Les producteurs de pommes demandent davantage de soutien du gouvernement pour accroître la production locale, qui, selon eux, « stagne » depuis quelques années. En parallèle, une étude révèle que la pomme a perdu près de 70 % de son contenu nutritif comparé au fruit sauvage dont elle descend.

« On est vraiment contents »

Cette année, contrairement aux derniers étés chauds et secs, les producteurs ont bénéficié des conditions pluvieuses. « On se retrouve avec de gros fruits. On est vraiment contents. On a une très grosse récolte », affirme Gaétan Gilbert, copropriétaire du verger Le Gros Pierre, dans les Cantons-de-l’Est. La température joue un rôle primordial dans la récolte, qui se retrouve en danger lorsqu’il fait trop froid en hiver et au printemps, et quand surviennent des gels importants, explique le pomiculteur.

Plusieurs conditions

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Le verger de la Pommeraie, à Laval

Le verger de la Pommeraie, à Laval, a tenté de s’en tenir essentiellement aux fongicides biologiques. « Il y a des variétés qui [les] acceptent moins bien, mais il y a beaucoup de variétés qui sont belles. C’est vraiment beau », souligne Hugues Bernier, propriétaire du verger. Le manque de pluie en juillet a toutefois empêché certaines variétés de pommes d’atteindre la taille désirée, ajoute-t-il. Une bonne cueillette nécessite un apport d’eau régulier avec des températures sous les 5 °C au cours de la nuit, suivie d’un soleil éclatant, précise Éric Rochon, président des Producteurs de pommes du Québec.

Domestication de la pomme

La pomme a été domestiquée il y a plus de 3000 ans, rappelle une étude menée par l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse. Le fruit que nous cultivons aujourd’hui provient notamment du Kazakhstan, importé par les populations ayant migré de l’Asie centrale vers les autres continents, indique Thomas Davies, l’un des chercheurs principaux de l’étude. Les gens qui migraient emportaient avec eux leurs pommes favorites, souvent les « plus grosses », les « plus sucrées » et les « plus colorées », explique-t-il au téléphone.

Consultez l’étude de l’Université Dalhousie (en anglais)

Les pommes traditionnelles du Québec

Au Québec, plus d’une dizaine de variétés de pommes sont maintenant cultivées. Éric Rochon note la McIntosh, la Spartan, l’Empire et la Cortland comme les variétés de pommes traditionnelles, offertes toute l’année dans les marchés. Ces 15 dernières années, quelque 5 millions de minots de pommes sont récoltés chaque année, l’équivalent de 95 millions de kilos. En 2020, le marché pomicole québécois a généré quelque 67 millions de dollars, selon les Producteurs de pommes du Québec.

La production pomicole stagne

Quelque 50 % des pommes vendues au Québec sont produites dans la province, souligne Éric Rochon. L’autre moitié proviennent notamment de l’Ontario et de l’État de Washington aux États-Unis, précise-t-il. En pleine campagne électorale, les Producteurs de pommes du Québec demandent du soutien au gouvernement afin d’augmenter leurs parts du marché à 70 % des ventes totales dans la province. Ils souhaitent obtenir 30 millions de dollars sur six ans pour accroître l’autonomie alimentaire et l’achat local, souligne Éric Rochon.

Modernisation des vergers

Les Producteurs de pommes du Québec demandent également un programme de modernisation et de replantation pour atteindre les objectifs de ventes. « Il faut laisser au pommier environ cinq ans avant qu’il produise des pommes, explique Éric Rochon. C’est extrêmement long et coûteux. » De nouvelles variétés de pommes sont maintenant offertes sur le marché, ce qui plaît aux consommateurs qui recherchent de la diversité. « Il faudrait remodeler nos quatre variétés traditionnelles et changer la portion de la tarte que nous produisons », lance Éric Rochon. Il désire voir une hausse de la production des pommes croquantes, juteuses et fermes comme la Honeycrisp, la Gala et l’Ambrosia.

L’évolution du fruit sauvage

Les caractéristiques de la pomme ont évolué, voire profondément changé, depuis les débuts de sa domestication. Les pommes cultivées aujourd’hui pèsent plus de trois fois le poids des pommes sauvages originales et sont 43 % moins acides, indique l’étude de l’Université Dalhousie. La fermeté, la haute teneur en sucre, le poids important et la faible amertume sont des propriétés recherchées par les producteurs et les consommateurs, selon les chercheurs. « Les changements observés entre les pommes sauvages et les pommes cultivées résultent directement de la sélection artificielle par les humains », explique Thomas Davies.

70 % moins de contenu phénolique

Malheureusement, les pommes domestiquées possèdent près de 70 % moins de contenu phénolique que le fruit sauvage, une observation « vraiment frappante », selon Thomas Davies. Le contenu phénolique des pommes peut prévenir le développement du diabète et de certains cancers, tout en assurant une meilleure santé cardiovasculaire, souligne le chercheur. « D’un côté, nous produisons des pommes plus délicieuses. De l’autre, on perd de leur contenu nutritif par le processus de la sélection artificielle. »

Avec la collaboration de Rokhaya Yade