Les caméras corporelles doivent être rendues obligatoires, mais selon un « modèle unique » qui s’appliquerait dans « l’ensemble des corps de police du Québec », recommande le comité gouvernemental chargé d’étudier la question depuis 2020. Pour l’instant, le gouvernement Legault reste muet sur ses intentions.

« Une gouvernance unique à tout le Québec permettrait une implantation progressive des caméras portatives au Québec en réduisant les risques inhérents à celle-ci », affirment les experts du comité dans leur rapport rendu public vendredi. Ils suggèrent au gouvernement de « déployer les caméras portatives selon un plan progressif », en établissant dès le départ une séquence de déploiement « selon des critères préétablis ».

Au Québec, mais surtout dans le Grand Montréal, les débats sur la nécessité d’implanter des caméras corporelles – qui documenteraient les interactions des policiers avec les citoyens – font couler beaucoup d’encre, surtout depuis la hausse du nombre de fusillades sur le territoire.

En octobre, La Presse a révélé que la police de Montréal a prolongé ses tests en vue d’utiliser des téléphones cellulaires comme caméras. Cette « démonstration de faisabilité » a pris fin cet automne, trop tard pour une mise en service du programme avant la fin de l’année, comme l’avait promis la mairesse Valérie Plante en campagne électorale, l’an dernier.

La mécanique, le financement

Si elles sont implantées au Québec, les caméras corporelles devront être utilisées selon « une sélection d’évènements devant obligatoirement faire l’objet de l’activation de la caméra », notent les commissaires. Ils recommandent aussi de créer un « Centre national de traitement des vidéos », afin d’assurer le « traitement uniforme » des vidéos et son arrimage avec le système de la justice.

« Il est primordial que le système informatique sur lequel les vidéos seraient enregistrées soit fiable. Celles-ci doivent pouvoir être consultées à tout moment, tant par le poursuivant que par l’avocat de la défense ou par l’accusé non représenté à qui les accès auraient été donnés », lit-on aussi dans le rapport.

Pour financer la mesure, le comité propose trois modes à étudier : refiler la facture aux corps policiers eux-mêmes, un financement entièrement gouvernemental ou encore un partage des coûts entre les deux.

Dans le milieu policier, la résistance à financer la mesure est toutefois féroce. À la Fédération des policiers municipaux du Québec (FPMQ), on ferme par exemple déjà la porte. « Pour que ça soit viable d’implanter ces caméras, c’est clair qu’il faut que ce soit un financement 100 % par le Ministère. C’est ça qui va nous assurer un déploiement complet partout au Québec », affirme la porte-parole de l’organisme, Annick Charest.

Des formations, mais pas trop de diffusion

Les commissaires recommandent aussi la création d’un « programme de formation uniforme offert par l’École nationale de police du Québec » sur les caméras corporelles. Le tout prendrait la forme d’une « formation destinée aux policiers actifs d’environ 2 jours, dont environ 30 % en ligne et 70 % en présentiel ».

À terme, la formation serait intégrée « à la formation initiale en patrouille-gendarmerie ». À Toronto, la formation des policiers – qui disposent déjà de caméras corporelles – dure aussi deux jours approximativement, « dont environ 15 % en ligne et 85 % en présentiel », se justifie le comité.

La diffusion publique des vidéos, elle, serait toutefois beaucoup plus contrôlée qu’aux États-Unis, par exemple. Le groupe affirme en effet que « les images ne devraient dans aucun cas être transmises autrement » que par l’entremise du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Une fois l’ensemble de la preuve transmis à la défense, il serait alors « possible, voire probable, que ces images soient diffusées publiquement », soulève-t-on. Le comité recommande aussi à Québec de préparer une campagne de communication gouvernementale pour implanter les caméras, et de mesurer les répercussions de façon « précise » dans le temps.

Prudent à Québec, impatient à Montréal

Au cabinet du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, on demeure pour l’instant très prudent sur les intentions du gouvernement. « Nous ne sommes pas rendus à dévoiler des orientations. Ça viendra en temps et lieu, mais pour l’instant, nos équipes sont toujours en discussion », a simplement répondu l’attachée de presse, Émilie Toussaint, vendredi.

La mairesse Valérie Plante, elle, a dit accueillir « positivement » le rapport. « Nous avons hâte de connaître le scénario qui sera retenu par le Ministère. Une chose est certaine : à Montréal, on est prêt à aller de l’avant et outiller nos policiers avec le meilleur projet », a soutenu son attachée de presse, Marikym Gaudreault.

« On est également d’accord avec la nécessité de passer à la vitesse supérieure et d’opter pour une solution qui serait uniformisée à l’ensemble de la province pour assurer son succès, notamment en raison de la réceptivité des preuves en cour de justice et pour l’aspect financier qui permettrait de réaliser une économie d’échelle au niveau provincial », a-t-elle conclu.