La Société d’aide aux victimes d’actes criminels (SAVAC), un organisme douteux qui a été forcé de changer de nom parce qu’il laissait faussement croire qu’il était lié aux Centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC), récolte à nouveau des dons dans les stations de métro sous une nouvelle identité : la Ligue des droits de la personne du Québec.

Le nouveau nom de l’organisme à but non lucratif, dûment inscrit auprès du Registraire des entreprises, ressemble cette fois-ci à s’y méprendre à celui de la Ligue des droits et libertés, une organisation établie depuis 60 ans qui dénonce la « confusion » et une « fraude potentielle » par l’usurpation de son image de marque.

« On n’a pas de certitude absolue, mais leur site web est bourré de fautes, n’affiche aucune activité, aucune campagne, aucun évènement. Il ne nous reste plus beaucoup de doutes quant à savoir si c’est une arnaque », dit Laurence Guénette, coordonnatrice à la Ligue des droits et libertés.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Un agent de la Ligue des droits de la personne du Québec dans le métro de Montréal

Carte d’identification au cou n’affichant aucun nom ou prénom, tirelire géante en bandoulière et terminal de carte de crédit à portée de main pour récolter les dons, les agents de la Ligue des droits de la personne du Québec (LDPQ) recueillaient la semaine dernière des signatures à la station de métro Square-Victoria – OACI, pour une pétition demandant à l’Assemblée nationale d’« adopter une loi pour mieux encadrer et définir ce qu’est un acte de violence conjugale ».

Après leur laïus, ils invitaient les passants à contribuer financièrement à la cause afin de « trouver des médecins et des avocats » pour les victimes de violence conjugale. Quand La Presse a demandé à l’un d’eux à quoi servirait l’embauche d’avocats, le jeune homme s’est figé, incapable d’en dire plus. Une autre agente, questionnée quelques minutes plus tard, a reconnu que le nom de la Ligue des droits de la personne du Québec ressemble à celui de la Ligue des droits et libertés, « mais ce n’est pas forcément mal pour eux, [car] on leur fait de la publicité aussi », a-t-elle ajouté.

Nouveau nom, même modus operandi

Selon ce qu’a découvert La Presse, en 2017, une décision administrative du Registraire des entreprises a ordonné à la SAVAC de changer de nom – un geste rare – à la suite d’une action intentée par le Réseau des CAVAC, en vertu d’un article de la Loi sur les compagnies qui interdit les noms pouvant « prêter à confusion » ou qui sont « de nature à induire les tiers en erreur ».

Le Registraire lui a alors imposé le nom de Groupe de défense et de promotion des droits des victimes d’actes criminels, mais l’organisme a néanmoins continué d’utiliser le sigle SAVAC, notamment sur son site web. Puis, en avril 2020, il a changé son nom pour Ligue des droits de la personne du Québec. Son modus operandi est cependant demeuré le même : aborder les passants près des stations de métro pour leur faire d’abord signer une pétition prétendument destinée à l’Assemblée nationale, et ensuite leur réclamer des dons.

Selon nos vérifications, ni la SAVAC ni la LDPQ n’ont cependant jamais déposé officiellement de pétition au Parlement.

L’organisme n’a pas répondu à notre demande d’entrevue jeudi.

Ses administrateurs, Duy-Viet Le, Kathleen Chenard et Melodie Roy-Houle, utilisent tous trois la même case postale comme adresse personnelle de communication avec le Registraire, en contravention apparente avec la Loi sur la publicité légale des entreprises, qui exige que les administrateurs donnent leur véritable adresse de résidence.

En cas de plainte, « le Registraire peut exiger de cette entreprise de mettre [les adresses de ses administrateurs] à jour sous peine de sanctions pénales ou de la radiation de l’immatriculation de l’entreprise concernée », indique Catherine Poulin, porte-parole du ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, dont relève le Registraire.

Appel à la vigilance

Questionnée par La Presse, la Société de transport de Montréal affirme n’avoir jamais reçu de plainte officielle concernant les sollicitations de dons faites par la LDPQ et ses agents dans ses installations.

Comme la SAVAC le faisait auparavant, la LDPQ recrute ses « agents de sensibilisation/collecteurs de fonds » sur des sites de petites annonces en faisant miroiter des « honoraires moyenne [sic] de 21,00 $/h », avec primes et commissions.

La Ligue des droits et libertés dit avoir été contactée par deux personnes qui ont souligné la ressemblance troublante entre les noms des deux organismes, et incite la population à la prudence. « Les gens doivent savoir que nous ne sollicitons jamais de dons dans des endroits publics. Nous contactons toujours les donateurs par courrier ou de façon électronique », souligne Mme Guénette.

« Ça nous inquiète parce que le tiers de notre budget provient de dons. On n’a pas envie que cette confiance-là soit mise en péril et que les gens hésitent à nous donner parce qu’ils se sentent bernés par une autre prétendue ligue des droits », déplore-t-elle.

Rectificatif
Une version précédente de ce texte identifiait l’organisme sous le nom de « Ligue des droits et libertés-Section Québec ». Or, la « Section Québec » est l’organisme sœur de la Ligue des droits et libertés dans la région de Québec.

Lisez l’article « Les CAVAC « préoccupés » par un organisme au nom semblable »