(Québec) Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, demande à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel de réviser la liste de délinquants en attente de subir une évaluation psychiatrique pour éviter le dépassement des délais légaux.

« Dans l’immédiat, j’ai demandé à la [présidente-directrice générale de l’Institut] de réviser la liste d’attente pour éviter qu’il y en ait qui dépassent les délais additionnels », a brièvement fait savoir le ministre Carmant à son arrivée à la période des questions, mardi.

La Presse rapportait mardi le constat sévère du juge Dennis Galiatsatos, de la Cour du Québec, qui a accusé l’État de « ne pas réagir » aux signaux d’alarme lancés depuis deux ans par l’Institut Philippe-Pinel sur les délais « catastrophiques » d’attente pour l’évaluation psychiatrique des délinquants.

Lisez « Délais d’évaluation “catastrophiques” à Pinel : un violent criminel s’en tire »

Une évaluation psychiatrique pour déterminer si un accusé peut être déclaré délinquant dangereux ou à contrôler doit en principe être effectuée en 60 jours, stipule le Code criminel. Or, le juge Galiatsatos vient de refuser de prolonger ce délai, rendant impossible pour le ministère public de faire déclarer un violent criminel qui a poignardé un homme au visage de délinquant dangereux.

La Presse a révélé en novembre dernier que l’Institut Philippe-Pinel n’était plus en mesure d’évaluer les pires criminels du Québec dans les délais légaux en raison d’un volume « exponentiellement croissant » de demandes, d’un financement insuffisant et d’un mode de rémunération déficient.

« Tout est mis en œuvre pour faire en sorte que les évaluations soient faites durant les délais requis, les délais aussi prévus par la loi, on veut faire en sorte d’être beaucoup plus performant à ce niveau-là », a rétorqué mardi le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette.

Le ministre Lionel Carmant a rappelé que le gouvernement Legault avait investi 44 millions de dollars « pour hiérarchiser la psychiatrie légale ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant

« L’enjeu n’est pas juste le personnel, c’est en fait une concentration de connaissances qui fait que tout le monde est évalué à Pinel. On a commencé à déployer Capitale-Nationale, qui évalue de jeunes délinquants, l’Estrie a aussi été déterminée, mais au cours des prochaines années, on va former différents centres pour permettre que plus de centres puissent évaluer ces patients-là pour donner un soutien à Pinel », a-t-il dit.

Seuls cinq experts font – à temps partiel – ce type d’évaluation à Pinel, puisque le mode de rémunération n’est pas avantageux. Québec n’accorde que 100 000 $ depuis 2011 pour effectuer 15 demandes par année, alors que plus de 35 sont faites en moyenne.

Revoir les délais ?

Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, estime que le gouvernement devrait évaluer la possibilité d’apporter des modifications législatives pour prolonger le délai actuel de 60 jours. « L’Institut Pinel, c’est dans mon comté […], c’est un service plus qu’essentiel, de faire déclarer des délinquants dangereux, violents. C’est une question de base de sécurité publique », a-t-il lancé mardi.

Il arrive quoi avec un individu qui quitte sans avoir eu son évaluation psychiatrique ? C’est nécessaire, il faut le faire. Et, encore une fois, on voit là un exemple patent de bris de service.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Le ministre Jolin-Barrette a fermé la porte mardi à revoir le délai de 60 jours prescrit dans la loi.

Selon la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, le ministre de la Justice doit rapidement « poser des gestes » pour réduire les délais et être plus attractif à l’Institut, mais aussi plus largement dans tout le système de justice.

« Je pense que le ministre de la Justice est imputable, et il est ministre depuis quatre ans. Alors j’espère qu’il va aller voir la ministre responsable du Conseil du trésor pour s’assurer que les conditions de travail aussi, dans le système de justice, vont être améliorées », a indiqué Manon Massé.

Avec Louis-Samuel Perron, La Presse