Après un regain en 2021, les naissances ont fortement chuté depuis le début de l’année au Québec, tout comme en France ou même en Chine. Et la pandémie n’explique pas tout.

Au total, 84 900 bébés sont nés au Québec en 2021, une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente (82 000). Ainsi, 2021 a vu le nombre de naissances revenir au niveau observé avant la pandémie, peut-on lire dans l’édition 2022 du Bilan démographique du Québec publié jeudi par l’Institut de la statistique du Québec.

Ce bilan signale au passage que « les données préliminaires des premiers mois de 2022 laissent présager que le nombre de naissances pourrait être inférieur à celui des années prépandémiques ».

De fait, en observant les seuls mois de janvier à septembre (puisqu’on n’a pas encore les données d’octobre et novembre 2022), on observe que le nombre de naissances durant ces neuf premiers mois de l’année est à son plus bas depuis 2010.

Un ricochet prévisible

Selon Frédéric Fleury-Payeur, démographe à l’Institut de la statistique du Québec, cette baisse importante est sans doute liée au fait que les couples font rarement des bébés deux années de suite.

Or, l’année 2021 a vraiment été une grosse année de naissances au Québec.

En 2021, on a même dépassé le niveau de fécondité de l’Alberta, qui est historiquement plus élevé que le nôtre.

Frédéric Fleury-Payeur, démographe à l’Institut de la statistique du Québec

Mais d’autres facteurs entrent sans doute en jeu. En 2021, l’immigration a repris, le nombre de titulaires du statut de résident permanent a crû, « ce qui est associé souvent au démarrage de projets de famille », relève M. Fleury-Payeur.

La pandémie et son effet yo-yo sur les naissances

Dans l’étude Le déclin, puis le boom ? Naissance et fertilité en temps de COVID, le démographe Tomas Sobotka et une équipe européenne de chercheurs ont fait le tour de la question. Ils relèvent que plusieurs pays très développés « ont enregistré une augmentation du nombre de naissances par rapport à l’avant-COVID ». Le phénomène a été particulièrement marqué dans les pays nordiques, en Europe de l’Ouest, de même qu’en Nouvelle-Zélande, en Israël, au Québec et, dans une moindre mesure, aux États-Unis.

« Le choc initial de la pandémie s’est traduit par une baisse des naissances dans plusieurs pays, le plus grand creux étant survenu en janvier 2021 », peut-on lire.

« Ensuite, les taux de naissance ont étonnamment vite remonté en mars 2021, en lien avec les conceptions coïncidant avec la fin de la première vague de la pandémie. La plupart des pays ont ensuite rapporté une stabilité ou une petite augmentation du nombre des naissances dans les mois qui ont suivi, particulièrement à l’automne 2021.

« Mais un nouveau ralentissement des naissances et des taux de fertilité est enregistré de janvier à avril 2022. »

Et maintenant, l’inflation et la guerre

Comme au Québec, 2021 a été une grosse année en France au chapitre des naissances. En pleine pandémie, elles étaient à la hausse, après des baisses enregistrées dans les six dernières années.

Or, voilà que là-bas aussi, comme ici, tout redescend en 2022. Selon l’INSEE (l’équivalent français de Statistique Canada), 1940 bébés sont nés en moyenne chaque jour en France en octobre 2022.

Il s’agit du creux le plus notable depuis ceux de 1975 et 1993, deux années « lors desquelles la France subissait des crises économiques majeures », a relevé le démographe Didier Breton, de l’Institut national d’études démographiques, cité dans le journal français La Croix.

Dans Le Parisien, Didier Breton rappelait combien, « un peu comme la Bourse, les couples détestent l’incertitude, qu’elle soit sanitaire ou économique ».

Les démographes français surveillent dans quelle mesure l’incertitude économique en Europe ou la guerre en Ukraine et les craintes qu’elle se répercute à l’étranger peuvent influer ou continuer d’agir sur le désir de procréation.

L’impact de l’inflation et des budgets familiaux serrés de même que les répercussions de la guerre en Ukraine sont aussi évoqués dans l’étude de Tomas Sobotka.

Notons que pour le Canada, Statistique Canada ne transmet pas de données de naissance par mois pour 2022.

Pendant ce temps, en Chine

En Chine – pays le plus peuplé du monde –, le taux de natalité a été le plus bas enregistré depuis 1978.

Cela survient évidemment sur fond de pandémie, mais surprend dans la mesure où la Chine a assoupli sa politique de limitation des naissances ces dernières années.

PHOTO ANDY WONG, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des enfants s’amusent sous le regard de leurs parents dans une aire de jeux de Pékin, en Chine, en mai 2021.

Le taux de natalité de la Chine était de 7,52 naissances pour 1000 personnes en 2021, d’après le Bureau national des statistiques (BNS). Il était de 8,52 pour 1000 en 2020.

C’est le niveau le plus bas depuis au moins 1978, année où le géant asiatique a commencé à publier son relevé annuel de statistiques.

La Chine a assoupli sa politique de limitation des naissances ces dernières années. Elle a autorisé les couples à avoir deux enfants à partir de 2016, puis trois depuis l’an dernier.

Selon ce que rapportait en août l’Agence France-Presse, « les couples sont refroidis par la hausse du coût de la vie, du logement et surtout de l’éducation des enfants ».

Avec l’Agence France-Presse