Outre les nombreux dommages matériels, que laissera la tempête Fiona sur son passage ? Quel sera son impact sur les marées, sur la biodiversité ou sur l’érosion des côtes ? Et, surtout, peut-on s’attendre à voir davantage de tempêtes de cette ampleur dans les prochaines années ? La Presse fait le point avec des experts.

« C’est quand même rare chez nous, ce genre de tempêtes majeures, donc on n’a pas encore de statistiques probantes sur leur multiplication dans le temps et leur variation. Mais on peut certainement présumer que ça augmentera avec la crise climatique », explique Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Il apporte au passage une précision importante : avec les changements climatiques, l’eau de l’océan se réchauffe de plus en plus et, au même moment, l’atmosphère se refroidit. « Ça risque donc de donner une recette parfaite pour que les ouragans soient de plus en plus intenses, quand il y en aura. Ce genre de tempête, ça se nourrit d’eau chaude, mais aussi d’une bonne circulation d’air », résume l’expert.

L’urbaniste Brent Toderian, de Vancouver, est du même avis. « Les gens qui se demandent encore si la crise du climat a causé ces évènements météorologiques extrêmes n’ont rien compris, peut-être délibérément. La crise du climat, elle rend tous ces évènements météorologiques plus probables, et pires. Tous. Plus probables, et pires », a-t-il insisté sur Twitter samedi.

Après Dorian et Juan

L’ouragan Fiona, un nom porté par deux autres tempêtes tropicales en 2010 et en 2016, n’est pas sans rappeler deux autres ouragans majeurs qui s’étaient aussi abattus chez nous : Dorian, qui avait notamment frappé fort au Nouveau-Brunswick en 2019, et Juan, qui avait fait des ravages dans l’Atlantique en 2003.

« Il y a trois ans, l’intensité de Dorian avait été moindre que ce qu’on voit aujourd’hui, mais le rayon d’action de Dorian était aussi grand ou du moins similaire à celui de Fiona. Juan, en 2003, était de force comparable, mais sa superficie était bien moindre, et il n’avait donc pas affecté autant de gens », explique le météorologue à Environnement Canada Jean-Philippe Bégin.

Selon lui, Fiona pourrait être la « tempête la plus forte, sur tous les plans, depuis 19 ans ».

On peut s’imaginer que [Fiona] va surclasser Juan en termes de force, mais tout ça devra être déterminé avec plus de précision dans les prochains jours.

Jean-Philippe Bégin, météorologue à Environnement Canada

Quel impact sur les marées ?

Avec une pression non officielle enregistrée à Hart Island de 931,6 millibars, Fiona est « la tempête la plus basse jamais enregistrée au Canada », a tranché très tôt samedi le Centre canadien de prévision des ouragans (CCPO). « C’est vraiment très bas. Et ça a un impact significatif sur les marées », explique Jean-Pierre Blanchet. Il illustre la situation de façon très concrète. « C’est un peu comme avec un ballon. Quand on pèse sur les deux côtés, ça fait une bulle là où on n’appuie pas. C’est pareil pour l’océan », résume-t-il.

« Quand on amène une très basse pression, le poids de l’air est très bas, donc ça fait monter l’eau par aspiration, ce qui fait monter le niveau substantiellement. Avec les vagues énormes à cause du vent, et les précipitations importantes, tout ça a un impact significatif sur les marées », poursuit M. Blanchet.

Il estime que Fiona a marqué une transition « vraiment impressionnante » entre sa phase d’ouragan et de tempête extratropicale.

« Au départ, le système prend souvent son énergie dans l’eau chaude de l’Atlantique, et au fur et à mesure qu’il s’approche des côtes canadiennes, il va s’alimenter plutôt sur la température de l’air, entre l’air froid et l’air chaud. Ce qui est particulier avec cette tempête-là, c’est qu’elle a pris de l’intensité en s’approchant de la Nouvelle-Écosse, alors que normalement, elle a tendance à dépérir dans les eaux froides », illustre le professeur de l’UQAM.