(Ottawa) Le syndicat représentant plus de la moitié des employés de la fonction publique fédérale aurait préféré avoir autre chose sous le sapin qu’une « décision unilatérale » du gouvernement obligeant ses membres à retourner au travail en personne au moins deux jours par semaine. L’annonce est, en revanche, saluée par la Chambre de commerce du Canada.

« On est en colère », laisse tomber en entrevue Yvon Barrière, vice-président exécutif régional de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), syndicat qui représente plus de 165 000 fonctionnaires fédéraux, soit environ la moitié d’entre eux.

« Imposer soudainement, de façon arbitraire, un mandat de retour au travail juste avant les Fêtes, à 10 jours de Noël, sans consulter les syndicats, c’est absolument irrespectueux », ajoute-t-il.

Quelque 336 000 fonctionnaires fédéraux devront retourner travailler au bureau en personne au moins deux ou trois jours par semaine, ou de 40 % à 60 % de leur horaire, a annoncé jeudi la présidente du Conseil du Trésor du Canada, Mona Fortier.

Elle a confirmé qu’il n’y avait pas eu de pourparlers avec le camp syndical. « C’est une décision qui vient de la direction […] Ce n’est pas quelque chose qui se discute à la table de négociation », a-t-elle tranché en point de presse dans le foyer de la Chambre.

Aucun argument solide avancé

La ministre n’a pas fourni de preuves empiriques pour appuyer la pertinence de sa décision.

L’AFPC n’a pas de chiffres non plus en ce qui a trait à la productivité en télétravail, a indiqué Yvon Barrière.

Il mentionne cependant deux chiffres tirés d’un sondage réalisé récemment auprès de 3300 membres : 70 % et 85 %. Le premier représente le pourcentage de participants à l’enquête qui ne veulent pas d’un retour dans les bureaux, et le second, le pourcentage d’entre eux qui seraient prêts à appuyer des moyens de pression.

Le leader syndical argue au passage que la ministre vient « créer un problème » en tentant d’en « régler un », car des milliers de personnes ont été embauchées alors que le télétravail était en vigueur, et pourraient être tentées de quitter le navire, dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre que l’on connaît.

Le télétravail a été cité par des gestionnaires comme l’une des raisons des dysfonctionnements de la machine fédérale au cours des derniers mois. À cela, Yvon Barrière oppose l’argument que les fonctionnaires ont été fort efficaces pour déployer des programmes d’urgence pendant la pandémie.

Un régime « répressif »

L’annonce de jeudi a été accueillie tout aussi défavorablement par un autre syndicat, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC).

« C’est tout le contraire de ce que le Conseil du Trésor avait promis, soit une approche hybride mesurée […] Il a choisi d’ignorer ce volet et de plutôt imposer brutalement un mauvais régime qui l’expose à un combat inutile », a pesté sa présidente, Jennifer Carr.

Ce modèle « mal conçu » et « répressif » ne « prépare pas le terrain pour des négociations de bonne foi avec l’employeur » en vue des négociations des prochaines conventions collectives de l’IPFPC avec le Conseil du Trésor, ajoute la dirigeante syndicale dans un communiqué publié sur le site web du regroupement.

La Chambre de commerce du Canada approuve

À l’inverse, l’annonce de la ministre Mona Fortier qui ramènera « un modèle de travail plus normal et cohérent » a été applaudie par la Chambre de commerce du Canada, qui lui avait écrit en octobre dernier afin de la presser d’agir en ce sens.

Car les mesures temporaires adoptées en temps de pandémie n’étaient plus justifiées, et il était temps de faire en sorte « que les contribuables reçoivent le niveau de service qu’ils méritent de la manière la plus rentable et la plus efficace possible », a déclaré son président, Perrin Beatty.

La directive gouvernementale doit entrer en vigueur le 16 janvier prochain. Les changements pourront avoir lieu progressivement, pourvu qu’ils soient complétés d’ici le 31 mars.