Getyourplace, entreprise de gestion de logements convoitant les étudiants étrangers à Montréal, demandait ouvertement des dépôts de sécurité alors que la pratique est interdite au Québec. Des universités qui « font confiance » à Getyourplace, d’après son site web, indiquent qu’elles vont revoir leur association avec l’entreprise après avoir été interpellées par La Presse.

« Une caution égale à un mois de loyer est requise pour le contrat de meubles lors de la réservation de la chambre », pouvait-on lire jusqu’à récemment sur le site web de Getyourplace.

Pourtant, au Québec, un locateur ne peut exiger un tel dépôt à l’avance, à l’exception du premier mois de loyer lors de la signature du bail. « Même s’ils disent que c’est égal à un mois de loyer, [comme] ce n’est pas pour ça, ce ne serait pas légal », précise MJustine Sara, avocate en droit du logement chez Juripop.

L’entreprise se présente sur sa page Facebook comme fournissant « des chambres meublées pour étudiants venant à Montréal, pour 4 à 12 mois, et à un prix très abordable ». Les 31 chambres dans 6 appartements différents affichées sur Getyourplace étaient toutes louées au moment d’écrire ces lignes. Elles sont notamment situées sur le Plateau Mont-Royal, dans le quartier Côte-des-Neiges et au centre-ville.

Questionné au sujet de la caution à de multiples reprises, Getyourplace n’a jamais répondu aux demandes de La Presse. L’entreprise a cependant modifié l’information présentée sur son site web après avoir été contactée.

On peut maintenant y lire ce qui suit : « Lors de la réservation de ta chambre, tu peux réserver ta chambre non meublée, et aucune caution ne te sera demandée. Si tu désires que ta chambre ait des meubles, tu devras signer un contrat de prêt de meubles gratuit, indépendant de ton contrat de location de ta chambre, et pour lequel une caution te sera demandée. »

Or, « ça non plus, ce n’est pas légal, parce que le contrat de location de meubles est accessoire au bail de logement, puis ce sont les mêmes règles qui s’appliquent » en vertu de l’article 1892 du Code civil, explique MSara, et le locateur ne peut pas non plus demander de dépôt à cette fin.

Une autre interprétation voudrait qu’il s’agisse plutôt d’un « prêt à usage à titre gratuit », auquel l’article 1892 ne s’applique pas. « Cependant, cela m’apparaît contourner directement l’esprit de la loi puisque les meubles inclus au bail doivent faire l’objet d’une déclaration dans le bail, ajoute MSara. De dire que les meubles sont prêtés à l’extérieur du bail, à titre gratuit, pour pouvoir demander un dépôt m’apparaît être dans le seul objectif de se soustraire à l’application de la loi. »

Larguée par des universités

« HEC Montréal, UdeM, ESG UQAM, Poly, ETS nous font confiance pour loger leurs étudiants », affirme Getyourplace sur son site web en affichant leurs logos. La Presse a contacté tous ces établissements pour connaître la nature de leur association avec Getyourplace et pour savoir s’ils cautionnent les pratiques de l’entreprise.

« Des vérifications ont lieu actuellement et, jusqu’à nouvel ordre, nous avons décidé de retirer Getyourplace de notre liste de ressources », indique Geneviève O’Meara, porte-parole de l’Université de Montréal (UdeM). « D’ailleurs, nous n’avons pas autorisé l’organisation à utiliser notre logo. »

L’UdeM ne cautionne pas de contourner la loi ou la réglementation en place […]. Tant que la lumière ne sera pas faite sur leurs pratiques, Getyourplace n’apparaîtra plus sur notre site et nous lui demanderons de retirer toute référence à l’UdeM du leur.

Geneviève O’Meara, porte-parole de l’Université de Montréal

« L’organisation a déjà été mentionnée sur une liste pour un hébergement transitoire de courte durée, mais elle n’en fait plus partie », dit la porte-parole de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Jenny Desrochers, ajoutant que « des démarches sont entreprises » afin de revoir les messages impliquant l’établissement sur le site web de Getyourplace.

« Bien entendu, si vous démontrez une faute de leur part ou un non-respect des règles, nous allons rapidement retirer l’entreprise de notre liste de ressources disponibles », dit Olivier Audet, de l’École de technologie supérieure (ETS).

HEC Montréal « confirme [n’avoir] jamais reçu de plainte de la part d’étudiants et d’étudiantes au sujet de cette entreprise », indique la porte-parole Émilie Novales. « Avant de recommander cette entreprise auprès de nos étudiants, nous lui avons exigé que les contrats avec les étudiants soient conformes au droit en vigueur au Québec », ajoute-t-elle.

Polytechnique Montréal n’avait pas été en mesure de répondre aux questions de La Presse au moment d’écrire ces lignes.