Laurette de Vivie ne demande pas l’asile au Canada. Sa vie n’est pas en danger. Elle mange à sa faim et a un toit pour dormir. C’est une simple étudiante française de 21 ans qui se débat avec le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) pour renouveler son permis d’études. Un cafouillage administratif qui montre à quel point le système fonctionne mal.

« C’est catastrophique, lance-t-elle. Je ne pensais pas qu’ils pouvaient être aussi incompétents. »

Au Québec depuis 2019, Laurette de Vivie est inscrite en journalisme à l’Université de Montréal. L’été dernier, elle a fait une demande de prorogation de son permis d’études, qui expirait le 31 août, pour terminer ses études de deuxième cycle et, éventuellement, demander sa résidence permanente. Sa demande a été approuvée par IRCC, dit-elle.

La suite est à l’image du jeu Serpents et échelles, où on grimpe aux échelles et trébuche sur les serpents.

Une suite d’appels

Laurette a d’abord reçu une lettre d’IRCC confirmant le renouvellement de son permis d’études jusqu’en 2024. Elle a remarqué que la date d’expiration inscrite sur le document était celle de son ancien permis. Une amie lui a dit de ne pas s’inquiéter, que c’était normal. « Je me suis dit OK, c’est bizarre, mais on va voir. » Quelques semaines plus tard, début octobre, quand elle est rentrée au Canada en provenance des États-Unis, après un court séjour, les douaniers avaient une opinion différente : « Ils m’ont dit, non, ce n’est pas bon du tout. »

D’un jour à l’autre, Laurette n’avait plus le droit d’étudier au Québec ni de travailler.

Elle a donc entrepris des démarches pour faire corriger l’« erreur ».

Premier essai : le 4 octobre, après plusieurs tentatives, Laurette parvient à joindre Immigration Canada au téléphone. « L’agente a reconnu l’erreur d’IRCC et a envoyé une demande de révision avec la mention urgent, raconte-t-elle. La procédure devait prendre moins d’un mois et on devait la contacter dans les jours suivants.

Deuxième essai : le 17 octobre, n’ayant pas eu de nouvelles, Laurette rappelle IRCC. Un agent lui assure qu’un nouveau permis a été délivré et qu’elle devrait le recevoir dans les prochains jours.

Troisième essai : le 31 octobre, toujours pas de permis. Laurette rappelle IRCC. Surprise : cette fois, on lui dit qu’aucun permis n’a été délivré et que sa demande est en traitement.

Je ne pensais pas que c’était possible à ce point-là de raconter n’importe quoi. À chaque appel, on ne me dit jamais la même chose.

Laurette de Vivie, étudiante française

Quatrième essai : le 14 novembre, Laurette rappelle IRCC pour savoir si sa demande a été traitée. Réponse : non. L’agente lui propose alors de faire une demande de révision de la décision.

« Pas de bureau physique »

Entre-temps, Laurette a réussi à convaincre le Bureau des étudiants internationaux de l’Université de Montréal de la laisser poursuivre sa session même si son permis est expiré. On lui a donné un délai jusqu’au 30 octobre, puis jusqu’au 30 novembre, et enfin jusqu’au 30 décembre. Au-delà du 30 décembre, si sa situation n’est pas régularisée, sa session risque d’être annulée.

Laurette a aussi tenté d’expliquer son cas en personne.

« J’ai essayé d’aller à tous les endroits qui étaient relatifs à l’immigration, à Montréal, explique-t-elle. Mais à aucun de ces endroits, on n’a pu m’aider. Il y en a un qui ne s’occupait que des passeports. Donc, il ne pouvait pas faire grand-chose. Un autre s’occupait des réfugiés. Donc, il ne pouvait pas gérer mon cas. Ils m’ont tous dit qu’il n’y avait pas de bureau physique pour les permis d’études, ce que je trouve vraiment absurde, et ils me disaient tous qu’il fallait appeler au téléphone. »

Découragée, Laurette a contacté deux avocats en immigration. Le premier lui a conseillé de refaire une demande de permis, ce qui aurait pris trois mois et l’aurait forcée à abandonner ses études. Elle a renoncé. Le deuxième lui a redonné espoir.

Ça commence à s’arranger un peu. C’est grâce à cet avocat parce que moi, personne ne me répond, vraiment.

Laurette de Vivie, étudiante française

Aux dernières nouvelles, son nouveau permis d’études a été mis à la poste le 16 novembre. Mais IRCC l’a envoyé à son ancienne adresse… Laurette avait fait son changement d’adresse et s’était assurée, à chacun de ses appels, que sa nouvelle adresse figurait bien dans son dossier.

Sans numéro de suivi, elle n’a pas pu récupérer le document à son ancienne adresse.

Laurette a donc rappelé IRCC. « L’agent a reconnu qu’ils avaient encore fait une erreur », dit-elle. Il lui a dit qu’il allait renvoyer un nouveau permis par la poste à sa bonne adresse. Laurette a reçu une nouvelle lettre de confirmation le 25 novembre : son permis avait été expédié, cette fois à la bonne adresse. Mais le 1er décembre, six jours plus tard, elle l’attendait toujours.

La réponse d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

En réponse aux questions de La Presse, IRCC s’est dit « désolé des inconvénients que cette erreur a fait subir à Mme de Vivie ». « Bien que les agents d’immigration qui traitent les demandes doivent s’assurer que toutes les données saisies manuellement dans notre système correspondent à ce qui se trouve dans le passeport du client et à ce qui est délivré sur le permis d’études, il peut parfois y avoir des situations où une erreur humaine se produit. […] En cas d’erreur, les clients doivent visiter le site web d’IRCC pour demander une modification », ajoute le Ministère.