Un large règlement qui interdisait de facto l’utilisation d’armes à feu sur le territoire de la Ville de Mascouche a été invalidé par la Cour supérieure à la suite de la victoire d’un propriétaire terrien mis à l’amende pour avoir chassé sur ses terres, voilà près de dix ans.

Le jugement, rendu vendredi dernier, met ainsi fin à une longue saga judiciaire entamée le 10 novembre 2013.

Ce jour-là, Jean-Guy Ouellette est pris la main dans le sac par des policiers alors qu’il éviscère, en compagnie de son fils, un cerf fraîchement tué sur l’une des terres qu’il possède dans cette municipalité de la couronne nord.

Pourtant, l’entrepreneur a tous les permis nécessaires pour chasser et a suivi tous les cours exigés par le gouvernement du Québec afin de détenir des armes à feu. Les siennes sont d’ailleurs immatriculées en bonne et due forme.

Mais le règlement 1153 de la Ville est clair : « il est interdit d’utiliser une arme à l’intérieur d’un périmètre d’un kilomètre de toute place publique, bâtiment, terrain privé, poste de transformation électrique, de ligne électrique, de chemin de fer et de toute ville limitrophe à la Ville ».

L’homme conteste donc sa contravention ; le début d’une longue procédure devant les tribunaux s’entame.

Rehausser la sécurité

Adopté trois ans plus tôt, en 2010, le règlement 1153 visait à répondre à des plaintes d’usagers des sentiers pédestres et équestres effrayés par des coups de fusil, dont un tiré non loin d’un terrain de soccer, durant la saison de la chasse, expliquera en cour le directeur du service de police de Mascouche à l’époque, Francis Caron.

Devant la Cour supérieure, la Ville de Mascouche plaidera plus tard qu’il s’agit de « rehausser la sécurité publique sur son territoire » en contrôlant les endroits où il est permis de chasser.

Mais voilà, le règlement en question a pour effet d’interdire l’utilisation d’armes sur le territoire de Mascouche, comme le démontre le rapport d’une arpenteuse-géomètre déposée en preuve, même si un de ses articles prévoyait des exceptions pour les terrains privés et zonés agricoles de plus de 40 000 m⁠2.

Une « prohibition absolue »

Aux yeux de Jean-Guy Ouellette et de ses avocats, cette interdiction constituait donc une « prohibition absolue » et vise donc à « interdire totalement la chasse sur le territoire de Mascouche ».

Une vision partagée par le juge Charles Bienvenu de la Cour supérieure qui, dans son jugement exhaustif de 72 pages, donne raison au propriétaire terrien.

S’il reconnaît le droit des municipalités de légiférer pour contrôler l’utilisation d’armes sur leur territoire, le magistrat juge que Mascouche a utilisé de manière déraisonnable ses pouvoirs. « Un règlement municipal peut avoir une incidence sur l’activité de la chasse, mais ne peut être abusif ni constituer une fin détournée de l’interdire totalement, à moins d’une justification impérative », écrit-il dans son jugement.

Le règlement de Mascouche entrait également en contradiction avec de nombreuses lois provinciales et fédérales qui auraient dû primer puisque relevant de compétence sous la responsabilité de ces ordres de gouvernement.

« Mascouche, ce n’est pas Montréal »

La Ville de Mascouche n’aura d’autre choix que de retourner à la planche à dessin pour modifier son règlement 1153, estime l’avocat principal chez Municonseil, Mario Paul-Hus, qui cumule une quarantaine d’années d’expérience en droit municipal.

« Si la distance […] avait été plus raisonnable, ou si on avait limité les secteurs où cette distance s’applique, le juge aurait pu venir à la conclusion que [le règlement] était valide », explique-t-il.

Contrairement au cas de Mascouche, MPaul-Hus ne croit pas que le règlement municipal de Montréal, où tout coup de feu dans les limites de la Ville de Montréal, dans les parcs-nature et à moins de 500 mètres d’une résidence est interdit, soit à risque. En effet, la métropole pourrait facilement démontrer la nécessité d’une telle réglementation, estime-t-il.

Mascouche et Montréal, ce n’est pas la même chose ! Avant qu’un juge dise que le règlement interdisant de décharger une arme à feu à Montréal, avec tous les problèmes qu’on connaît, [n’est pas valide], il va être très difficile à convaincre.

Mario Paul-Hus, avocat

Jointe mardi, la Ville de Mascouche a indiqué qu’elle ne souhaitait pas commenter dans l’immédiat les retombées de cette décision de la Cour supérieure qu’elle n’a pas encore pu analyser dans son entièreté. La municipalité dispose de 30 jours afin de la porter en appel.

De son côté, l’avocate de Jean-Guy Ouellette, MIsabelle Landry, s’est dite satisfaite de la décision rendue par le juge Charles Bienvenu, tout en précisant ne pas parler au nom de son client qui n’a pas encore eu l’occasion de prendre connaissance du jugement.

« Assurément, si ce jugement ne va pas en appel […], on présume que les autres municipalités vont en prendre bonne note et adapter leurs règlements en fonction » de cette décision, croit-elle.

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a indiqué qu’elle suivrait comment évolue cette cause. La décision « pourrait effectivement avoir des répercussions sur d’autres règlements municipaux sur le contrôle de la chasse et plus largement sur l’autonomie et les pouvoirs des municipalités en la matière », explique son porte-parole, Patrick Lemieux.