(Ottawa) Des voix s’élèvent au parlement pour critiquer une atteinte à la liberté de la presse à l’Université d’Ottawa. L’institution postsecondaire a interdit aux caméras de prendre des images de l’ambassadeur de la Chine au Canada, Cong Peiwu, lors de son discours devant des étudiants lundi après-midi.

« Pour moi, ils ont fait une erreur de bannir les caméras au Canada, a réagi le premier ministre, Justin Trudeau avant la période des questions. On ouvre surtout à des gens qui ont un profil public, les médias doivent avoir accès à ça. »

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a rappelé que la liberté de la presse est l’un des fondements de la démocratie. « Au Canada, la liberté de la presse ne se négocie pas. C’est un fait », a-t-il réagi. Je trouve ça extrêmement dommage. »

L’ambassadeur chinois Cong Peiwu avait été invité à prononcer un discours lundi après-midi sur le développement, le commerce et la gouvernance au 21siècle. Les caméramans de plusieurs médias ont dû quitter la salle même s’ils avaient été invités à l’évènement. L’entourage de l’ambassadeur a refusé qu’il soit filmé, selon le journaliste de Radio-Canada Louis Blouin. Les journalistes ont pu rester pour écouter son discours.

Radio-Canada a également rapporté que du personnel de l’université a baissé les stores pour cacher une manifestation en soutien aux Ouïghours qui se déroulait à l’extérieur du bâtiment.

La conférence a eu lieu alors que la Chine a été aux prises durant le week-end avec des manifestations généralisées contre la sévérité de sa stratégie « zéro COVID ». Un évènement sans précédent depuis que l’armée a écrasé le mouvement prodémocratie dirigé par des étudiants de 1989, sur la place Tiananmen à Pékin.

« Si vous cherchez un endroit où aller défier la liberté d’expression, la liberté d’enseignement ou la liberté de la presse, allez à l’Université d’Ottawa », s’est moqué le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Il estime que cette atteinte à la liberté de la presse est « indigne » de l’institution postsecondaire et que « le mot diplomate ne s’applique pas si facilement que ça à quelqu’un qui représente le Parti communiste chinois ». « On parle plutôt d’intimidateur », a-t-il lancé.

Le député conservateur, Pierre Paul-Hus, s’est gardé de condamner l’université. « On ne peut pas nécessairement les blâmer parce que c’est une situation qui est peut-être difficile à gérer pour eux, mais la demande de l’ambassadeur pour moi qui est plus problématique, a-t-il fait valoir. […] Je trouve ça totalement inacceptable. »

Il a dit s’attendre à « une réaction forte » du gouvernement canadien auprès de l’ambassadeur chinois.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a été le premier à commenter la nouvelle. Il a déclaré que la liberté de la presse est « un droit fondamental » dans une société démocratique.

Des gazouillis de l’ambassade chinoise au Canada publiés après la conférence contrastent avec les critiques de la classe politique. « L’évènement était un grand succès et a aidé les professeurs et les étudiants de l’Université d’Ottawa de mieux comprendre la politique domestique et étrangère de la Chine, peut-on lire sur le compte Twitter de l’ambassade. Des journalistes des médias canadiens pertinents étaient présents. »

L’Université d’Ottawa a fait amende honorable mardi après-midi. Dans une déclaration écrite, sa porte-parole, Jesse Robichaud, explique que la série de conférences internationales Dialogues et Perspectives est ouverte aux étudiants, au public et aux journalistes. « Le refus d’un conférencier de permettre les caméras met en péril l’évènement sans préavis », indique-t-elle sans faire référence à l’ambassadeur chinois.

« L’Université s’est cependant assurée dans les circonstances que les journalistes aient autrement accès à l’évènement, a-t-elle ajouté. Afin d’assurer que cette situation regrettable ne se reproduise plus, l’Université tâchera à l’avenir d’être plus claire avec ses conférenciers avant la tenue des évènements sur la présence possible des médias électroniques. »

Avec La Presse Canadienne