brochu quitte la société d’État à un mauvais moment, alors qu’Hydro-Québec avait un important rôle à jouer dans la transition énergétique de la province.

« Elle est dans une réorganisation à l’interne qui n’est pas encore achevée, le déploiement d’un plan stratégique est loin d’être organisé et elle quitte quand le gouvernement annonce une nouvelle loi sur l’énergie, où il aurait été important que le gouvernement puisse converser avec une Hydro-Québec qui est forte », détaille M. Pineau.

Inquiétude chez les Premières Nations

De son côté, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, a dit accueillir la démission de Sophie Brochu avec « une certaine inquiétude ».

« Madame Brochu est une alliée importante pour les Premières Nations et elle adopte une approche de relations qui contraste grandement avec celle de ses prédécesseurs », a-t-il déclaré par communiqué.

« Elle a su reconnaître l’importance de l’inclusion des Premières Nations dans les projets de développement de la société d’État tant au niveau des répercussions environnementales que socio-économiques », a-t-il ajouté.

M. Picard souhaite que la personne qui succédera à Mme Brochu ait « une approche semblable » à la sienne et que le gouvernement du Québec tienne compte des enjeux des Premières Nations dans le choix du nouveau PDG.