Québec n’offre pour l’instant aucune garantie à la Société de transport de Montréal (STM) qui, devant un trou budgétaire de 78 millions, a lancé lundi un nouveau cri du cœur aux gouvernements supérieurs. L’opérateur craint de devoir « fatalement » faire des coupes si des sommes d’argent supplémentaires ne sont pas débloquées.

« En ce moment, on a divers modèles de financement de nos projets en transport collectif de façon générale. On est en train de réfléchir à tout ça. Mais ce qui est certain, c’est que les budgets des sociétés de transport sont gérés par les villes », explique à La Presse la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault.

L’élue refuse pour l’instant de dire si la STM pourra compter sur plus de financement gouvernemental, évoquant plutôt les « ententes financières devant encore être conclues entre l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et certaines sociétés de transport ».

« Nous, on a quand même été là, avec une aide d’urgence de 1,4 milliard pendant la pandémie. Et dans le tunnel La Fontaine, les mesures d’atténuation, c’est plus de 150 millions qu’on finance. Alors on met quand même beaucoup d’argent, les villes disposent de certains montants », a poursuivi Mme Guilbault, reconnaissant toutefois que des « discussions » doivent encore avoir lieu avec les municipalités.

Chez Québec solidaire, le porte-parole en matière de transports, Etienne Grandmont, réclame toutefois beaucoup plus. Son parti demandera ce mardi au ministre des Finances, Eric Girard, d’inclure un « financement d’urgence » à la STM dans sa mise à jour économique qui aura lieu jeudi prochain.

Il faut absolument que le gouvernement, dans l’urgence de la situation, éponge ce déficit. On ne peut pas, en période de crise climatique, se permettre une réduction de l’offre de service.

Etienne Grandmont, porte-parole en matière de transports chez QS

« Ce qui se passe, c’est une pente très glissante. Réduire le service, c’est réduire l’achalandage », persiste-t-il, en appelant Québec à « éclaircir » ses systèmes de financement le plus rapidement possible.

Le son de cloche est similaire chez les libéraux, où le député Frédéric Beauchemin demande lui aussi un « investissement majeur afin de résorber les déficits des sociétés de transport et ainsi assurer le maintien des services de transport en commun partout à Montréal, mais aussi ailleurs au Québec ».

Changer les perceptions

En commission municipale lundi, le président du conseil d’administration de la STM, Éric Alan Caldwell, a de nouveau imploré Québec et Ottawa de s’impliquer davantage. « Il faut vraiment travailler sur le financement de l’opération du transport collectif. C’est un fardeau qu’on partage tous. Il devra y avoir des solutions. Le système actuel n’est pas viable à court, à moyen et à long terme », a-t-il martelé.

« Il faut plus d’argent. Il faut que les gouvernements supérieurs soient au rendez-vous. Sans ça, fatalement, on ne pourra plus se payer cette offre de service », a aussi clairement évoqué M. Caldwell.

Il faut encore se battre pour aller chercher l’ensemble de nos financements, parce qu’il y a toujours cette perception-là que c’est un service complémentaire. […] Si on se compare à la mobilité classique, personne ne se dit qu’il faut laisser nos trottoirs et nos routes tomber en ruine.

Éric Alan Caldwell, président du C. A. de la STM

Dans un monde « idéal », selon M. Caldwell, le financement gouvernemental se ferait « en rafales », de Québec vers l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), puis de celle-ci vers la STM. « Il y a une séquence à revoir », a-t-il d’ailleurs insisté, appelant à un changement de mentalités.

Déjà des baisses de service

À la fin du mois de novembre, la STM avait reconnu que la hausse marquée du manque à gagner, qui est de 77,8 millions précisément, engendrerait des baisses de service l’année prochaine. Certaines lignes d’autobus à haute fréquence et des dessertes du centre-ville pourraient notamment voir leur fréquence diminuer.

Dans le métro, le service le plus rapide en heure de pointe sera réduit d’une trentaine de minutes sur la ligne orange, pendant que sur la ligne verte, le passage entre chaque train sera allongé d’une quinzaine de secondes en pointe.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM, et Éric Alan Caldwell, président du conseil d’administration de la STM

La directrice générale de la société, Marie-Claude Léonard, affirme sans détour que « la STM va devoir évoluer » pour faire face à ses deux rôles : ceux d’exploitant et de fournisseur de projets.

Lundi, la société a d’ailleurs confirmé le lancement de l’appel d’offres pour creuser le tunnel de 6,4 km du futur prolongement de la ligne bleue, tel que l’avait révélé La Presse la semaine dernière.

« On devra peut-être prendre des décisions courageuses quand ça sera nécessaire », a glissé la DG. Elle s’attend à ce que de 75 à 80 % de l’achalandage prépandémique soit de retour au courant de 2023, dans le métro et les autobus montréalais. Actuellement, ce chiffre est d’environ 69 % la semaine, mais remonte à 79 % durant le week-end.

Bientôt, « il faudra arrêter de parler d’achalandage prépandémique, mais de nouvel achalandage », a évoqué lundi Mme Léonard. « Revenir au 100 %, ça ne veut pas dire les mêmes clients dans les mêmes plages horaires », a-t-elle conclu, en évoquant de possibles « bonifications à faire en dehors des pointes ».