Les autorités environnementales chiliennes ont ordonné l’arrêt partiel des activités d’un élevage de saumons de l’entreprise canadienne Cooke Aquaculture dans le sud du pays, « en raison du danger imminent pour l’environnement » qu’elles représentent.

L’ordonnance, qui a été avalisée par un tribunal de l’environnement, vise à empêcher l’ensemencement de 170 000 poissons au centre d’engraissement de saumons « Huillines 3 » de l’entreprise, qui est situé dans le parc national Laguna San Rafael, une réserve de la biosphère de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Ces 170 000 saumons représenteraient un dépassement de plus de 2000 tonnes de la masse autorisée à cette installation, a indiqué dans un communiqué publié vendredi la surintendance de l’Environnement du Chili, l’organe d’application de la loi du ministère de l’Environnement.

Or, toute modification d’une installation, comme l’augmentation de sa production, « doit faire l’objet d’une évaluation environnementale […] si elle est susceptible d’entraîner des impacts environnementaux, ce qui se produit évidemment dans ce cas », indique Emanuel Ibarra, surintendant de l’Environnement du Chili, cité dans le communiqué.

L’approbation par le Sous-Secrétariat aux pêches et à l’aquaculture du Chili de l’augmentation de la production à l’installation « Huillines 3 » ne dispense pas l’entreprise de procéder à une évaluation environnementale, explique la surintendance de l’Environnement.

Le « contournement » de la réglementation par Cooke est susceptible d’avoir des impacts environnementaux sur « la colonne d’eau, le fond marin et la flore et la faune aquatiques d’une zone protégée par l’État, le parc national Laguna San Rafael », affirme le communiqué.

La nourriture non consommée et les déjections des saumons qui tombent au fond de l’eau ont pour effet d’augmenter la quantité d’azote et de phosphore dans les systèmes aquatiques, « réduisant l’oxygène disponible et générant une eutrophisation du milieu, stimulant l’apparition de certains organismes et l’absence d’autres, altérant les écosystèmes aquatiques », poursuit le texte.

PHOTO FOURNIE PAR LA SURINTENDANCE DE L’ENVIRONNEMENT DU CHILI

Équipe de la surintendance de l’Environnement du Chili, lors d’une inspection des installations de la canadienne Cooke, dans le fjord de Cupquelan, dans le parc national Laguna San Rafael

L’élevage « Huillines 3 » de Cooke n’avait pas fait l’objet d’une évaluation environnementale initiale quand il est entré en activité, parce que ce n’était pas requis par la réglementation chilienne à l’époque, précise la surintendance de l’Environnement.

Contestations judiciaires

Le dépassement de 170 000 poissons par Cooke Aquaculture est loin d’être un évènement isolé, selon la surintendance de l’Environnement du Chili.

Des inspections ont permis de constater que « l’entreprise dépassait la production totale approuvée en 2012, 2014, 2016 et 2020 de jusqu’à 6500 tonnes par cycle de production » pour la seule installation de « Huillines 3 », indique le communiqué de l’organisme.

La multinationale du Nouveau-Brunswick est d’ailleurs dans le collimateur des autorités chiliennes depuis 2021 pour « neuf manquements environnementaux » dans trois installations différentes, rappelle l’organisme – une situation que rapportait La Presse à la mi-octobre.

Lisez « La canadienne Cooke Aquaculture montrée du doigt »

Cooke s’est d’ailleurs adressée par deux fois aux tribunaux chiliens pour bloquer le processus de sanctions visant son installation « Huillines 3 », rappelle la surintendance de l’Environnement.

Dans les deux cas, les autorités environnementales se sont vu interdire temporairement de poursuivre la procédure.

PHOTO FOURNIE PAR LA SURINTENDANCE DE L’ENVIRONNEMENT DU CHILI

Installations de la canadienne Cooke, dans le fjord de Cupquelan, dans le parc national Laguna San Rafael

La levée d’une de ces interdictions par la Cour suprême, le 14 octobre dernier, a permis à la surintendance de l’Environnement d’aller de l’avant avec l’ordonnance d’arrêt partiel des activités annoncée vendredi, tandis que l’appel de la seconde interdiction est toujours en cours.

Cooke se défend

Cooke Aquaculture s’est dite « déçue et surprise » de la sanction annoncée vendredi et s’est défendue en rappelant avoir obtenu l’autorisation du Sous-Secrétariat aux pêches et à l’aquaculture du Chili pour accroître sa production, de même que celle du Service national de la pêche et de l’aquaculture du Chili.

« Il semble y avoir un manque de coordination entre les institutions du gouvernement chilien », a déclaré à La Presse Joel Richardson, vice-président responsable des relations publiques de l’entreprise.

« Nous nous adressons aux tribunaux du Chili pour prouver que les violations alléguées par la surintendance de l’Environnement sont sans fondement », a-t-il ajouté.

L’entreprise dit aussi travailler à trouver une « solution raisonnable » concernant l’emplacement de ses installations avec le Sous-Secrétariat aux pêches et à l’aquaculture.

Cooke Aquaculture affirme par ailleurs maintenant qu’elle exporte au Canada du saumon qu’elle produit au Chili, ce qu’elle avait nié en septembre.

« Nous n’en expédiions pas au Canada auparavant, a précisé M. Richardson, mais c’est maintenant l’une des destinations d’exportation [de notre production] du Chili. »

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    source : Cooke Aquaculture