Après deux jours de tourmente, Carey Price persiste et signe. Défendant ses « propres opinions », il continue de dénoncer le projet de loi C-21, et bien qu’il assure n’avoir jamais agi « par manque de respect pour qui que ce soit », il ne renie pas pour autant son appui à Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu (CCDAF). Ceci malgré l’impair commis par ce lobby pro-armes à l’égard des victimes de la tuerie de Polytechnique.

Le Canadien, pour sa part, s’excuse à « tous ceux offensés ou bouleversés par les rebondissements des derniers jours.

Samedi dernier, dans une publication le montrant en tenue camouflage avec en main un fusil de chasse, Price a critiqué le projet de loi du gouvernement Trudeau destiné à resserrer les critères interdisant la circulation de certaines armes d’assaut. Il a en outre donné son appui CCDAF. Celle-ci avait invité le public à utiliser le code promotionnel « Poly » pour obtenir des rabais dans l’achat de marchandises sur son site web, et ce, à quelques jours de la commémoration des tristes évènements de Polytechnique, qui ont coûté la vie à 14 femmes le 6 décembre 1989.

L’entraîneur et les coéquipiers de Price l’ont défendu, lundi. En fin d’après-midi, le gardien de but vedette a lui-même publié une courte déclaration sur Twitter afin de s’expliquer.

« J’ai mes propres opinions, a écrit Price. La seule raison pour laquelle je mentionne ceci, c’est en raison de ce qui est discuté en ce moment [NDLR : C-21, débattu à Ottawa], et pas par manque de respect pour qui que ce soit. Non, je n’étais pas d’accord moi non plus avec l’idée du code promotionnel. »

« Je continue d’appuyer les chasseurs et les tireurs sportifs qui ont acquis [leur] propriété de façon légale et qui en font usage en toute sécurité », a-t-il ajouté.

Un peu plus tôt dans la journée, Radio-Canada avait révélé que l’athlète de 35 ans, repêché par le Canadien en 2005 et établi à Montréal depuis 2007, n’était « pas au courant » de l’existence de la tuerie de Polytechnique.

En soirée, l’organisation a publié un court communiqué dans lequel elle précise que son gardien « n’était pas au fait de la récente campagne marketing [de la CCDAF] ni du synchronisme non intentionnel de sa déclaration ». Le Tricolore transmet aussi ses « plus sincères excuses à tous ceux offensés ou bouleversés par le discours engendré à ce sujet dernièrement ».

France-Margaret Bélanger, présidente sports et divertissement du Groupe CH, a décliné notre demande d’entrevue. La liste de questions que nous avons fait parvenir au département des communications du club, notamment par rapport à sa politique sur l’utilisation des réseaux sociaux par ses joueurs, est restée lettre morte. Geoff Molson, président et propriétaire du Canadien, qui s’est rendu lundi à Vancouver avec Mme Bélanger afin d’assister au match de son équipe contre les Canucks en soirée, a décliné la demande des journalistes sur place d’obtenir ses commentaires au sujet de la controverse.

Lundi soir, la publication originale de Price était toujours présente sur Instagram.

Les goûts du gardien pour la chasse sont connus du public depuis longtemps. Son amour des armes à feu aussi. En mars 2021, une publication en apparence banale du gardien, dans laquelle on le voyait avec sa fille, affichait en évidence un drapeau de la National Firearms Association (NFA), regroupement canadien proarmes dont le slogan est « aucun compromis ». La NFA a par la suite louangé l’athlète dans ses propres communications.

« Pas de mauvaises intentions »

Martin St-Louis et ses joueurs se sont, pour leur part, portés à la défense de leur gardien.

« Je ne suis pas sûr que Carey connaît toute l’histoire de ce qui s’est passé », a indiqué l’entraîneur-chef aux journalistes présents à Vancouver. St-Louis faisait ainsi écho à la tuerie de Polytechnique, dont le 33anniversaire sera souligné ce mardi.

Les souvenirs du drame sont encore frais à sa mémoire ; alors âgé de 14 ans, il était pensionnaire au collège Notre-Dame, situé tout près de Polytechnique. « Ça m’avait sonné pas mal, a-t-il expliqué. Mais les gens hors du Québec, je ne crois pas qu’ils savent tout ça. » Le numéro 31 n’avait que deux ans à l’époque, a-t-il rappelé.

Le défenseur Joel Edmundson a aussi fait valoir cet argument. « Aucun de nous n’était au courant de ce qui s’est passé il y a 30 ans. Je sais que l’anniversaire approche rapidement. C’est du nouveau pour nous, honnêtement. Carey n’avait pas de mauvaises intentions et je crois que ça a pris des proportions exagérées. »

« On connaît tous Carey, on sait quel genre de gars il est, il adore la chasse, c’est une de ses passions, a aussi dit Edmundson. La publication dit simplement qu’il veut pouvoir chasser. Il y a droit. C’est dommage que les gens le voient de la mauvaise façon. Carey est un bon gars qui a les gens à cœur. Je ne pense pas qu’il voulait causer de controverse. On soutient Carey et ses intentions étaient bonnes. »

Décrivant Price comme un « gars sensible, un gars de famille », St-Louis a quant à lui ajouté qu’il était convaincu que sa publication « n’était pas basée sur l’évènement qui s’en venait ». « C’est malheureux », a-t-il ajouté, mais « je suis sûr qu’il n’avait pas de malice en écrivant ça ».

St-Louis a néanmoins souligné que le vétéran gardien avait « droit à son opinion », une phrase prononcée également par Cole Caufield. Ce dernier, à l’instar d’Edmundson, Brendan Gallagher et Cayden Primeau, a « aimé » la publication originale de Price sur Instagram. D’ex-coéquipiers, notamment Phillip Danault, P. K. Subban, Jesperi Kotkaniemi, Nate Thompson, Andrew Shaw et Max Domi, les ont imités, tout comme d’autres joueurs de la LNH.

« Carey est une bonne personne, a insisté Caufield. Je ne sais pas trop comment expliquer [la publication]. Il n’aurait jamais voulu faire du mal. »

Et d’ajouter : « On va rester loin de ça et se concentrer sur le hockey. »

Interrogé par un journaliste sur l’importance, pour un athlète professionnel, de connaître l’histoire du lieu où il pratique son métier, Edmundson a affirmé que « les gens qui travaillent pour l’équipe nous tiennent au courant. Pour notre part, on se concentre sur le prochain match, le prochain jour. On sait qu’il se passe beaucoup de choses dans le monde, à Montréal, au Québec. L’équipe nous informe. »

Avec la collaboration de Guillaume Lefrançois, La Presse

Afin d’honorer la mémoire des 14 victimes de la tuerie Polytechnique, le Canadien a indiqué dans son communiqué avoir fait un don à la campagne Semaine de la rose blanche, « afin d’envoyer 14 jeunes filles venant de milieux défavorisés au camp d’été scientifique de Polytechnique Montréal, Folie Technique, et ainsi aider à soutenir la croissance et le développement des femmes en STIM ».