L’étudiante en sciences infirmières du Québec, Jennifer Gunville, dit qu’elle a été sous le choc après avoir appris qu’elle avait échoué à l’examen professionnel.

Mme Gunville, âgée de 30 ans, fait partie des 51 % d’étudiants en soins infirmiers de la province qui ont passé l’examen de septembre et n’ont pas obtenu la note de passage minimale, soit 55 %.

Le taux de réussite inhabituellement faible inquiète le président d’un important syndicat d’infirmières, qui craint que les résultats ne fassent qu’aggraver la pénurie de travailleurs de la santé dans la province.

« Tout d’abord, je suis très triste, a déclaré Mme Gunville dans une récente entrevue. Je veux dire, je travaille sur le terrain depuis 2013 en tant qu’infirmière auxiliaire. Et je suis une très bonne infirmière. Tout cela était très bouleversant. »

Les infirmières auxiliaires du Québec travaillent sous supervision, et Mme Gunville espérait devenir infirmière à part entière après avoir obtenu un diplôme en sciences infirmières en juin du Cégep de Saint-Jérôme. Elle a dit qu’après avoir parlé avec d’autres étudiantes de son programme, elle était loin d’être la seule bouleversée et frustrée.

Le commissaire indépendant qui supervise l’Office des professions du Québec a lancé une enquête après avoir reçu 27 plaintes la semaine dernière au sujet de l’examen.

« J’ai pris la décision d’ouvrir une enquête vendredi dernier après avoir vu tous les reportages et reçu toutes les plaintes », a déclaré en entrevue André Gariépy, commissaire de l’organisme de surveillance.

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) a blâmé la pandémie de COVID-19 pour les résultats lamentables et a déclaré publiquement que l’examen était inchangé depuis les deux dernières années.

Dans un communiqué de presse publié mardi, le président de l’OIIQ, Luc Mathieu, a indiqué que l’ordre professionnel allait continuer de soutenir les étudiantes « en travaillant en collaboration avec les établissements d’enseignement afin d’offrir les conditions optimales pour la réussite de l’examen. »

« Cet examen est habituellement bien réussi et nous sommes persuadés que le retour à l’enseignement en présentiel, de même qu’un soutien aux étudiantes et étudiants, seront des facteurs de succès », a mentionné M. Mathieu.

Or, l’OIIQ souligne que « les finissantes dans 30 des 55 cégeps et universités ont, en moyenne, performé au-dessus de la moyenne provinciale à l’examen professionnel de septembre 2022. »

L’examen précédent, en mars 2022, avait un taux de réussite de 71 %, tandis que l’examen de septembre 2021 avait un taux de réussite de 81 %. L’ordre des infirmières indique que les étudiants peuvent passer le test jusqu’à trois fois. Le prochain test est en mars.

L’ordre professionnel a indiqué dans un communiqué qu’il proposerait des « mesures supplémentaires » pour accompagner les étudiants dans leur cheminement vers l’admission dans la profession. « Cependant, l’assouplissement des critères n’est pas envisagé, dans une perspective de protection du public. »

« En vue de mieux se préparer à leur prochain essai, l’ensemble des personnes en situation d’échec ont reçu une réponse individuelle détaillant les difficultés éprouvées. »

Mme Gunville a déclaré qu’elle ne croyait pas que le taux d’échec élevé soit lié à la pandémie. « À mon avis, l’examen a été clairement révisé. Ils disent que c’est la même chose, mais ce n’est tout simplement pas possible. »

Isabelle Dumaine, présidente d’un syndicat représentant les infirmières du Québec – la Fédération de la Santé du Québec – a déclaré qu’elle ne savait pas pourquoi le taux d’échec de septembre était si élevé, mais qu’elle ne pensait pas que cela était entièrement lié à la pandémie.

« Blâmer la pandémie […] évidemment, cela n’a pas aidé la situation, et bien sûr, a rendu la formation plus difficile, mais je pense que cela doit être examiné de manière approfondie », a déclaré en entrevue Mme Dumaine.

Elle a fait savoir que le syndicat est très inquiet de l’effet que le taux d’échec élevé aura sur un système de santé déjà fragile, ajoutant qu’il pourrait exacerber la pénurie actuelle d’infirmières dans la province.

L’OIIQ indique clairement que tous les étudiants en soins infirmiers qui échouaient à l’examen pourront continuer à travailler dans le système de santé sous supervision.

« Mais nos infirmières sont déjà débordées, a fait valoir Mme Dumaine. Nous avons besoin de personnes capables de faire le travail entièrement. »

Marjorie Larouche, porte-parole du ministère de la Santé, a déclaré dans un courriel que le taux d’échec élevé de l’examen aura un effet sur le nombre d’infirmières qualifiées disponibles, mais elle n’a pas donné de précision.

Mme Gunville a dit qu’elle était triste de devoir repasser cet examen, parce qu’elle estime être déjà très préparée. Elle a admis ne pas savoir ce qu’elle pourrait faire d’autre pour l’aider lors du prochain examen.

Rectificatif :
Il faut bien lire au sixième paragraphe que c’est le commissaire indépendant qui supervise l’Office des professions du Québec qui a lancé une enquête.