S’il est vrai que les besoins en électricité du Québec seront croissants dans les prochaines années, il existe bien d’autres solutions que de construire des barrages hydroélectriques pour faire face au défi de la transition énergétique, rappellent des experts à François Legault.

« Mettre de l’avant ou prioriser une solution, c’est une erreur. Il y a plein d’avenues possibles. On sait aujourd’hui qu’il y a une panoplie de technologies pouvant être intéressantes. On se doit d’étudier l’hydroélectricité, mais aussi l’éolien, le solaire, la géothermie, même le nucléaire. Et si ça se trouve à être l’hydroélectricité, alors on ira. Mais documentons d’abord », affirme le professeur Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire en énergie de HEC Montréal.

Avec ses imposants barrages déjà en place, le Québec pourrait faire « beaucoup de chemin avec l’éolien avant de construire de nouveaux barrages qui vont forcément coûter plus cher » et qui mettront du temps à être en exploitation, rappelle M. Pineau.

Mardi, François Legault a révélé avoir mandaté Hydro-Québec pour évaluer la possibilité de construire de nouveaux barrages et lui présenter dans « les prochains mois » des propositions pour lancer des chantiers. Il promet aussi d’exiger la construction de « parcs éoliens d’une puissance totale de 3000 mégawatts (MW) ».

« La quantité de stockage hydroélectrique au Québec, elle est unique sur la planète pour un si petit territoire. On a le système en place pour intégrer de l’énergie éolienne, en équilibrant la production d’électricité. Il faut vraiment mener des études en toute transparence, en mettant toutes les technologies sur un même pied d’égalité », insiste encore M. Pineau, en demandant au politique de laisser les experts travailler.

« Pas une panacée »

Son collègue Sylvain M. Audette, expert en politiques énergétiques à HEC Montréal, seconde. « Les barrages, ils sont une option sur la table, mais on doit les comparer aux autres, avec le solaire ou l’éolien à plus court terme, par exemple. Les barrages ne sont pas une panacée », lâche-t-il.

« Ça nous prend rapidement un plan intégré des ressources qui met ensemble tous les scénarios, avec les coûts, pour 2035 et 2050 », poursuit M. Audette. Il fait ainsi référence aux deux cibles majeures du Plan vert du gouvernement Legault, qui prévoit la fin de la vente des véhicules à essence d’ici 2035 et l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. « Tous les pays qui comptent réellement réussir la transition énergétique se dotent de plans intégrés. Ça nous en prend un. Sinon, on parle dans le vide », ajoute-t-il.

Le gros problème, c’est qu’un barrage ne se construit pas en trois, quatre ou cinq ans. Un parc éolien, oui. Mais un barrage, c’est minimum 10 ans.

Sylvain M. Audette, expert en politiques énergétiques à HEC Montréal

À l’Université de Montréal, le professeur Normand Mousseau, aussi directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, est également sceptique par rapport à la construction de nouveaux barrages. « On ne peut plus inonder des territoires comme on l’a fait par le passé, pour les raisons environnementales et d’acceptabilité sociale qu’on connaît. Ça fait en sorte qu’on ne pourra pas avoir beaucoup de réservoirs, et donc moins de flexibilité », évoque-t-il en entrevue.

C’est l’un des avertissements que M. Mousseau et son équipe de chercheurs avaient d’ailleurs lancés dans un rapport intitulé « Une perspective stratégique pour le secteur de l’électricité dans le centre et l’est du Canada », publié la semaine dernière.

On y lit notamment que la solution reposerait surtout sur la construction de nouveaux parcs éoliens. « La construction d’éoliennes, pilotée par Hydro-Québec pour réduire les coûts, on peut faire ça à des tarifs très compétitifs », a dit M. Mousseau dans un webinaire, mercredi dernier.

« Il faut planifier pour 2050, ultimement, conclut M. Mousseau au bout du fil. Il peut y avoir des raisons stratégiques de sécurité ou de résilience pour intégrer encore plus d’hydroélectricité. Mais je pense qu’à court terme, ce ne sera pas la solution. »